Fyctia
Chapitre 39 (1/2)
— Eh bah. Tu nous as fait une petite frayeur, gamin. Prends soin de toi, d’accord ?
L’ambulancier m’aide à me lever. Ma mère glisse son bras sous le mien et me raccompagne à la voiture. Elle m’aide à m’installer sur la banquette arrière et attache ma ceinture. Je suis dans un état second. Vidé de toute énergie. Et surtout, j’ai mal à la poitrine.
Je visse ma capuche sur mes boucles blondes et colle mon visage contre la vitre. Le trajet du retour est interminable. J’arrache la peau autour de mes ongles à l’aide de mes dents, anxieux. Mon père ne décroche pas un mot. Il gare la voiture de ma mère devant notre maison puis s’en va sans même tenter de me parler. Il sait que ça ne sert à rien d’essayer. Je ne suis certainement pas prêt à écouter ce qu’il a à dire sur sa nouvelle famille parfaite.
Ma mère sort mes béquilles du coffre et me les tend. Je les attrape et prends appui dessus pour descendre de mon siège.
— Oh… eh, salut Swann !
Mon cœur manque un battement. Je me dévisse le cou pour tenter de l’apercevoir.
— Oh… bonjour Jocelyne, souffle-t-il en esquissant un signe timide de la main.
Son regard bleu et froid accroche le mien. Il m’a tellement manqué. J’ai envie de pleurer. Je tangue d’un pied sur l’autre, déstabilisé par cette rencontre fortuite. Je veux courir me réfugier dans ses bras. Je veux tout lui raconter, à propos de mon père et de sa nouvelle famille. Je veux qu’il me caresse les cheveux, qu’il embrasse mon front, qu’il me dise que tout va bien se passer.
Ses New Rock raclent le rebord de son perron. Il enfonce ses mains dans les poches de son sweat noir. Il a les traits tirés. Je mets ma main à couper qu’il ne dort quasiment pas. De là où je me trouve, j’ai l’impression d’apercevoir une coupure sur le dessous de son œil. Comment est-ce qu’il s’est fait ça ? Est-ce que son père lui a encore jeté une assiette au visage ?
Mes jambes se mettent en mouvement sans que je ne contrôle rien. Swann se fige sur place tandis que je me rapproche de lui. Puis il grimace, secoue la tête et rentre chez lui. Je reste con, planté au milieu du trottoir. Ma mère se racle la gorge.
— Viens, chéri. Laisse-lui un peu de temps, d’accord ?
Elle pose sa main sur mon épaule.
— Ne me touche pas ! craché-je, les mâchoires serrées.
Ma mère se détache de moi comme si je venais de la frapper en plein visage. Elle essuie ses yeux d’un revers de manche et s’engouffre dans la chaleur de notre maison. Je lui emboite le pas, la mort dans l’âme.
****
Je n’aurais pas dû réactiver le wifi sur mon ordinateur, mais je ne peux pas faire autrement. Il faut que je prenne des nouvelles de Swann. Et comme il ne veut pas me voir, je n’ai pas beaucoup d’options qui s’offrent à moi.
@Griminal
Il y a 14 heures - 35 j’aime - 7 commentaires
Hors de moi
Il a récidivé
M’a encore pris ma liberté
Hors de moi
J’ai perdu la foi
Encore un autoportrait sous l’apparence d’un enfant, une coupure sous son œil bleu. Son père y est pour quelque chose, j’en suis persuadé. Une peur sourde se loge au creux de mon estomac. Il faut que je le vois. Mais comment ?
Je me précipite sur notre conversation privée et prie pour qu’il me réponde. J’enfonce la touche d’appel vidéo, nerveux. Je me surprends à croiser les doigts, littéralement. Patrick posé sur le rebord de mon clavier, l’appel s’éternise, puis se coupe. Je réitère. Toujours rien. Mais je ne me laisse pas démonter. Il va bien finir par répondre. Je jète un coup d’œil nerveux par la fenêtre. J’ai envie de hurler de frustration. Ces foutues coupures de journaux me rendent dingue.
Au bout de la dixième tentative, Swann décroche. La pression dans ma poitrine se relâche un peu.
— Pourquoi est-ce que tu me harcèles ? soupire-t-il en passant sa main sur son visage.
Il est assis sur son lit. C’est la première fois que je vois sa chambre. Enfin, le peu auquel j’ai accès avec l’angle de la caméra de son portable.
— Je… je suis désolé. J’étais inquiet. Je voulais juste m’assurer que tu allais bien.
— Bon bah je raccroche alors.
— Non ! Attends, s’il te plait…
— Quoi ? demande-t-il sèchement.
Mon cœur se ratatine dans ma poitrine. Il est si froid.
— Est-ce que… euh… il s’est passé quelque chose avec ton père ?
Swann grimace.
— Je n’ai pas envie d’en parler avec toi.
— Mais…
— Je suis désolé, Alix. Mais là, j’en suis incapable, ok ? Laisse-moi respirer, s’il te plait. Ne m’appelle plus.
Puis il raccroche sans me laisser le temps d’ajouter quoi que ce soit. La mort dans l’âme, j’ouvre mon nouveau manuscrit, On both sides. J’ai besoin d’évacuer la pression qui comprime ma poitrine.
J’aurais voulu être capable d’être un gamin normal. Avoir une vie normale, ennuyante même. Sans vagues. Je lutte tant bien que mal contre mon cerveau autodestructeur pour me focaliser sur mon manuscrit. J’en noircis des pages encore et encore jusqu’à m’effondrer de fatigue.
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