Fyctia

Mon bureau était un vrai champ de bataille et je n’avais qu’une envie : m’enrouler dans ma couette et reprendre l’écriture du tome 2 de mon dernier roman YA, In Between. Il fallait que je me retienne. Je devais faire mes devoirs. J’avais juste à me débarrasser des corvées, et après je pourrais écrire jusqu’à trois heures du matin même, si je le voulais.

J’embrassai ma chambre du regard. Il n’y avait pas que mon bureau qui croulait sous le bazar. C’était la pièce entière. Comment est-ce que j’avais pu me laisser dépasser à ce point ?

Mon portable vibra sur mon bureau. C’était Élie. C’était elle, la raison pour laquelle ma vie était sens dessus dessous. Je passais le plus clair de mon temps libre au téléphone avec elle, à ruminer sur mon triste sort. Au moins, quand j’habitais encore à dix minutes en transports de chez elle, elle m’aidait à ranger.

Maintenant, je me retrouvais tout seul avec mon bordel sans savoir par où commencer. Si seulement, elle pouvait être là. Physiquement, je voulais dire.

Je pris mon téléphone et le balançai sur le lit pour ne pas me laisser distraire. Il fallait que je me concentre. Ma mère avait trouvé idéal de placer mon bureau devant la fenêtre, « comme ça tu profiteras de la lumière naturelle pour te ressourcer, et tu pourras regarder la vue pour t’inspirer ». Quelle erreur. Quelle erreur, parce que la vue donnait sur la chambre de mon voisin tout à fait charmant, et que ce n’était pas ressourçant ou inspirant, c’était contreproductif.

J’avais passé la dernière demi-heure à m’user la rétine pour essayer de distinguer l’un des posters qu’il avait accroché sur le mur du fond. Heureusement pour ma dignité, Swann n’avait pas l’air d’être dans sa chambre. Je m’étais promis de ne pas recommencer, pourtant. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Je savais que c’était intrusif, malpoli, irrespectueux et, par dessus le marché, que c’était un crime, mais je n’arrivais pas à détacher mes yeux de mon « Boy next door ».

Cette pensée m’entraina dans les méandres de mes lectures yaoi et je me giflai. Physiquement, cette fois. J’étouffai un cri de surprise même si je savais pertinemment que cette gifle m’était destinée et me donnai une heure pour travailler avant de regagner mon antre d’écrivain.

Fatigué de moi-même et de mon cerveau qui tournait en boucle autour de l’intrigue de mon tome 2, j’abandonnai mon bureau en chantier et me glissai sous la couette.

La porte d’entrée claqua au même moment, et je me figeai sur place. Si ma mère me trouvait dans mon lit à même pas dix-huit heures un samedi, avec une chambre dans un état aussi lamentable, elle allait me jeter par la fenêtre.

Je me redressai avec toute la motivation du monde et poussai les objets les plus proches sous mon lit. Je fourrai les vêtements qui jonchaient le sol dans le panier de linge sale alors que la moitié n’avait même pas été portée une seule fois et me jetai sur ma chaise. Je passai la main dans mes cheveux blonds en bataille pour tenter de les aplatir un minimum, mais c’était sans succès.

— Alix ? cria ma mère du bas des marches.

— Je suis dans ma chambre, criai-je en retour.

Je balançai mes stylos, crayons et autres dans ma trousse et essayai tant bien que mal d’empiler mes cahiers de façon ordonnée. Mais suffisamment désordonnée pour que ma mère pense que j’ai passé la majorité de mon après-midi à travailler et non à rêvasser. Elle ouvrit la porte sans prendre la peine de frapper, ce qui me mettait hors de moi mais je n’étais pas assez sûr de moi pour le lui avouer.

— Bonjour, mon chéri, dit-elle avant de m’embrasser sur le haut du crâne. Tu as bien travaillé ?

Je hochai vivement la tête.

— Alors, la disposition ? me demanda-t-elle avec une pointe de fierté dans la voix. Inspirante ?

— Euh… Oui, bredouillai-je.

— Parfait, dit-elle en m’embrassant à nouveau avant de s’éloigner. On mange pour dix-neuf heures, ça te convient ?

— C’est parfait, la rassurai-je.

Elle claqua la porte de ma chambre derrière elle. Malgré toute la volonté du monde, je me surpris à regarder par la fenêtre pour la millième fois aujourd’hui. Quelque chose avait changé depuis tout à l’heure. Le dessin d’une main avait été collé sur le double vitrage de la chambre de mon voisin. Avec écrit en grand et gras : « Monsieur le voyeur a passé une bonne journée ? ». J’étais mortifié.