Fyctia
7.4. Confrontation
Varney arpentait fébrilement l'usine désaffectée, à la lisière du quartier rouge ; zone de non-droit où seules les vermines se risquaient. D'ordinaire, il gardait ses victimes au chaud dans les sous-sol du Hot Blood. Mafieux, vampires et loups-garous s'y entassaient pour s'affronter dans des combats sanguinaires et s'adonner à une passion commune : planter leur bouche visqueuse dans de la tendre chair. Mais cette fois, Varney s'en était pris à l'un des siens, il avait donc été contraint de délocaliser sa planque.
Sa victime était bâillonnée, ligotée à une poutre centrale. Varney s'approcha, le faciès venimeux. Ses pas lourds résonnaient dans ce lieu désert et humide, interdit de lumière, infesté de rats. Il souleva le menton du garçon pour l'observer avec attention.
— Un garçon peut donc en cacher un autre... Qui aurait cru que je te retrouverais en vie ? Tu aurais dû mourir avec tes parents.
Le gosse aurait dû disparaître dans l'accident de voiture. Si son Maître apprenait qu'il vivait encore parmi eux, il le payerait cher. Et les conséquences seraient désastreuses. Varney l'examina de longues minutes, comme s'il pouvait lire les réponses à ses trop nombreuses questions dans les traits délicats de Suni. Il renifla, lubrique, puis se lécha les lèvres tel un serpent prêt à fondre sur sa proie.
— Pourquoi tu sens si bon ?
Le jeune homme gémit en se débattant en vain. Varney s'inclina pour humer son cou, parfumé d'une délicieuse odeur ; une trace de son passé, aussi ancienne que le paradis. C'était effrayant mais surtout euphorisant, plus puissant qu'un shot de sang de vierge.
— Si ton chevalier servant ne se hâte pas, je pense que je vais croquer un bout, appétissante créature.
Suni paraissait si inoffensif, comment pouvait-il représenter le moindre danger ? Varney pourrait le tuer d'un seul coup de croc, ou de griffe acérée. Pour l'heure, il désirait lui infliger une tout autre torture.
— Alors, où est ton protecteur ? Tu crois qu'il me laisserait te goûter ?
Suni tremblait tandis que Varney caressait son cou, bestial. Ses crocs percèrent ses gencives ; excroissances de désir.
— Maître, il ne devrait plus tarder à présent, déclara Hmapa, son ombre fidèle.
— Quel dommage, regretta Varney sans quitter Suni de ses yeux fielleux.
— Alors c'est vraiment lui ? C'est le garçon ?
— Oui, c'est lui.
— Bonne prise, maître.
— Très bonne. Je pensais avoir pêché un petit poisson d'eau douce... Mais dans mes filets, j'en ai trouvé un bien plus gros.
— C'est vrai, ce qui se dit ? À son propos ?
— Je ne sais pas. Mais je ne dois pas le laisser filer. Si la prophétie se confirme, un grand malheur nous guette.
Hmapa se tourna vers Suni, comme s'il le voyait pour la première fois :
— Pourquoi t'as pas crevé dans l'accident comme tes saletés de parents, hein ?
— Ne t'inquiète pas, Hmapa, il est toujours temps d'arracher la mauvaise herbe.
Un fracas strident ajourna les plans du ravisseur pour sa tendre victime. Synchrones, tels deux frères siamois, Chayan et Kao soulevaient à mains nues le rideau métallique du parking abandonné, offrant une entrée des plus théâtrales.
Une grimace hypocrite étira le visage sournois de Varney.
— Enfin, on a failli attendre.
— La cavalerie est là pour sauver le petit cul de l'humain, se gaussa le loup-garou.
— Relâche-le, ordonna Chayan.
Varney rit à gorge déployée.
— Alors ça, c'est la meilleure blague de l'année. Tu pensais que ce serait une visite de courtoisie ?
— Que veux-tu ? Crache le morceau.
Varney déambula lentement, prenant un malin plaisir à jouer avec la patience de ses « invités ».
Il jeta un regard lourd de mépris à Kao.
— Kao... Je ne pensais pas te voir. En général, tu ne te mêles pas de ces histoires. Une croquette et tu aboies avec reconnaissance.
Kao serra les poings et exposa ses crocs, mais sa posture menaçante ne fit que redoubler l'hilarité de Varney.
— Le chiot veut jouer au loup ? Ça ne te va pas du tout. Contente-toi d'être le petit vampire obéissant si tu veux garder tes privilèges.
— Tu t'en es pris à mon frère ! Je t'ai garanti qu'il était clean, mais tu n'as pas voulu entendre. Dans l'adversité, je choisirai toujours Chayan.
— Grand bien te fasse, mon petit Kao.
Varney leva un bras en l'air et claqua des doigts. Une horde de vampires, tapie dans l'ombre jusqu'à présent, apparut, telle une armée de soldats belliqueux et sur-entrainés. Les frères furent pris en tenaille. Deux vampires maintenaient leurs bras derrière leur dos, tandis que les autres dessinaient un cercle autour d'eux ; une muraille défensive pour endiguer toute échappatoire.
— Qu'est-ce que tu veux ? rugit Chayan.
— Je veux que tu me rapportes ce que tu sais à propos de la milice humaine. Je veux écraser ces insectes qui déciment nos rangs. Et tu vas m'y aider, que tu le veuilles ou non. Je ne crois pas une seconde à ton baratin. S'ils t'ont relâché, c'est que tu as livré des informations compromettantes sur nous. Ta propre espèce !
— Tu as vraiment besoin de mon aide pour ça ? le provoqua Chayan avec une malice non dissimulée. Tu es donc incapable de traquer ces insectes par tes propres moyens. Le grand Varney serait-il si faible ?
Ce dernier adressa un signe de tête aux bourreaux qui retenaient Chayan. De violents coups de genoux lui furent alors infligés dans les côtes. Il grogna, révélant instinctivement ses canines.
— Ah... les voilà... ces beautés. Je commençais à croire que tu avais définitivement tourné le dos à ta vraie nature.
Varney s'approcha et s'agenouilla devant son prisonnier, courbé de douleur.
— Mais je sais que ce n'est pas le cas...
Il prit son menton entre deux de ses doigts crochus.
— Tu t'es nourri, n'est-ce pas ? souffla-t-il.
Chayan se tut, toisant Varney avec défi.
— Tu sais... Au début, je voulais simplement kidnapper ce gamin pour te tirer quelques informations et surtout te punir, soyons honnête. Il se dit au Hot Blood que tu tiens des discours anti vampires, que tu as sauvé des humains, que tu as défié ton propre frère. J'avais envie de mettre un terme à tes provocations depuis longtemps. Je contrôle tous les putains de vampires de Bangkok, et toi... tu menaces de me balancer à mes ennemis, devant tous mes hommes ? Mais il se trouve que j'ai été bien inspiré. Car ce gosse, il est bien plus important que je ne le pensais.
Chayan fronça les sourcils, tentant d'apercevoir Suni ligoté derrière Varney, vulnérable et réduit au silence. Comment faisait-il pour se trouver toujours dans les pires situations ? Un aimant à vampire. Il n'avait pas cru si bien dire. Et maintenant, Varney prétendait qu'il était plus qu'un égarement sur son chemin. Son odeur singulière et les instincts troublants qu'il éveillait en lui étaient-ils liés à ces insinuations ?
— Ce n'est qu'un humain insignifiant, il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, c'est tout, mentit-il.
Car il savait, au fond de ses entrailles, que Suni n'avait rien d'un accident.
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Eva Boh
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Sarah B
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