Mauranne BP On both sides Chapitre 31

Chapitre 31

— Alix, attends…


Je m’agrippai à la rambarde des escaliers. Mon corps entier tremblait, comme si l’on m’avait plongé dans un bain de glace. J’avais la tête qui tournait. Pourquoi est-ce que j’avais si mal à la poitrine ? J’avais l’impression qu’on me martelait le cœur avec un marteau. Je devrais être heureux. Swann venait de m’avouer ses sentiments à haute voix. Alors pourquoi est-ce que je n’étais pas heureux ? Pourquoi est-ce que tout mon corps le rejetait ? Je l’aimais, moi aussi. Je l’avais aimé dès le premier jour. Je voulais être avec lui. J’avais toujours envie de le voir. Il habitait toutes mes pensées, jour comme nuit.


Je m’arrêtai net au milieu des marches. Des chaussures que je ne connaissais pas étaient posées dans l’entrée à côté des New Rock de Swann. Je tendis l’oreille. Ma mère chuchotait, mais au son de sa voix, je compris qu’elle était énervée. Une voix plus grave lui répondit. Mon sang se glaça. C’était lui. Mon père.


Je reculai et mon plâtre tapa dans la marche. Swann me rattrapa in extremis. Je me laissai aller contre son torse, trop sonné pour le repousser une nouvelle fois. Je me tournai vers lui, les lèvres pincées et les yeux embués. Il me plaqua contre lui sans rien dire. Ses doigts s’engouffrèrent dans mes boucles blondes.


— Viens, souffla-t-il.


Il me tendit la main et je la saisis malgré le poids qui comprimait ma poitrine. Je préférais encore affronter ses questions que celles de mon père. Les chuchotements se transformèrent en éclats de voix alors qu’on regagnait le haut des marches. Ma mère perdait son sang froid. Swann resserra la pression de ses doigts autour des miens.


— Je t’avais demandé d’attendre que je sois là ! cria-t-elle. Tu n’as pas le droit de débarquer comme ça dans sa vie, du jour au lendemain, après quatre ans de silence !


— J’ai quand même le droit de voir ma… mon enfant ! répondit mon père de sa voix grave.


Je frissonnai.


— Non, pas comme ça, je suis désolée ! J’ai dû appeler son petit-ami, qui était au lycée, pour qu’il vienne à la maison parce que ton fils a fait une crise d’angoisse ! Tu es égoïste, tu n’en fais qu’à ta tête ! Ça a toujours été comme ça !


— Alexan…


— Alix, le reprit-elle. Alix !


— Alix a un petit-ami ? Je croyais…


Je poussai Swann dans ma chambre et refermai la porte derrière lui, paniqué.


— Je croyais qu’elle voulait être un garçon parce qu’elle n’assumait pas d’être lesbienne, avoua mon père, et je tombais des nues.


C’était tellement tordu. Tellement absurde.


— Qu’est-ce qu’on s’en fout, de la sexualité de ton gamin ! beugla ma mère.


Bien envoyé, maman. Mon père ne comprenait rien. Il n’avait jamais rien compris. Et plutôt que de nous laisser lui expliquer, lui et son égo avaient préféré prendre la porte. Ma mère, elle, s’était documentée pendant des mois. Elle m’avait posé toutes les questions qui lui étaient passées par la tête, même les plus farfelues, et elle avait fini par assembler les pièces du puzzle. Mes parents recommencèrent à chuchoter. Je m’engouffrai dans la chambre.

— Désolé, soufflai-je à l’attention de Swann qui était assis sur le bord de mon lit, Patrick sur les genoux.


Il caressait son petit crâne de peluche, pensif.


— Je…


— Non, c’est moi qui suis désolé, me coupa-t-il. Je ne voulais pas te mettre la pression. Je veux que tu te sentes bien avec moi, avoua-t-il. Si je fais ou dis quelque chose qui te met mal à l’aise, je veux que tu me le dises, d’accord ?


Je hochai la tête et m’assis à côté de lui. Il glissa ses doigts dans les miens. Mon cœur bondit dans ma poitrine au contact de sa peau contre la mienne.


— Je n’ai pas pris tes sentiments en considération, poursuivit-il. Je ne voulais pas te faire peur.


C’est juste que quand tu m’as dit que tu pensais m’aimer, j’ai ressenti le besoin de le dire aussi.

Je sentis mes joues s’empourprer.


— J’ai menti, avouai-je, les yeux fermés.


— Comment ça ? demanda-t-il, inquiet.

— Je… je ne pense pas… que je t’aime…


— Quoi ?


Sa voix se brisa. Ses doigts lâchèrent les miens et il recula comme si je venais de le frapper en plein visage.


— Non ! m’écriai-je en me tournant vers lui. C’est pas… c’est… je… je suis sûr que je t’aime, finis-je par vomir avec toute la peine du monde. Je t’aime, répétai-je, les joues en feu.

Ses yeux bleus sondèrent les miens. Un sourire étira son visage.


— C’est vrai ? souffla-t-il.


— C’est vrai, répondis-je en hochant la tête.


Swann posa Patrick sur le parquet. Ses mains encerclèrent mon visage et ses lèvres s’écrasèrent sur les miennes. Je retins mon souffle un instant, surpris, puis m’abandonnai dans ses bras. Ses doigts s’emmêlèrent dans mes boucles blondes, sa langue joua avec la mienne. Je me laissai glisser sur mes draps défaits et pestai intérieurement parce que les bosses qu’ils faisaient n’étaient vraiment pas agréables.


Mais je repoussai mes pensées parasites quand Swann s’allongea sur moi. J’entendais son cœur battre contre ma poitrine. Est-ce qu’il pouvait la sentir, ma poitrine ? La panique m’envahit. Est-ce qu’il pouvait sentir que ce n’était pas un torse d’homme que j’avais ? Ses mains quittèrent mes cheveux pour s’engouffrer sous mon sweat. Je retins mon souffle. J’étais pétrifié. Et en même temps, mon corps brûlait de désir pour lui. Son pouce retraça le contour de mon nombril, puis glissa sous l’élastique de mon boxer. Mes dents se refermèrent sur sa lèvre inférieure. J’avais l’impression que mon corps était en train de fondre. J’entendais mon cœur battre dans mes oreilles. Il battait si fort que ça m’en donnait le tournis. Sa main glissa un peu plus sous le tissu de mon boxer et mon sang ne fit qu’un tour. J’arrêtai son geste.

— Non, paniquai-je.


Swann se détacha de moi, les joues rouges.


— Je… je suis vraiment désolé, articula-t-il, le souffle court.


Je l’embrassai.


— Ne t’excuse pas, lui souris-je. Je… j’en ai envie, mais… je ne suis pas prêt, admis-je. Et… euh… je ne sais pas quand je le serai. Mais… ça pourrait prendre beaucoup de temps. Ne m’en veux pas, s’il te plait.


Il caressa ma joue de son pouce.


— Pourquoi est-ce que je t’en voudrais ? demanda-t-il, choqué. On a le temps. On prendra tout le temps qu’il te faudra, me rassura-t-il.


— Même si… même si ça prend… plusieurs années ?


— Oui, répondit-il sans hésiter. Pour toi, je suis même prêt à attendre toute ma vie, rit-il.

— Ça ne me met pas du tout la pression, ironisai-je.


— Merde, euh… ce n’était pas mon intention… paniqua-t-il.


— Je rigole ! m’écriai-je.


J’attrapai son visage de mes mains et posai un baiser sur ses lèvres.


— Comment est-ce que tu peux être si parfait ? soufflai-je. Tu caches forcément des cadavres dans tes placards.


— Mmh… peut-être, souffla-t-il avant de m’embrasser. Mais je promets de les partager avec toi quand le jour viendra, ajouta-t-il entre deux baisers.

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