Fyctia
Chapitre 36 (2/3)
— Alix ?
Je suis tellement concentré sur ce que j’écris que je n’ai pas entendu ma mère monter les escaliers. Elle ouvre la porte avant même que je ne réponde. Je planque mon ordinateur sous les draps. Elle se glisse dans la pièce et referme derrière elle.
— Ton père s’inquiète pour toi. Et moi aussi. On aimerait… on aimerait aller porter plainte. Qu’est-ce que tu en penses ?
Elle s’assoit sur le bord de mon lit et me caresse l’avant bras.
— Je… je ne pense pas que ça changera quoi que ce soit… Eric a supprimé son post, c’est ce que tu voulais…
— Oui, c’est ce que je voulais. Mais ça ne règle pas le problème pour autant.
Elle plonge ses yeux marron foncé dans le vert des miens.
— C’est quoi, ce compte Instagram sur ton téléphone ? Je croyais que tu détestais les réseaux. Je n’ai pas lu tes messages privés, ne t’inquiète pas, me rassure-t-elle alors que j’écarquille les yeux.
— Tu as… fouillé mon téléphone ?
— Je voulais juste lire les commentaires, mon chéri. J’ai fait des captures d’écran des commentaires sous le post de ton camarade de classe. J’ai tous les pseudos de ces gnomes…
— Trolls, maman…
— Trolls, se corrige-t-elle, les lèvres pincées. Donc si tu veux aller porter plainte, on a des preuves, mon cœur. Et je pense sincèrement que tu devrais le faire. On ne peut pas les laisser s’amuser à te harceler, à t’insulter sans rien faire. Ça leur donnerait raison. Tu ne crois pas ?
— Je ne sais pas si j’en ai la force, maman. Et s’ils ne me prennent pas au sérieux, au commissariat ? S’ils me disent qu’ils ne peuvent rien faire ? Que c’est juste des jeux de gamins ? Tu sais comment ça s’est passé, la première fois. Alors que je m’étais quand même fait tabasser…
Je frissonne.
— Je sais, mon cœur… mais on ne peut pas savoir comment ça se passera, sans y aller. Réfléchis-y, d’accord ?
Je hoche lentement la tête. Elle plante son regard en direction de ma fenêtre avant de reprendre.
— Ton père et moi avons parlé une bonne partie de la nuit. Je crois… je crois qu’il regrette sincèrement la façon dont il a géré l’annonce de ta transidentité…
— Tu veux dire, comment il n’a pas du tout su gérer ? la corrigé-je, les mâchoires serrées.
Elle hoche la tête, pensive.
— Je serai toujours de ton côté, quoi qu’il arrive. Et je ne lui pardonnerai jamais ce qu’il a fait. Tu sais à quel point j’ai souffert quand il est parti. Mais je pense que tu devrais lui donner une seconde chance. Pas pour lui, pour toi.
Je resserre mon étreinte autour du petit corps de Patrick.
— Je suis désolée de t’embêter avec ça Alix, mais… est-ce que tu as pris rendez-vous avec l’un des psychologues que j’avais trouvés ? continue-t-elle, les yeux toujours perdus dans le vide.
— Euh… oui. J’ai rendez-vous demain. Je suis vraiment désolé, maman.
Ma voix se brise. J’ai essayé de retenir mes larmes le plus longtemps possible. Ma mère tourne son visage vers moi avant de se jeter dans mes bras.
— Pourquoi est-ce que tu t’excuses ?
— Je… je ne veux pas t’inquiéter… ou te mener la vie dure… hoqueté-je. Je fais… de mon mieux… pour m’en sortir, maman…
— Je sais, mon cœur, je sais, souffle-t-elle en caressant mes boucles blondes. Et tu t’en sortiras, je te le promets. Tu es très courageux, Alix. On a tous des passages à vide dans la vie. Mais la roue finit toujours par tourner, et la vie te sourira à nouveau. Je te le promets.
Elle pose ses lèvres sur mon front. La chaleur de son baiser réchauffe un peu mon cœur meurtri. Je ne suis vraiment rien sans ma mère. Elle est mon roc, mon phare dans la tempête.
— Tu voudras bien me conduire à mon rendez-vous ?
— Bien sûr, mon cœur. Tout ce que tu voudras. Je veux juste que tu ailles bien. Tu as pris rendez-vous avec qui, alors ?
— Euh… madame Thomas.
— Bien. Je suis très fière de toi, mon chéri. Vraiment très fière. Au fait, Élie t’a harcelé d’appels… j’ai ouvert le dernier message, où elle disait qu’elle arrivait demain à vingt-et-une heures, à la gare. Je passerai la récupérer après le travail.
— En même temps, on s’appelle quinze fois par jour et je lui ai raccroché à la figure après… enfin tu vois. Alors elle doit se dire que je lui en veux… dis-lui pour moi que je l’aime et que j’ai hâte qu’elle arrive demain. Et que tu séquestres mon portable pour mon bien.
— Je vais le faire tout de suite avant d’oublier, dit-elle en glissant sa main dans la poche de son jogging.
Ma mère ouvre ma conversation avec Élie et envoie le message que je lui dicte.
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