Mauranne BP On both sides Chapitre 27 (1/2)

Chapitre 27 (1/2)

Ma petite victoire ne dura pas longtemps. Je fermai la porte à clé et vérifiai qu’aucune fenêtre au rez-de-chaussée n’était ouverte. Puis je trainai l’énorme ours en peluche jusqu’à la buanderie, où je me laissai glisser contre le mur, en pleurs. Je plaquai ma jambe valide contre mon torse, mes mains agrippées à mon genou. J’avais beau ouvrir la bouche, l’air ne voulait à nouveau plus circuler.


J’essayai d’inspirer et d’expirer mais sans ma mère pour me rassurer, j’en étais incapable. J’étais incapable de faire quoi que ce soit de bien, dans la vie. J’étais un boulet. J’avais à nouveau douze ans et ça faisait un mal de chien. Je tapai des poings sur ma cuisse, de toutes mes forces. Mais la douleur physique n’était pas assez forte pour calmer celle, écrasante, de mon esprit qui appelait à l’aide. Malheureusement, personne n’était là pour les entendre. Comme à chaque fois. Jusqu’à ce que je termine à l’hôpital.


Mon portable vibra dans ma poche. C’était ma mère. Il avait dû l’appeler pour lui dire que je l’avais laissé sur le pallier. Elle voulait probablement me faire la leçon. Je lâchai mon portable sur le carrelage. Il continua à vibrer et rampa sur le sol. Puis l’écran s’éteignit. Je fermai les yeux. À peine quelques secondes après, mon portable se remit à vibrer. Puis encore et encore, pendant de longues minutes. Je suffoquais. Je m’étouffais avec ma propre salive, incapable de respirer. Seul et ridicule. Je finis par céder, parce que j’avais besoin d’elle. J’attrapai le téléphone sur le carrelage et décrochai.


— Alix ?


— Ma…man, articulai-je.


— Oh non… Je suis là, chéri. Prends une grande inspiration. Vas-y. Compte jusqu’à trois… Voilà, comme ça. Je suis là. Et maintenant, expire. Allez, inspire… Expire… Inspire… Expire.


L’air emplit à nouveau mes poumons.


— Envoie-moi le numéro de Swann, chéri.


— Je… je ne l’ai pas…


— Comment ça, tu n’as pas le numéro de ton petit copain ? demanda-t-elle, choquée.


Je n’avais aucune réponse qui me venait.


— Tu n’as aucun moyen de le contacter ?


— Non… soufflai-je.


— Bon. Je vais trouver une solution. Surtout, reste où tu es. Et par pitié, ne fais pas de bêtises. Promets-le moi, Alix.


— Je… je te le promets, articulai-je.


Ma mère raccrocha, me laissant à nouveau seul avec les ombres qui m’habitaient. J’enfonçai ma capuche sur ma tête et me laissai glisser contre l’énorme ours en peluche. Je me recroquevillai en position fœtale et me forçai à essayer de dormir. Au moins, si je dormais, je ne ferais pas quelque chose que je pourrais regretter ensuite.


***


Le tintement métallique de la clé dans la serrure me sortit de mon demi-sommeil. Je me redressai tant bien que mal. J’avais mal partout.


— Maman ?


Quelqu’un venait dans ma direction. Quelque chose de métallique claquait à intervalle régulier, comme un trousseau de clés, ou une chaîne. Je me tournai vers la porte, le cœur au bord des lèvres. Je priai pour que mon père n’ait pas trouvé un moyen d’entrer.


— Ma… Swann ? couinai-je.


Mon charmant voisin se matérialisa dans l’encadrement de la porte. Puis il se précipita sur moi, tomba à genoux et m’enlaça.


— Co… comment…


— Ta mère a appelé le directeur et m’a demandé, souffla-t-il. Elle m’a dit où elle cachait son double de clés. Je suis là, ajouta-t-il en caressant mes boucles blondes. Tout va bien.

Je me pris une vague de sentiments contradictoires. J’étais à la fois soulagé et honteux. Et en colère contre ma mère. Mais surtout heureux que Swann soit là.


— Tu… tu étais au courant ? balbutiai-je.


— De quoi ? demanda-t-il, tout en caressant mes cheveux.


— Pour mon père…


— Non, souffla-t-il.


— Alors, vous avez parlé de quoi ce matin ?


— Euh… ta mère m’a gentiment fait comprendre que si je te faisais du mal, elle m’en ferait baver, ricana-t-il. Et elle m’a dit que tu étais quelqu’un de très sensible, et que je devais être patient avec toi. Que je ne devais pas te brusquer. Et j’espère que je ne m’en sors pas trop mal, ajouta-t-il avant de passer sa main dans sa nuque rasée.


J’enfouis ma tête dans le ventre rembourré de l’ours en peluche et étouffai un cri de frustration. Pourquoi ma mère avait été lui dire ça ? Il devait se dire que j’étais un cas désespéré. Si j’étais lui, je ne m’embêterais pas avec un garçon aussi bancal que moi. Il pouvait trouver tellement mieux.


— Qu’est-ce que tu fais ? rit-il en tirant sur mes épaules pour que je relève la tête.

— Je meurs d’humiliation, couinai-je. Ma mère adore me torturer !


— Pas du tout ! s’écria-t-il. Je suis vraiment désolé pour ce que je t’ai demandé ce matin. Ta mère a l’air vraiment géniale. Attentive, aux petits soins. Et on sent qu’elle t’aime vraiment, vraiment beaucoup.


Je me retournai et plongeai mes yeux dans le bleu des siens.


— Ne t’excuse pas, dis-je. Tu es… plutôt parfait, ris-je. C’est moi qui suis désolé de te mettre dans des situations merdiques avec toutes mes… crises. Tu devrais être en cours, pas ici à me baby-sitter, grimaçai-je. Ce n’est pas ton rôle. Je suis désolé d’être aussi… compliqué… je comprendrais si tu préfères…


— N’ose même pas finir cette phrase, dit-il d’un ton sans appel. Tu ne m’obliges à rien. Ce sont mes décisions, mes choix. Si je veux être là pour toi, alors je le fais. Que ça te plaise ou non, ricana-t-il.


J’enfouis ma tête dans son cou et nouai mes bras autour de sa taille.


— Merci, soufflai-je.


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