Mauranne BP On both sides Chapitre 46

Chapitre 46

Alix - 9h10

  • Swann sait tout. Et il me déteste.



Élie - 9h10

  • Je t’appelle à ma pause. Je t’aime 💜



J’étais incapable de sortir du lit. Ça faisait déjà plusieurs heures que je me tournais et me retournais sous les draps. J’étais épuisé, mais je n’arrivais pas à dormir. J’étais trop angoissé. Mon cerveau ne me laissait aucun répit. Mes mains malaxaient le ventre mœlleux de ma peluche panda, mais ça ne m’apaisait pas. Patrick ne pouvait pas m’aider, cette fois. Mais il fallait que quelqu’un m’aide. Je me sentais sombrer à nouveau, et les profondeurs de mon cerveau m’effrayaient. La réapparition de mon père avait été la goutte d’eau. J’aurais dû dire à ma mère que je n’étais pas prêt. J’aurais dû lui dire. Mais je ne voulais pas lui causer plus de soucis. Elle s’inquiétait déjà tellement pour moi.


Elle n’avait pas toujours été infirmière. Avant de rencontrer mon père, elle était assistante dentaire. Puis, quand elle m’avait eu, mon père lui avait proposé de rester à la maison pour s’occuper de moi, au moins les premières années. Comme son salaire suffisait pour subvenir à nos besoins, ils s’étaient mis d’accord pour que ma mère continue à s’occuper de moi, en travaillant par-ci par-là, histoire de garder un semblant de vie sociale.


Quand mon père nous a abandonnés, ça a été la douche froide pour elle. Ça faisait des années qu’elle n’avait pas vraiment travaillé, et on se retrouvait sans rien. Elle avait revendu sa part de la maison et avait enchaîné les petits boulots pendant un certain temps.


Moi, j’étais détruit. Mon père n’avait pas supporté d’avoir un enfant différent. Les mois qui avaient précédé son départ, mes parents passaient leur temps à se hurler dessus, à cause de moi. J’étais au cœur de toutes leurs disputes. J’avais commencé à développer des troubles de l’alimentation. Les crises d’angoisses s’étaient ajoutées. Puis les pensées suicidaires.


J’avais treize ans la première fois que j’avais tenté de mettre fin à cet enfer. Après ça, ma mère avait commencé à se plonger dans les manuels de médecine. Elle avait passé plusieurs concours, jusqu’à devenir infirmière. Pour moi. Pour pouvoir être en mesure de m’aider. Je serais incapable de dire, aujourd’hui, si elle regrettait son choix. Elle était épuisée et se plaignait de la précarité du métier, mais elle s’était aussi trouvé une vocation à aider les autres.


J’avais conscience de ne pas être un cadeau, mais je faisais de mon mieux pour m’en sortir. Je voulais prouver à ma mère que tous les sacrifices qu’elle avait faits pour moi n’étaient pas vains. Ce nouveau départ, loin du harcèlement de mon ancien lycée, était ma dernière chance de lui redonner sa liberté. Elle se concentrait tellement sur mon bien être qu’elle en oubliait de vivre pour elle.


Elle n’avait aucun ami, ne sortait jamais sans moi à part pour faire des courses, et c’était impensable pour elle de rencontrer qui que ce soit, amoureusement parlant. Même si elle m’avait toujours dit le contraire, je me demandais encore, quatre ans après, si ma mère m’en voulait pour le départ de mon père. Après tout, si je n’avais pas fait mon coming out trans, ils seraient probablement toujours ensemble aujourd’hui.


Mon portable vibra sous les draps, me sortant de mes pensées. C’était Élie.


— Hey, souffla-t-elle. Raconte-moi tout… Qu’est-ce qu’il s’est passé ?


Je lui racontai tout depuis notre dernier appel. Elle resta silencieuse un instant, puis s’écria :


— Attends, quoi ? Olivier a débarqué chez toi, comme ça ? Sans prévenir ? Quel fils de pute, celui-là !


Je grimaçai.


— Désolée pour ta grand-mère, se reprit-elle. Mais là, je suis super contrarié.


Ma meilleure amie avait la haine contre mon père. En même temps, elle avait été aux premières loges lors de ma descente aux enfers. Enfin, de mes multiples descentes aux enfers. Je me demandais comment elle avait trouvé la force de me supporter toutes ces années, d’ailleurs.


— Vu les bagages qu’il trimballait avec lui, il va être là pour au moins quelques jours, soupirai-je. J’ai peur, El. J’ai pas envie de le voir.


— Alors, dis-lui d’aller se faire foutre.


— Mais…


— Mais quoi ?


— C’est quand même mon père…


— Et alors ? Est-ce que lui s’est dit « C’est quand même mon gamin » avant de t’abandonner ? Non. Tu ne lui dois absolument rien. Qu’il crève la bouche ouverte.


— Mais… Peut-être qu’il…


— Regrette ? me coupa-t-elle. Bah qu’il s’étouffe avec ses regrets !


— Arrête de crier, couinai-je. J’ai l’impression que tu es en colère après moi.


— Excuse-moi, souffla-t-elle. C’est juste que je ne veux pas que tu souffres. Après, si au fond de toi, tu veux savoir ce qu’il a à dire histoire de ne pas avoir de regrets, fais-le. Ça ne te fera pas de mal de clôturer ce chapitre une bonne fois pour toutes. Comme ça, tu pourras enfin aller de l’avant.


J’acquiesçai en silence.


— Bon, par contre, en ce qui concerne Swann, t’as encore pété un plomb. Tu n’as absolument aucune preuve qu’il sait, ou qu’il te déteste.


— Le regard qu’il m’a jeté est une preuve. Il me déteste.


— Il doit passer après les cours ?


— Normalement, couinai-je.


— Alors, tu le sauras bien assez tôt. Je dois y retourner. Tout va bien se passer. Je t’aime fort.


Elle me souffla un baiser et raccrocha avant que j’ai le temps de lui dire que je l’aimais aussi. Je calai Patrick sous mon aisselle et attrapai mes béquilles. Il était temps que je reprenne ma vie en main et que je prenne rendez-vous, même si je détestais parler à des inconnus. Encore plus au téléphone. Je descendis les marches en me collant à la rambarde au cas où ma cheville déciderait de faire à nouveau des siennes et regagnai la table du salon, où j’avais laissé le post-it. Je n’avais pas réussi à faire mon choix entre deux psychologues. Je décidai donc d’appeler les deux et celle qui me proposerait un rendez-vous au plus tôt serait la bonne.


****



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13 commentaires

Arca Lewis

-

Il y a 2 ans

Je viens aussi de me rendre compte qu'il y a un problème de numérotation de chapitre avec ce 46

Mauranne BP

-

Il y a 2 ans

Tout à fait et l'explication est très simple : je suis un boulet qui se précipite xD
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