Fyctia

(Le précédent était le 33 (1/2)... Ne me jugez pas xD)

Elle nous intima de nous installer autour des tables de la bibliothèque, qu’elle avait pris soin de disposer en forme de U. Le silence retomba quand le groupe commença sa représentation. Swann glissa ses doigts dans les miens, sous la table. Les groupes s’enchaînèrent jusqu’à ce que plus personne ne se manifeste de lui-même. Je jetai des coups d’œil nerveux aux autres élèves. Il ne restait que quatre groupes avec nous. L’angoisse se logea au creux de mon estomac. Swann resserra son étreinte.

— Bon, alors… les prochains à passer…

La professeure posa son regard sur nous. J’étais tétanisé.

— Swann et Alix, avec…

Elle baissa les yeux sur ses notes.

— Une réinterprétation de Boy next door, un roman de… Eryn, un jeune auteur qui écrit sur… Wattpad ? C’est ça, Swann ?

Je me dandinai sur ma chaise, au supplice.

— Oui, c’est ça, intervint mon charmant voisin. C’est un jeune auteur transgenre qui écrit sur des sujets de société, et qui cherche à abolir les tabous autour de sujets sensibles comme l’homophobie, la transphobie, les troubles alimentaires, mentaux, etc…

Les murmures s’intensifièrent. Mes oreilles sifflaient. Je me sentais de plus en plus mal. J’étais incapable de me concentrer pour essayer d’entendre ce que les autres avaient à dire.

— Merci, Swann. Eh bien, on vous laisse la parole, les garçons !

Swann posa sa main sur mon épaule. J’étais tétanisé. J’avais envie de vomir.

— Tout va bien se passer, m’encouragea-t-il.

J’agrippai mes feuilles, les mains tremblantes. Mes béquilles tombèrent dans un fracas infernal quand je poussai ma chaise pour me mettre debout. Swann sortit sa guitare de son étui et passa la sangle autour de sa poitrine. J’avais l’impression que j’allais m’évanouir d’une minute à l’autre.

Swann scotcha ma fenêtre en carton sur ma table et s’installa en tailleur sur la sienne. Je l’imitai, calant ma cheville plâtrée sous mon autre pied. Je pris une grande inspiration, fermai les yeux un instant. Puis je pris la première feuille dans mes mains tremblantes et ouvris la bouche.

— Maël, est-ce que tu dors ?

Swann se redressa sur la table, et enchaîna.

— Je suis là.

— Je… il y a quelque chose dont je voudrais te parler… balbutiai-je, au supplice.

J’essayais tant bien que mal de faire le vide dans mon esprit. De m’imaginer dans ma chambre, sur mon bureau, avec Swann de l’autre côté de ma fenêtre. Il me sourit et m’encouragea à reprendre.

— Je t’écoute, souffla-t-il.

— Je… tu es mon meilleur ami depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, articulai-je tant bien que mal. Tu as toujours été là pour moi, dans les moments difficiles.

Swann fit glisser ses doigts vernis de noir sur les cordes de sa guitare, libérant les premières notes. Mon cœur se ratatina dans ma poitrine. Il était tellement beau, tellement réel. J’essuyai mes mains moites sur le tissu de mon pantalon trop large.

— Entre amitié et amour, il n’y a qu’un pas, soufflai-je. J’en ai pris conscience…

Swann accrocha mon regard et me sourit. Il se mit à fredonner. Je me concentrai sur ses yeux bleus et enchaînai les tirades. Puis, il commença à chanter. Je risquai un coup d’œil à notre audience. Plus personne ne parlait. Tout le monde avait les yeux rivés sur mon charmant voisin.

Notre professeure avait un sourire béat sur les lèvres. Ça se passait bien. J’avais rempli mon rôle, même si les débuts avaient été plutôt chaotiques. Les dernières notes de la chanson que Swann avait écrite s’évanouirent. Puis, après un silence, les applaudissements fusèrent. J’avais le cœur gros. Le visage de Swann était lumineux. Et le mien aussi, malgré la pression sur mes épaules.

Les derniers groupes passèrent, puis madame Singh nous remercia pour notre participation.

— Je dois bien vous avouer que je suis vraiment agréablement surprise, les jeunes. J’avais lancé ce projet sans grande conviction, et vous avez clairement dépassé toutes mes espérances. Bon… qui veut sa note ?

Des éclats de voix fusèrent de tous les côtés des tables. La professeure annonça les notes de chacun par ordre alphabétique.

— Alix Clément… wouah. Swann et toi nous avez donné une sacrée claque. Je ne sais pas ce que vous en pensez, les jeunes…

— C’était vraiment génial, intervint une élève sur notre droite. J’étais stressée du début à la fin, comme si c’était moi qui devais déclarer mes sentiments à Maël, grimaça-t-elle.

— J’avoue que cette histoire me fait écho, intervint un autre élève, Eric. J’étais moi-même amoureux de ma meilleure amie et j’ai revécu ma déclaration plus que chaotique en vous regardant. C’était très bien joué.

La professeure étira un sourire.

— Personnellement, je vous ai mis à tous les deux un 19,5/20. C’était parfait.

Swann me broya la main sous la table, le sourire aux lèvres. Il pouvait être fier de lui. Il avait été parfait du début à la fin. La professeure continua à donner ses notes aux autres élèves, puis nous libéra.

— Vous avez quartier libre jusqu’à la fin de la journée. C’est pas beau ça ? Ne suis-je pas la meilleure prof que vous n’ayez jamais eue ? insista-t-elle alors que tout le monde se précipitait déjà vers la sortie.

— Si, madame ! beugla un élève.

— Merci ! cria-t-elle.

Swann fourra mes feuilles dans mon sac à dos et m’aida à me mettre debout. Il me tendit mes béquilles. Une fille dont je n’avais pas retenu le prénom s’avança vers nous.

— Euh… je peux vous poser une question ? bégaya-t-elle en dévisageant mon charmant voisin.

— Oh Romane ! Oui, bien sûr, l’encouragea-t-il, un sourire solaire sur les lèvres.

— Est-ce que tu veux bien m’écrire le nom de cet Eryn sur un papier ? Je lis pas mal d’histoires sur Wattpad, et j’aimerais vraiment découvrir ce qu’il fait. Je… euh… je me pose des questions depuis pas mal de temps, sur mon identité de genre…

Elle baissa les yeux. Je ne pus m’empêcher de poser ma main sur son avant-bras.

— Il a un compte Instagram aussi, si tu veux lui envoyer un mp, soufflai-je.

Swann me dévisagea un instant, troublé. Je retins mon souffle.

— Euh… merci, souffla-t-elle.

Mon charmant voisin gribouilla mon compte Wattpad et Instagram sur un papier et lui tendit.

— Tiens. Et si jamais tu veux en parler à quelqu’un d’autre qu’Eryn, on est là. Hein, Alix ?

— Euh, oui, bien sûr, soufflai-je.

— Merci beaucoup, balbutia-t-elle avant de se précipiter vers la sortie.

— Tu es vraiment parfait, soufflai-je. J’ai de la chance de t’avoir.

— C’est moi qui ai de la chance de t’avoir, répondit-il en me gratifiant de son plus beau sourire. On y va ?

Je hochai la tête.

— Je vais appeler ma mère pour qu’elle vienne nous chercher.

Il acquiesça et glissa son bras sous le mien. L’angoisse s’empara à nouveau de moi. Je venais de passer une épreuve haut la main, mais le plus dur restait à venir. Maintenant, il fallait que je trouve le courage d’avouer à celui que j’aimais qui j’étais vraiment. Et ça me terrifiait.