Fyctia
7.5. Confrontation
Varney se releva, secoué d'un rire odieux.
— Insignifiant ? C'est pour ça que tu le suis et que tu as couru à son secours ? À d'autres.
Il claqua une nouvelle fois des doigts, chef d'orchestre d'une symphonie millimétrée. Trois nouveaux vampires fondirent sur Chayan. Des coups de poing plurent, encore et encore, réduisant sa chair en flocons vermeils. Kao s'efforça de se dégager pour venir en aide à son frère, mais le reste de la horde le maintenait d'une poigne inflexible.
— Arrête, Varney ! C'est qu'un putain de danseur sans intérêt. Tu perds ton temps.
— Bien tenté, Kao. Mais je suis plus informé que toi...
Il tira de sa poche un médaillon argenté ; l'objet perfora l'obscurité de ses éclats de lumière. De son autre main, il fit signe à ses sbires de cesser leurs sévices. La mâchoire en sang et la pommette tuméfiée, Chayan endurait en silence ; son regard reflétait une férocité impitoyable.
Varney fit tournoyer le bijou, les aveuglant tous.
— Cette petite chose appartient à ce cher Suni ici présent. Il s'est illuminé à son contact. Mes plans ont donc changé pour lui.
— Tu es fou, Varney. Personne n'a ce pouvoir.
— Tu es une créature inhumaine, une anomalie dans la chaîne de la création, et pourtant si pétri de rigides certitudes. C'est bien triste. Le monde est plus surprenant qu'on ne le croit. Tu ne veux donc pas connaître mon nouveau plan ? minauda Varney, feignant la bouderie.
— Le seul plan valable, c'est que tu relâches Suni. Sinon, je te jure que tu le regretteras.
— C'est mignon tout plein de te voir si déterminé. Je te croyais incapable de cette émotion. Mais tu t'es nourri de lui, pas vrai ?
Un silence éloquent entérina sa théorie.
— Tu sembles lui porter trop d'intérêt pour ta nature... Je pense que tu as bu son sang, et que tu t'es lié à lui pour une obscure raison. Ce garçon est spécial, son essence est spéciale. Je vais me gorger de lui. Un dernier shot de plaisir avant de l'achever.
Chayan banda ses muscles et tenta encore de se libérer, mais les monstres qui le retenaient possédaient l'injuste avantage du nombre. Il était restreint au rôle de spectateur, condamné à voir la mort emporter tous les objets de son attachement. Il se surprit à remercier les dieux de n'avoir pas connu Suni davantage ; il se remettrait plus aisément de sa perte.
Si une ébauche de résignation cheminait en lui, le préparant au pire, il n'y cèderait pas déjà.
— Suni n'est pas ton ennemi, laisse-lui la vie sauve.
— Justement. C'est là où tu fais erreur.
Varney s'éloigna, renversant toute son attention sur son précieux prisonnier. Il se pencha à son oreille.
— Mon doux petit. Je vais me régaler de ta saveur, avant de t'annihiler. Et je vais le faire devant ton vampire chéri. Comme ça, il ne s'avisera plus de s'opposer à mes desseins. Ni toi aux miens. D'une pierre, deux coups !
Suni tremblait ; sa sueur exhalait une odeur enivrante pour le malfaiteur.
— Je sens ton angoisse, et ça m'excite encore plus, susurra-t-il.
Il pointa une langue noire et scindée en deux à son extrémité, à l'instar de celle d'un dragon, avant de lécher la gorge de sa victime. Chayan se sentait impuissant, enragé, comme s'il l'on touchait à sa propre chair. Il gronda, mais ne put se soustraire à l'emprise solide qu'on lui imposait.
— Hum... Tellement bon...
— Varney, lâche-le immédiatement. Je te jure que si tu lui fais du mal, je te traquerai jusqu'en enfer. Ma vie entière sera dédiée à ton agonie et à ton anéantissement, menaça Chayan, le visage déformé de haine.
— Qui te dit que tu sortiras d'ici vivant ? Je voulais te donner une bonne leçon, mais il serait plus judicieux de te tuer sur-le-champ. Je n'aime pas laisser mes ennemis en liberté, tu sais, c'est trop de travail. Maintenant, laisse-moi goûter cette créature. Tiens-toi sage, veux-tu, pendant que je mange.
Varney fit glisser un ongle crochu sur la peau tendre de Suni pour l'entailler. Du sang s'écoula de la plaie. Il recueillit une goutte carmin sur son index, satisfait. Mais à l'instant même où il le portait à ses lèvres, son visage se tordit de douleur. Un gémissement horrifié lui échappa, tandis que ses doigts se désagrégeaient au contact de la substance.
— C'est quoi ce bordel ? éructa-t-il.
Les vampires se tendirent. Chayan et Kao échangèrent un regard d'incompréhension. L'atmosphère subit soudain un glissement. La mise en scène orchestrée par le maître de cérémonie se grippa, tel l'enrayement d'un mécanisme.
— Toi, là. Viens.
Varney appela l'un de ses sbires d'un geste nerveux, sa main mutilée ramenée contre sa poitrine. L'élu s'avança sans hâte, peu enclin à répondre à l'ordre de son maître.
— Goûte-le, exigea Varney.
— Q-quoi ? Sans façon, j'ai déjà dîné, chef.
— Tu as quoi ? Ne trouve pas d'excuse et goûte-le ! Je te l'ordonne.
La victime designée balaya les lieux d'un air piteux, sollicitant une aide qui ne vint pas. Il s'approcha de Suni qui le fixait de ses grands yeux effrayés.
— Tiens-toi calme.
Sur la réserve, l'homme de main se pencha sur la gorge de Suni, là où perlait son sang. Il s'abreuva modérément puis se releva, faisant face aux témoins suspendus à la scène.
— Par Satan... ! jura Kao.
L'assemblée fut saisie d'effroi. Le vampire hurlait de douleur en se griffant le visage. Une fumée âcre s'éleva, évoquant une brûlure à l'acide. Sa peau s'affaissa, suintante, telle de la cire fondue, dévoilant les os de sa figure décharnée et ses orbites profondes ; deux grottes obscures. Enfin, son crâne dépecé s'effrita dans un sordide craquement.
Il tomba en poussières.
Ne subsista que l'écho de sa plainte déchirante et un ridicule tas de cendres sur le sol.
— Chef, c'est quoi cette merde ? s'exclama Hmapa, paniqué.
— C'est pire que tout ce que j'imaginais, conclut Varney en scellant sur Suni un regard sinistre.
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Cécile Marsan
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