Fyctia
Chapitre 14 (2/2)
Swann retint son souffle un moment. Puis, il jeta ses cheveux derrière son épaule et commença à pincer les cordes de ses longs ongles vernis de noir. Les premières notes emplirent le fossé entre nos deux fenêtres. Puis, sa voix s’éleva dans le silence de la fin de journée.
Je croyais tout savoir
Mais c’était avant
Avant de t’apercevoir
Tu as chamboulé toutes mes croyances,
Et as su ébranler
Les murs que j’avais construit rien que par ta présence
Tu m’as fait comprendre que mon existence
N’avait pas à être un poids
Que ma différence
N’était pas un choix
Entre amitié et amour
Il n’y a qu’un pas
Je l’ai compris dans tes bras
J’ai pris un aller sans retour
Pas besoin de long discours
Pour toi, je ferai tout ce qu’il faudra
Et advienne que pourra
Mon passé ne me retiendra plus
Car dans tes bras j’ai trouvé la force
De ne plus subir les abus
À travers toi, je me renforce
Je sais que ça peut paraître précoce
Mais je crois que tu es l’élu
L’élu de mon coeur
Car dans tes bras, je n’ai plus ni peur ni douleur
Entre amitié et amour
Il n’y a qu’un pas
Je l’ai compris dans tes bras
J’ai pris un aller sans retour
Pas besoin de long discours
Pour toi, je ferai tout ce qu’il faudra
Et advienne que pourra
J’avais la gorge sèche. Je ne savais pas quoi dire, ni comment réagir. J’étais sous le choc, simplement. La voix de Swann était envoûtante, presque angélique. Et, malgré moi, je m’étais imaginé dans ses bras, bercé par ces paroles, qu’il aurait écrites pour moi.
— Alors ? demanda-t-il au bout d’une éternité, alors que j’étais figé sur place.
— Euh… wouah, soufflai-je. C’est… très bon, admis-je.
— Tu dis ça pour me faire plaisir, ou tu le penses vraiment ?
— Je le pense ! criai-je trop fort.
Il se dandina avant de se mettre à rire nerveusement.
— Tu veux me lire ce que tu as écris ? m’invita-t-il.
— Euh… d’accord… soufflai-je.
J’attrapai ma pile de papiers de mes doigts tremblants.
— J’ai… euh… j’ai essayé de faire ça proprement, dis-je. Mais si tu n’aimes pas, dis-le d’accord ? Je me suis dit qu’on pourrait fabriquer de fausses fenêtres en carton pour plus de réalisme… pour la mise en scène quoi… euh…
— Respire, m’encouragea-t-il. Je suis sûr que tu as fait un travail extra.
— Ok… alors… euh…
— Tu peux le faire, insista Swann.
J’avais les mains moites. Les feuilles me filaient entre les doigts. Patrick perdit l’équilibre et bouscula mon tas de papiers. Il dégringola par la fenêtre dans une envolée de feuilles. Swann étouffa un cri et se pencha, faisant glisser ses lunettes de soleil qui s’écrasèrent dans l’herbe en contrebas.
— Je… merde, désolé, balbutiai-je.
Swann se laissa glisser de son bureau et disparut sans rien dire. Je me jetai hors de ma chambre, dévalai les escaliers et sortis dans la fraicheur de la fin de journée, en chaussettes.
Il était là, juste devant moi. Et je mourrais d’envie de le toucher. Mais au lieu de ça, il se précipita sur ses lunettes et moi sur mes affaires. Patrick était imbibé d’eau de pluie et de neige. Et mes papiers étaient bons à jeter à la poubelle. J’y avais passé des heures. Des heures. J’avais envie de pleurer. Pour un devoir de littérature stupide.
— Ça va ? me demanda Swann en s’approchant de moi.
Je hochai la tête, tentant de ravaler le sanglot qui me nouait la gorge. Il tenait ses lunettes entre ses doigts fins. L’un des verres n’avait pas résisté à la chute.
— Patrick va avoir besoin d’un bon bain, dit-il dans l’espoir de détendre l’atmosphère. Donne-moi ça, dit-il en pointant mon tas de feuilles détrempé du doigt. Je vais tenter un sauvetage, mais je ne te promets rien.
Je levai le nez vers son visage. Ses cheveux lui dévoraient le visage, à cause du vent qui s’engouffrait dedans. Sans réfléchir, je me mis sur la pointe des pieds et fis glisser les mèches folles derrière son oreille. Il frissonna au contact de mes doigts froids sur sa joue. Les contours de son oeil gauche étaient teintés de nuances de bleu et de violet.
— Tu ne t’es pas raté, soufflai-je en effleurant sa peau bleutée.
— Euh… ouais… répondit-il, gêné.
Il arrêta mon geste pour la deuxième fois de la journée, et je me sentis mal à l’aise. Il fallait que j’arrête de le toucher comme ça. Swann glissa ses doigts dans les miens, ce qui me surprit. J’avais l’impression d’entendre mon coeur battre dans mes oreilles. Je voulais qu’il m’embrasse. Je voulais tellement qu’il m’embrasse.
— Euh… il faut… il faut que je rentre, dit-il tout à trac. Désolé, ajouta-t-il.
— D’accord, répondis-je, à l’agonie. On se voit en cours ?
— Oui, souffla-t-il.
Il libéra mes doigts et je me laissai retomber sur la plante des pieds. Mes chaussettes étaient trempées et je mourrais de froid.
— Tu vas tomber malade, me gronda-t-il. Prends un bon bain chaud, ce soir, d’accord ? On se voit dans…
Il leva les yeux vers le ciel et compta sur ses doigts.
— Treize heures, me sourit-il.
Je m’éloignai en marche arrière, sans le quitter du regard.
— Ça va être long, soufflai-je avant de courir jusqu’à mon perron, les joues en feu.
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