Mauranne BP On both sides Chapitre 35 (1/2)

Chapitre 35 (1/2)

Avertissement : scène d’automutilation


Je me jète sur le tiroir de mon bureau et saisis mon cutter, toujours incapable de respirer correctement. Je fais glisser la lame avant de soulever la manche de mon sweat bleu clair à l’effigie de Boy next door. J’étouffe un gémissement de douleur quand la lame entame la chair. Mais je répète l’opération encore et encore, jusqu’à ce que le sang goutte sur le parquet. Les sanglots redoublent. Mon corps tremble.


Je me précipite dans la salle de bain malgré ma cheville récalcitrante qui me fait un mal de chien chaque fois que les vibrations de mes pas se répercutent dans tout mon corps. Je me laisse tomber devant la cuvette. À part de la bile, je n’ai rien à vomir. J’avais été incapable d’avaler quoi que ce soit aujourd’hui. Je continue à me faire du mal tout en vomissant. Je n’arrive plus à m’arrêter. Je suis pathétique. Un moins que rien.


Swann m’a abandonné. Ma mère était partie quand j’avais eu besoin d’elle. Je sais qu’elle l’a fait parce que la situation était critique, et que c’est pour mon bien. Mais si elle ne m’avait pas laissé seul, je n’en serais pas là. Elle m’en aurait empêché.


La porte d’entrée s’ouvre et la panique s’empare de moi. Je me redresse, tire la chasse et ouvre tous les tiroirs pour trouver des bandages. Ma mère va me tuer. Elle va me tuer. Dans la précipitation, mon plâtre glisse sur le carrelage. Je m’agrippe au lavabo en étouffant un cri de douleur quand mon bras malmené tape contre le rebord.


— Alix ? Ta mère m’a dit de venir…


Mon sang ne fait qu’un tour. Qu’est-ce que mon père fait là ? S’il me voit dans cet état, il va se dire que je suis bon à interner. Je me débats avec la trousse de secours, dont la fermeture éclair est bloquée. Le contenu finit par s’étaler sur le sol. J’attrape la bande de mes doigts tremblants et bande mon bras. Les marches grincent sous le poids du corps de mon père.


— Alix ?


Je rampe jusqu’à la porte pour la claquer et la fermer à clé.


— Alix, ouvre s’il te plait. Ta mère m’a rapidement expliqué ce qui vient de se passer…


— Va-t-en, soufflé-je.


— Je sais que tu ne veux pas me voir, mais…


— Va-t-en ! répété-je, plus fort cette fois.


Mon père secoue la poignée.


— Ouvre, s’il te plait…


Je déroule des feuilles de papier toilette pour essuyer les traces de sang sur le carrelage.

— Si tu n’ouvres pas cette porte, je serai obligé de l’ouvrir moi-même, me menace-t-il au bout d’un long silence.


Je reste là, recroquevillé, mon bras collé contre mon torse. J’ai tellement mal. La douleur ne veut plus me quitter. Je veut qu’il s’en aille et en même temps, je suis… je ne sais plus ce que je ressens. Du soulagement, peut-être ? Je ne veux pas être seul. Ce n’est jamais bon quand je me retrouve seul avec mes pensées autodestructrices.


Je m’assure que la salle de bain est en ordre et qu’il n’y a plus aucune trace de ce que je viens de faire, puis je réunis le peu de forces qu’il me reste et rampe jusqu’à la porte pour la déverrouiller. Mon père entre, le front perlé de sueur.


— Est-ce que ça va ?


J’explose en sanglots. Encore une fois. Il se met à ma hauteur et pose sa main sur mon épaule.


— Ça va aller. Viens.


Il m’aide à me mettre debout et me fait sortir de la pièce. Puis, sans que je ne puisse rien faire, il passe son bras sous mes jambes et me soulève pour descendre les escaliers. J’ai l’impression d’avoir dix ans de moins, quand j’étais encore sa petite fille adorée. Quand tout était encore simple. Je passe mes bras tremblants autour de son cou.


Il me dépose dans le canapé sans rien dire et déplie le plaid sur mon corps recroquevillé. Puis il me laisse seul quelques minutes, le temps de me préparer une grande tasse de chocolat chaud. Je le remercie d’un signe de tête et porte la boisson à mes lèvres, en faisant attention que la manche de mon pull ne remonte pas sur mon bandage de fortune.


Mon père s’assoit à côté de moi, mal à l’aise. Il est droit comme un piquet, les mains posées sur les genoux. Je l’observe du coin de l’œil. Il a vieilli, en quatre ans. Il a encore moins de cheveux qu’à l’époque. Mais il est plus rayonnant aussi, même s’il fronce les sourcils là tout de suite.

J’ai du mal à l’admettre mais il m’a terriblement manqué. Je me sens extrêmement mal à l’aise, mais soulagé de ne pas être seul. Le chocolat chaud réchauffe un peu mon âme blessée. Mon portable n’arrête pas de vibrer dans ma poche et je meurs d’envie de l’exploser contre le carrelage pour que tout ça s’arrête. Mais je sais pertinemment que ça ne changera rien à la situation.


Je suis fichu. On m’a outé encore une fois. Alors que j’avais tout fait pour me fondre dans la masse dans mon nouveau lycée. Et ça ne fait qu’un peu plus d’un mois que j’y suis. Heureusement pour moi, c’est le début des vacances et je prie pour que l’histoire se tasse un peu avant la rentrée. Et puis, Élie va arriver d’ici quelques jours. Elle trouverait tous les moyens possibles pour me changer les idées.


Je vais m’en sortir. Il le faut. Pour ma mère.


****


Vous l'aurez sûrement remarqué, on passe au présent d'un chapitre à l'autre.

L'explication ? Je suis en train de passer tout le roman au présent.

Pourquoi ? J'en avais envie ! Ma très brève participation au concours CR m'a fait prendre conscience que j'aimais écrire au présent (chose que je n'avais jamais faite avant) et lors de la réécriture d'un petit tiers de On both sides, que j'ai terminée il y a quelques jours, je me suis dit que j'allais tester de la réécrire au présent histoire de voir ce que ça donnait. Et j'ai adoré ! Donc voilà pourquoi maintenant les chapitres seront au présent !

Qu'est-ce que vous en dites ? Vous aimez ?

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14 commentaires

Lucile Jones

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Il y a 2 ans

Très contente du passage au présent, je trouve ça plus agréable à lire !
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