Fyctia
Chapitre 19
J’avais mal partout, même à des endroits dont j’ignorais l’existence. Dormir sur le contreplaqué de mon bureau était une mauvaise idée. Mais je n’avais pas réussi à me résoudre à regagner mon lit. Je voulais être solidaire de mon charmant voisin.
Swann avait fini par s’endormir vingt minutes plus loin que la première fois. Son portable, qui gisait sur le bord de son bureau, n’arrêtait pas de vibrer. Je pouvais le voir ramper dangereusement vers le rebord de sa fenêtre restée ouverte. Swann allait finir par tomber malade. Ou pire, passer par dessus bord. J’en frissonnai. Je retins mon souffle quand son portable commença à dépasser du bureau. Je me penchai pour ouvrir ma fenêtre.
— Swann ! criai-je. Swann !
Ce dernier ne bougea pas d’un millimètre. Son bras pendait dans le vide et son corps se contorsionnait dans une position étrange. Son visage était si détendu. J’avais envie de le caresser.
— Swann ! Merde, soufflai-je.
Son portable passa par dessus bord et s’écrasa quelques mètres plus bas, dans l’herbe gelée. Je fermai ma fenêtre et me précipitai dans les escaliers, ma couette sur les épaules. L’extrémité de ma couette passa sous mon talon et je dégringolai les dernières marches dans un vacarme assourdissant. Patrick roula sur quelques mètres et rebondit sur la porte d’entrée.
— Aïe, couinai-je.
Ma mère se matérialisa dans le couloir, les traits fatigués.
— Qu’est-ce que tu as encore fait ? maugréa-t-elle avant de m’aider à me mettre sur pieds.
— Je vais bien, merci, couinai-je en grimaçant.
— Tu ne t’es pas fait mal, au moins ?
— Non, ça va, soufflai-je. Je dois…
J’entrepris de me remettre en marche, mais ma cheville me lança et je m’agrippai à l’épaule de ma mère en gémissant.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle, inquiète.
— J’ai mal à la cheville, gémis-je. Je crois que je me suis fait mal, finalement.
Elle m’intima de m’assoir et souleva le bas de mon pantalon de pyjama. Elle manipula ma cheville dans tous les sens et je serrai les dents pour ne pas crier. J’avais envie de la frapper. Mais elle était infirmière, alors elle savait ce qu’elle faisait. Il fallait que je lui fasse confiance.
— On dirait bien que tu t’es fait une entorse, annonça-t-elle en soupirant.
— Fait chier, pleurnichai-je.
— Langage, me gronda-t-elle. Merde, je vais être en retard, soupira-t-elle.
— Langage, la grondai-je à mon tour.
Elle leva un sourcil.
— Tu étais obligé de te faire une entorse ? me dit-elle. On va passer la journée à l’hôpital maintenant.
— Parce que tu crois que ça m’amuse ? m’écriai-je. Je vais rater une journée de cours moi aussi, maugréai-je.
— Mais toi tu n’es pas payé pour aller en cours, souffla-t-elle. Tu sais à quel point c’est difficile pour moi de joindre les deux bouts, soupira-t-elle. Désolée, je ne veux pas te culpabiliser, je sais bien que tu n’as pas fait exprès, me rassura-t-elle. Allez, viens, je t’emmène.
— Mais… je suis en pyjama, balbutiai-je. Je ne peux pas sortir comme ça ! Et je dois récupérer le portable de Swann, ajoutai-je.
— Comment ça ? demanda-t-elle en m’aidant à me mettre debout.
— Euh… il est tombé de sa fenêtre.
— Et il ne peut pas le récupérer lui-même ?
— Il… euh… il dort.
— Attends… quoi ?
— Il s’est endormi la fenêtre ouverte, et son portable est tombé, soupirai-je. S’il ne tombe pas malade, ce sera un miracle, ajoutai-je en levant les yeux au ciel.
Ma mère m’aida à monter les escaliers.
— Tu l’aimes bien ce garçon, n’est-ce pas ? me demanda-t-elle tout en m’aidant à enfiler un pantalon ample.
Je détournai le regard.
— Euh… ça se voit tant que ça ?
— Comme le nez au milieu de la figure, rit-elle. Est-ce que tu lui plais aussi ? demanda-t-elle.
— Euh… Je crois que oui, avouai-je en rougissant. On… on s’est embrassé, ajoutai-je avant d’enfouir mon visage entre mes mains.
Ma mère me tapa la cuisse.
— C’est vrai ? s’écria-t-elle. Je suis tellement contente pour toi ! Il a l’air d’être un chouette gamin, me dit-elle le sourire aux lèvres.
— Il l’est, confirmai-je. Il est beaucoup trop parfait même, grimaçai-je.
Elle m’aida à redescendre les marches et enfiler mes chaussures. Puis elle ramassa Patrick, me le colla dans les bras et je pris appui sur son épaule pour regagner la voiture.
— Attends-moi là, je vais récupérer son portable.
— D’accord, soufflai-je. Merci, maman.
Une éternité plus tard, ma mère s’installa derrière le volant, les sourcils froncés. Elle démarra en trombe. Le silence était pesant.
— Tu es en colère ? me risquai-je.
— Le père de ton copain est un con, gronda-t-elle, les lèvres crispées.
— Euh… ah bon ? Pourquoi ?
— Il m’a claqué la porte au visage sans même un merci. Espèce d’ingrat.
— Oh, soufflai-je, les yeux rivés sur la route. Désolé.
— Pourquoi tu t’excuses ? s’écria-t-elle. Tu n’y es pour rien.
— Je sais…
— Pauvre gamin, continua-t-elle. J’espère pour lui que sa mère est plus agréable.
— Euh… je crois que sa mère n’est plus dans le paysage, avouai-je.
— Ah. Mince. Alors, je le plains. Ça ne doit pas être facile tous les jours.
L’angoisse s’installa au creux de mon estomac. Je sortis mon téléphone de ma poche. Il ne me restait que vingt pour cent de batterie. Merde.
@Eryntrans - 7h33
Est-ce que ça va ?
@Griminal - 7h35
Mitigé. J’ai passé une journée magique hier avec Alix. Il m’a demandé de l’embrasser. Tu n’imagines même pas comme j’étais stressé. J’avais la boule au ventre. Mais mon père a tout gâché ce matin. Il a passé dix minutes à me hurler dessus parce que la mère d’Alix a débarqué à notre porte pour rendre mon portable qui était tombé par ma fenêtre. Bref.
@Eryntrans - 7h36
Mince, je suis vraiment désolé. Fais attention à toi surtout. Et ferme ta fenêtre, je ne voudrais pas que tu tombes malade…
@Griminal - 7h37
Tu es drôlement protecteur ces derniers temps 😅 Ne t’en fais pas pour moi. Et toi, alors ? Comment tu vas ? On ne parle toujours que de moi.
Merde. Il fallait que j’arrête de lui envoyer des messages via mon compte Instagram. J’allais finir par me griller. Mais je n’arrivais pas à me retenir. Il fallait que je sache comment il allait. Je n’avais jamais rencontré son père, mais il me donnait des sueurs froides. Je voulais juste son bonheur.
@Eryntrans - 7h45
Désolé, je ne voulais pas dépasser les limites 😥 Et il n’y a rien à dire sur moi, c’est pour ça qu’on parle toujours de toi 🙃
@Griminal - 7h47
On a tous des choses à dire, c’est juste que tu préfères les garder pour toi 🤫 Mais je comprends. Sache quand même que je suis là.
— Bon, tu ranges ce téléphone ? me gronda ma mère. On est arrivés.
— Euh… désolé, soufflai-je.
J’enfonçai mon portable dans la poche de mon sweat et attendis que ma mère fasse le tour de la voiture pour m’aider à me déplacer. Ma cheville me faisait un mal de chien. Mais la douleur n’était pas encore assez forte pour me faire oublier l’angoisse logée au creux de mon estomac.
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17 commentaires
Rose Foxx
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Il y a 2 ans
Mauranne BP
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Il y a 2 ans
Sonnydiary
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Il y a 2 ans
Lyaure
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Lyaure
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Mauranne BP
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Lyaure
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Il y a 2 ans
Ana_K_Anderson
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Il y a 2 ans