Fyctia
Chapitre 11
Je voulais disparaître. Je me dégoûtais. Ça faisait longtemps que je ne l’avais ressenti aussi fort. Ce dégoût de moi-même. Je pinçai mes hanches trop larges et aplatis nerveusement mon ventre. Je cachai ce corps disgracieux sous les couches de vêtements avant d’essuyer les larmes sur mes joues. J’avais ignoré Griminal tout le week-end. La culpabilité me rongeait. J’étais un voyeur, une vermine. Un nuisible.
— Alix ! hurla ma mère du bas des marches. Je t’ai préparé le petit-déjeuner !
— Je n’ai pas faim, criai-je en retour, les yeux brûlants.
— Il faut que tu manges, chéri. C’est le repas le plus important de la journée.
Mais je ne voulais pas manger. Je voulais disparaître, pas m’engraisser encore un peu plus. Je jetai mon sac à dos sur mon épaule et attrapai les affaires de Swann avant de dévaler les marches et de sortir dans la rue avant que ma mère n’ait le temps de m’attacher à la chaise de la cuisine.
Dans ma lancée, j’en oubliai le verglas qui tapissait les marches de mon perron. Mes Van’s glissèrent et je me retrouvai à m’accrocher au lampadaire le plus proche comme une moule à son rocher.
Un rire déchira le silence du petit matin. Mon coeur se serra. Je me tournai vers Swann, qui marchait nonchalamment, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon xxl. Il avait changé les pin’s de son bonnet. Au milieu des groupes de rock et des fuck se trouvait un petit panda en métal. Il se colla à moi pour attraper son sac qui pendait sur mon épaule. Son haleine dentifrice chatouilla mes narines.
— Salut, lâcha-t-il comme à son habitude. Tu as passé un bon dimanche ?
Ses traits étaient tirés. J’avais mal dormi, moi aussi. Patrick m’avait manqué. Il fallait que je le récupère. Swann me tendit son bras et je l’interrogeai du regard.
— Pour pas que tu tombes, dit-il en haussant les épaules.
Je glissai mon bras sous le sien, gêné.
— Mon dimanche était sans plus, dis-je au bout d’un moment. Et toi ?
— Pareil. J’aurais préféré traîner chez toi.
Le reste du trajet jusqu’au lycée se fit dans un silence pesant. Griminal, alias Swann, m’avait bombardé de mp Insta. Que j’avais ignorés comme le connard que j’étais. Il s’inquiétait pour Eryn et ne comprenait pas pourquoi il l’ignorait. Il s’était épanché sur son père pour la énième fois. Son père, qui était un vrai tyran d’après lui. Il vivait seul avec lui. Il n’avait jamais parlé de sa mère, et je n’avais jamais rien demandé.
Je lâchai son bras avant d’arriver devant le portail. Swann me dévisagea, blessé, mais ne dit rien.
Je passai l’heure du déjeuner au téléphone avec Élie, dans le froid glacial. Je ne sentais plus mes doigts, mais je ne voulais pas risquer que Swann vienne s’assoir à ma table. Je ne voulais pas qu’on nous voit ensemble. Je ne voulais pas que les gens se mettent à parler, qu’ils s’imaginent des trucs. Je ne voulais pas qu’on parle de moi. Qu’on me démasque. J’étais ridicule.
— C’est un truc de dingue, répondit ma meilleure amie après que je lui ai raconté tout mon week-end. On se croirait dans un de tes romans. Mon cerveau a explosé, je crois. Wouah, c’est fou. Je… Wouah. Merde.
— Ouais… soufflai-je. Et maintenant, je me sens vraiment très mal.
— Pourquoi ? demanda-t-elle, naïvement.
— Comment ça pourquoi ? répondis-je, choqué. C’est malsain !
— Oh… Je sais pas. Moi j’en profiterai pour lui demander plein de trucs sur moi-même, histoire de me faire mousser un peu… Perso, je trouve ça excitant. Tu es une sorte d’agent double de l’amour, rit-elle.
Mais je n’avais aucune envie de rire. Et encore moins d’écouter ses conneries.
— Désolé, Élie mais je préfère qu’on raccroche avant de dire des méchancetés, soufflai-je. Je t’aime.
— Quoi ? Att…
Je raccrochai quand même, sans la laisser finir. J’étais hors de moi. Comment est-ce qu’elle pouvait prendre ça à la légère comme ça ? Elle prenait toujours tout à la rigolade. La plupart du temps, ça m’aidait parce que j’étais quelqu’un de terriblement négatif. Mais là, ça me mettait juste dans une colère sourde.
Je balançai mon portable dans l’herbe et plaquai mes mains sur mon visage pour pleurer tranquillement.
— Qu’est-ce que ce pauvre téléphone a bien pu te faire ?
Je me figeai sur place. J’étais probablement plein de morve. Je me détournai et attrapai un mouchoir dans ma poche.
— Eh… Ça va ?
Je hochai la tête vivement, mais un gémissement étranglé passa la barrière de mes lèvres sans que je ne puisse rien faire.
— Eh… Viens là…
Les mains de Swann m’agrippèrent pour me forcer à me mettre debout alors que je voulais creuser un trou dans la terre pour y disparaître. Il tira sur la manche de son pull et entreprit d’essuyer mes joues. Son souffle caressait mon front. J’avais envie de m’enfuir. Si je pleurais, c’était à cause de lui. Enfin… Pas à cause, mais pour lui. Parce que je me sentais tellement coupable d’en savoir autant sur lui alors qu’il pensait parler à Eryn.
Je tournais en boucle dans ma tête et c’était un supplice. Si seulement je pouvais me débrancher. Arrêter de penser, arrêter de ressentir. Devenir une coquille vide. Je me remis à pleurer et me débattis. Il fallait que je sorte d’ici. Que je rentre chez moi.
— Alix, attends…
Je me mis à courir en direction du portail, Swann sur les talons.
— Attends ! cria-t-il.
Le peu d’élèves qui étaient dans la cour nous dévisagèrent. Tout ce que je détestais. Je détestais me faire remarquer. Je ne voulais pas qu’on me voie. Personne ne devait me voir.
Je m’arrêtai à l’angle de la rue pour reprendre mon souffle. Courir était une autre chose que je détestais.
— Alix !
Il n’allait pas me lâcher. Il ne voulait pas me foutre la paix ? Je voulais être seul.
— Quoi ? criai-je, agacé.
Swann s’arrêta net à quelques pas de moi, le visage impassible.
— Tu as oublié ton portable, dit-il en le tendant vers moi.
— Oh… euh…
Il s’approcha de moi. J’étais figé sur place. J’avais envie qu’il s’en aille. Mais j’avais aussi envie qu’il me prenne dans ses bras. J’avais envie de lui, besoin de lui. Et je détestais ce sentiment de dépendance.
— Merci, dis-je en prenant mon téléphone. Et… désolé, je ne voulais pas crier. Je… j’ai juste besoin d’être seul…
— T’inquiète, répondit-il, un demi-sourire triste étirant ses traits. Je te laisse tranquille, alors.
Puis il tourna les talons. Et moi, je mis à courir jusqu’à ma chambre.
***
Je profite du petit nombre de caractères qu'il me reste pour vous remercier du fond du coeur pour votre présence, votre soutien !
Petite mention spéciale à Lya Agostini et à Tracy Blue, pour leur implication, leurs réactions qui me font souvent rire et chaud au coeur, et leurs bons conseils.
Merci, merci, merci !
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