Mauranne BP On both sides Chapitre 28

Chapitre 28

Swann installa Patrick sur la chaise à côté de la sienne. Je le regardai faire, amusé. Il était adorable. Je m’installai face à lui. La table qui nous séparait était une très bonne chose. J’aurais été bien incapable de travailler si j’avais pu le toucher. On passa l’heure à réciter ma réinterprétation de Boy next door. Puis Swann installa les fenêtres en carton que j’avais fabriquées de part et d’autre de la table à manger.


— On recommence ? Bon, je n’ai pas ma guitare, mais on va faire comme si, d’accord ?


Je hochai la tête et repris mon tas de feuilles posé sur le bord de la table. Patrick nous observait du coin de l’œil, l’air critique. J’entendais sa petite voix de peluche dans ma tête. Enfin, il était critique avec moi. Il n’avait que de l’admiration pour notre charmant voisin, ce traître.


Chaque fois que Swann prenait la parole, je ne pouvais m’empêcher de l’admirer moi aussi. Il avait une assurance, une prestance incroyables. Et je découvrais une nouvelle facette de lui, que j’archivai précieusement. À la fin de la dernière tirade, il s’avança vers moi, en impro totale. Puis, il posa une fesse sur la table et se mit à chanter. Je restai planté derrière ma fenêtre en carton, tous les sens en alerte. Swann me tendit la main.


Je me levai, comme poussé par une force invisible. J’étais Gabriel et il était mon Maël. Ma main glissa dans la sienne, mes yeux plongés dans le bleu magnétique des siens. Ma bouche s’ouvrit sans que je ne contrôle rien. Puis elle se mit à chanter le refrain aux côtés de celle de mon charmant voisin. Swann me sourit tout en chantant, surpris. Son visage était rayonnant, avec le soleil qui se couchait dans son dos. Les dernières notes s’évanouirent et le silence retomba. Mes yeux dévoraient ses lèvres du regard.


— Moi aussi, j’ai toujours envie de t’embrasser, me surpris-je à penser tout haut. Encore plus là maintenant, soufflai-je, foutu pour foutu.


Son nez se retroussa légèrement. Il se pencha pour attraper Patrick et me le colla sous le nez.


— Papa, arrête de draguer et travaille, dit-il d’une voix aiguë, comme si ma peluche avait son mot à dire.


Je laissai échapper un long soupir et fis les yeux doux à mon charmant voisin.


— Juste un tout petit bisou, couinai-je.


Il ricana et colla le visage de Patrick contre le mien.


— Voilà, tu as eu ton bisou, rit-il.


— Mais, c’est toi que je veux ! m’écriai-je.


Swann parut aussi déstabilisé que moi par ma confession.


— C’est toi que je veux, répétai-je, le mettant au défi.


— C’est fou ça, répondit-il en tendant son bras vers moi. Parce que moi aussi, c’est toi que je veux.

Je m’avançai. J’étais attiré comme un aimant. Son bras glissa dans le bas de mon dos et il me colla à lui, ses jambes entourant mes hanches. Je pris appui sur la table pour soulager ma cheville mise à mal. Puis il baissa la tête, parce qu’il était trop grand pour moi, même assis, et m’embrassa. Une vague de chaleur m’étreignit. Je ne me lassais pas de cette sensation de plénitude qui m’habitait chaque fois que mon corps était en contact avec le sien.


Le bruit métallique de la clé dans la serrure nous fit sursauter, mais je n’arrivais pas à me séparer de lui. Mes baisers se firent plus insistants, comme s’ils étaient les derniers que je pouvais lui donner.


— Les garçons ! Je suis rentrée !


Swann me repoussa gentiment, mais je soufflai :


— Un tout dernier…


Les bruits de pas de ma mère se rapprochaient dangereusement de nous. J’écrasai mes lèvres sur celles de Swann une dernière fois avant de me détacher de lui. Il descendit de la table du salon.


— On est là, couinai-je en passant mes doigts dans les cheveux de mon charmant voisin pour tenter de le recoiffer.


Il emprisonna mes doigts dans les siens avant de les embrasser. Je détournai le regard, les joues rouges. Il me faisait perdre tous mes moyens.


Ma mère nous rejoignit en quelques enjambées et se jeta dans mes bras. Je tanguai, surpris et étouffai un cri de douleur lorsque ma cheville blessée prit appui sur le carrelage.


— Merde, pardon mon chéri, souffla-t-elle sans pour autant desserrer son étreinte. Je suis vraiment désolée pour ton père. Je lui avais dit d’attendre que je sois là. Mais on ne se refait pas, il faut croire. Il n’écoute jamais rien. Et surtout pas moi, ajouta-t-elle, amère.


— Pourquoi tu ne m’as pas prévenu, maman ? demandai-je sèchement en la repoussant.


— J’étais censée t’en parler ce soir, avoua-t-elle. Il ne devait pas arriver avant demain.


Je repensai aux bagages posés sur le perron.


— Il va rester longtemps ? grimaçai-je.


— Aucune idée. On ne sait jamais vraiment avec lui, soupira-t-elle.


Ma mère se tourna vers Swann.


— Merci beaucoup d’avoir veillé sur Alix. Tu es une belle personne, ajouta-t-elle en le gratifiant d’un grand sourire.


Swann se dandina à côté de moi, mal à l’aise. Je m’assis pour soulager ma cheville. Son portable se mit à vibrer sur la table du salon. Sauvé par le gong. Il se précipita dessus et décrocha. Une voix grave beugla au bout du fil :


— Où tu es encore, putain ? Rentre immédiatement ! C’est pas un hôtel ici !


Mon charmant voisin se figea.


— J’arrive, répondit-il avant de raccrocher.


Il se tourna vers nous, les traits impassibles.


— Il faut… que j’y aille, désolé.


Puis il se précipita dans le hall sans un au revoir. Ma mère se tourna vers moi, les yeux écarquillés, mais ne fit aucun commentaire. La porte d’entrée claqua derrière Swann, et le silence s’éternisa. Jusqu’à ce que ma mère le brise :


— Son père est vraiment un con. Ne viens pas me dire le contraire.


— Je n’ai jamais dit le contraire, soupirai-je.


— Alix, tu sais que je t’aime. Mais…


Ma mère grimaça.


— Il faut que je te dise quelque chose parce que là, ce n’est plus possible.


— Quoi ? soufflai-je, le cœur au bord des lèvres.


— Tu pues. Va te laver. Tout de suite. Ou je te chasse à coups de pieds au cul.


Je laissai échapper un long soupir de soulagement. Elle était con, des fois. J’avais eu tellement peur.


— Maman, sérieux ? m’écriai-je. Et… comment je fais pour me laver avec cette merde ? grommelai-je en levant ma jambe handicapée.


— Langage, me gronda-t-elle. Est-ce que tu veux que je t’aide ?


— J’ai passé l’âge de me faire laver par ma mère, grommelai-je. Je vais me débrouiller.


— Bon. Comme tu veux. Mais tu n’as qu’à crier et maman viendra laver tes petites fesses, ricana-t-elle avant de disparaître dans la cuisine.


Je soupirai et pris mon courage à deux mains pour trouver la foi d’aller me laver.

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