Mauranne BP On both sides Chapitre 23

Chapitre 23

— OH. MY. GOD, beugla Élie.


Je me jetai sur le bouton de réglage du son de mon ordinateur. Elle allait réveiller ma mère à hurler comme ça en plein milieu de la nuit.


— J’aurais tellement voulu être témoin de ton premier baiseeeer, cria-t-elle en plaquant ses mains sur ses joues.


— Ça aurait été super gênant, grommelai-je.


— Rien à foutre de ça, répondit-elle en levant les yeux au ciel. On n’a pas de secrets, toi et moi ! Aucun tabou entre nous, ricana-t-elle.


— Ouais, enfin il y a des limites, soupirai-je, exaspéré.


— Bon, maintenant donne-moi tous les détails ! C’était comment ? C’était chauuuud ?


Je me sentis rougir. C’était plutôt chaud. Enfin, moi j’avais eu vraiment très chaud.


— Euh… oui ?


— Attends, tu me poses la question, là ? ricana-t-elle. Allez, donne-moi du croustillant ! Il t’a peloté ?


Mon dieu. Je n’étais pas prêt à lui raconter ce genre de trucs. C’était personnel. Intime, même. Ça ne regardait que Swann et moi. C’était notre jardin secret.


— Je ne répondrai pas à cette question, couinai-je.


— Ouuuuh, ça veut dire qu’il t’a peloté !


— J’ai pas dit ça, m’écriai-je. Maintenant, laisse-moi tranquille ou je ne te dirai plus rien, ajoutai-je en cachant mon visage sous ma capuche.


— OMG, tu es amoureux ? C’est ça ?


— Arrête ! Couinai-je, à l’agonie. Tu fais chier !


— Oh oui, j’aime quand tu me parles comme ça, ricana-t-elle. Bon, j’arrête, j’arrête. De toute façon, j’ai pas besoin que tu me répondes. Ça se voit à ta tronche, que t’es complètement dingue de lui, gloussa-t-elle.


Je m’étranglai avec ma propre salive. Est-ce que j’étais amoureux ? Je ne savais même pas ce que ça voulait dire, ni ce que ça impliquait. Mais plus j’y réfléchissais, et plus ça y ressemblait. Même si j’avais peu de comparaisons, si ce n’était les livres, les films romantiques et les séries Netflix que je dévorais sans modération. Je m’enfonçai un peu plus sous la couette.


— Ça te dit de t’endormir devant Sex Education ? me proposa Élie.


— Encore ? soupirai-je.


— Quoi ? Toi t’es accro aux dessins animés. Chacun ses vices !


— Bon, ok, soufflai-je en levant les yeux au ciel.


— Let’s gooo !


***


Je trépignais d’impatience. J’avais l’impression que le temps ne voulait pas avancer. Que Swann n’allait jamais arriver. Je m’étais levé le plus tard possible. J’avais passé le début de l’après-midi à checker son Instagram comme un stalker, mais il n’avait rien posté depuis l’illustration de Patrick. J’avais fini par m’installer à la table du salon, enseveli sous le matériel de loisirs créatifs de ma mère dans l’optique d’avancer sur notre projet de littérature. Il fallait que je m’occupe l’esprit, sinon j’allais devenir fou.


Une fois toutes mes feuilles remises au propre, je m’attaquai aux fausses fenêtres. Je me sentais anxieux. Pourquoi est-ce que j’avais choisi cette mise en scène ? Et si toute ma classe se rendait compte que j’aimais Swann ? C’était stupide, parce qu’ils ne connaissaient rien de moi, ou de nous deux.


Mais moi, je savais que cette réinterprétation de Boy next door, c’était notre histoire. Au final, c’était comme si j’offrais mon intimité au monde entier. Pour ma défense, quand j’avais décidé de la tournure de ce projet, Swann et moi n’étions rien l’un pour l’autre. C’était juste la manifestation de mes fantasmes.


Mais maintenant, rien n’était plus pareil. Et c’était angoissant. Tellement angoissant. Parce que je voulais le garder rien que pour moi. Je ne voulais pas lui déclarer mes sentiments devant presque trente autres personnes. J’étais devenu l’un de mes personnages, sans le vouloir. J’étais Gabriel, qui mourrait d’envie de crier son affection à Maël, à travers sa fenêtre. Je regardai mon portable. Il était presque dix-huit heures. Swann devrait déjà être là…


@Eryntrans - 17h47

Bien sûr qu’on reste amis. Et arrête de te monter la tête, je t’assure que je n’ai jamais eu de sentiments pour toi. Enfin, pas de cette manière, du moins. Tout va bien ?


Je grignotai la peau autour de mes ongles, les yeux figés sur l’écran.


@Griminal - 17h50

Je suis soulagé, tu m’as fait peur l’autre jour. Euh… Il s’est passé quelque chose avec la mère d’Alix hier, et j’avoue que je ne sais pas trop comment encaisser ce qu’elle a dit. Elle a dit que mon père était un con. Elle a raison, mais l’entendre de la bouche de quelqu’un qui ne le connait même pas m’a fait beaucoup de mal. Du coup, je n’ai pas la tête à aller chez lui, même si je dois lui déposer ses devoirs. Il s’est tordu la cheville en voulant sauver mon portable, cette andouille 🖤 du coup il est assigné à domicile. Je veux le voir. Je pense à lui chaque seconde. Mais je ne sais pas, je suis blessé. Mais je sais qu’il n’y est pour rien… Bref.


C’était donc ça. C’était à cause de ce qu’avait dit ma mère, qu’il n’était toujours pas là. Pourquoi est-ce qu’il ne venait pas en discuter avec moi ? Pourquoi est-ce qu’il me mettait de côté, alors qu’il se livrait si facilement à Eryn ? J’avais envie de pleurer. De me gaver de cochonneries. De réduire en cendres tout ce que j’avais passé des heures à faire. Et de vomir ma douleur.


J’attrapai mes béquilles posées en équilibre contre la table à manger et les jetai à travers la pièce. Les larmes coulaient sans que je ne contrôle rien. Toute cette merde de projet n’avait aucun sens. Aucun. Swann ne me faisait pas confiance. Il ne me disait rien. Je saisis mon tas de feuilles gribouillées de messages romantiques de merde et les balançai à travers la pièce en hurlant.


Puis mon corps se jeta contre la table et mes mains envoyèrent valser tout son contenu par terre. Les affaires de ma mère s’éparpillèrent, roulèrent aux quatre coins du salon mais je ne me sentais pas soulagé. Je me sentais vide à l’intérieur.


Je me dirigeai vers la cuisine en traînant ma cheville blessée et entrepris d’ouvrir tous les placards. J’attrapai tout ce qui me venait sous la main et m’empiffrai sans même sentir le goût de ce que je mangeais. Une fois mon carnage terminé, je grimpai les escaliers au ralenti jusqu’à la salle de bain pour évacuer tout ce que je venais d’engloutir. En priant pour que la douleur qui me comprimait la poitrine parte avec, mais ce ne fut pas le cas.


Elle était toujours là, elle s’accrochait comme une sangsue. Et ça faisait un mal de chien. Je voulais qu’elle s’en aille, qu’elle me laisse reprendre mon souffle. Je me penchai encore une fois au dessus de la cuvette pour tenter de l’évacuer, mais elle ne voulait pas me quitter. Je me retrouvais seul, encore une fois. Comme si les moments que nous avions passés ensemble ne comptaient pas. Comme s’il m’avait effacé, relégué au second plan. Je me sentais merdique. Je n’avais jamais compté pour lui. La voix dans ma voix tournait en boucle. Je n’avais jamais compté pour Swann. Et moi, j’étais un hypocrite.

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17 commentaires

Lyaure

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Il y a 2 ans

Cette colère d'Alix, quand je l'ai lue la première fois, j'étais pas prête.... C'est un moment fort.
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