MIMYGEIGNARDE Old Souls 3.3. Hot Blood

3.3. Hot Blood

— Hé... Ça va aller, maintenant, lui dit Chayan avec toute la douceur dont il était capable.


Suni releva la tête, un air de défi et de colère inscrit au fond de ses pupilles larmoyantes. Il essaya de se débattre.


— Calme-toi. Tu es en sécurité, le raisonna Chayan, déjà exaspéré par cet humain inattendu, trop agité pour la préservation de son précieux repos.


Tout d'abord, il avait bouleversé ses plans de la soirée, puis l'avait contraint à le sauver, une bonne action qu'il n'entreprenait jamais pour les insectes de cette ennuyeuse espèce. Ne pouvait-il au moins se montrer sage et reconnaissant ? Chayan se savait injuste, mais il n'avait plus la moindre patience avec les humains ; il avait perdu l'habitude de leurs sentiments excessifs. Leur vulnérabilité, leurs peurs, leurs doutes, leur naïveté ; cela l'écœurait autant que le sang d'un diabétique.


— En sécurité ? couina le jeune homme d'une voix colérique, où perçait la nervosité.


Un léger sourire s'esquissa sur le visage du vampire. Le gamin avait l'air d'un chaton énervé bien inoffensif. Son agacement initial prenait un autre chemin... Il prit le temps de détailler son apparence, pour la première fois depuis qu'il l'avait entrevu sur ce canapé. Il était diablement beau. Son regard effleura sa silhouette, vint caresser son long cou fin où perlait une goutte carmin. Il la recueillit de son doigt, hypnotisé. L'odeur du jasmin, profonde et entêtante, lui monta une nouvelle fois au nez. Il trouva la force de se reculer pour reprendre ses esprits.


Que se passe-il, bon sang ?


— Je... je vais te soigner, parvint-il à énoncer.


Suni fronça les sourcils d'incompréhension et porta une main à son cou. À la vue du sang tâchant le bout de ses doigts, il s'évanouit.


***


Sa tête était lourde. Ses paupières semblaient greffées à sa boîte crânienne. Suni gémit de douleur en se massant les tempes. Il ouvrit les yeux avec difficulté, découvrant une chambre inconnue. Il était allongé dans un grand lit à baldaquin au matelas moelleux, enroulé dans des draps doux et frais. La pièce, agrémentée de blanc et de parme, inspirait la paix. Rien à voir avec... Les événements de la soirée le frappèrent soudain de plein fouet et un vent de panique le traversa. Il commença à suffoquer en s'imaginant à la merci de ces créatures.


— Tout va bien, prononça une voix profonde. Il n'y a que nous.


Il leva les yeux vers elle. Dans un coin de la pièce, il reconnut le dénommé Chayan, installé dans un fauteuil. Un imperturbable gardien, pareil à une majestueuse statue de marbre.


— Je t'ai soigné, déclara celui-ci d'un ton impassible, fissurant à peine son masque de froideur.


Suni vérifia son cou. Un pansement ornait sa peau. Il resta muré dans le silence, trop bouleversé et impressionné pour s'exprimer. Sa gorge était aussi sèche que du gravier. Il craignait que le moindre de ses mouvements n'attise les bas instincts du prédateur.


— Ne t'inquiète pas, Kao t'a à peine effleuré. Tu n'as qu'une égratignure, elle aura disparu d'ici quelques jours. Bien entendu, je te déconseille fortement de parler de cet incident à qui que ce soit, tu n'en sortirais pas gagnant, crois-moi.


Sa méfiance à l'égard de la créature se muait en ressentiment. Son « sauveur » était complice de son agresseur, depuis le début.


— D'habitude, les invités de Kao sont consentants. Je n'avais pas compris que ce n'était pas ton cas, poursuivit Chayan.


Son expression imitait celle d'une personne désolée. Mais Suni n'oubliait pas ses premières paroles insensibles, son regard vide, indifférent à son infortune.


— C'était pourtant criant, laissa-t-il échapper tout bas, accusateur.


Le vampire arqua un sourcil et pinça ses lèvres sévères. Il semblait se retenir de rétorquer. Espérait-il que Suni lui montre de la gratitude pour avoir empêché son frère de n'en faire qu'une bouchée ? Ça n'arriverait pas, ni dans cette vie ni dans une autre.


— Bien... Maintenant que tout est en ordre, je vais te demander de quitter les lieux.


« Quel dommage, j'aurais tant voulu rester pour me faire manger et mourir », aurait voulu jeter Suni avec sarcasme, mais il s'abstint. Mieux valait ne pas provoquer inutilement un vampire... Il l'observa quelques instants, intimidé par son aura et sa beauté dangereuse, sombre ; magnétique.


Comment s'assurer que celui-ci était bien différent de l'autre créature ? En pensant à Kao... Il lui inspirait l'effroi mais aussi un sentiment plus surprenant : la curiosité pour son statut au sein de l'école, qui confinait à l'anomalie.


— Comment... ? Non rien. Je vais y aller, ça vaut mieux, se ravisa-t-il.


Qu'est-ce qui lui prenait de vouloir faire la conversation avec l'ennemi ?


— Pose ta question, humain. Tu ne crains rien avec moi.


Suni hésita, mais puisqu'il y était invité...


— Comment un vampire peut-il être à la tête d'un conservatoire de danse ? murmura-t-il, comme s'il craignait que des oreilles indiscrètes ne l'entendent.


Une lueur d'hésitation traversa les iris ambrés du vampire.


— Kao est un vampire puissant, très manipulateur et persuasif.

— Et pas vous ?

— Nous sommes... différents.


« Le plus étrange des vampires » avait proféré Kao. Suni demeura silencieux un certain temps, pensif. Par comparaison au directeur, ce Chayan apparaissait... civilisé ? Il l'avait protégé, après tout. Il avait failli ne pas le faire, mais s'était rétracté. Nombre d'humains fermait les yeux sur la détresse de leurs prochains, sans jamais montrer le moindre signe de courage. L'Histoire pouvait en attester de manière édifiante.


— Pourquoi être finalement venu à mon secours ? osa Suni.


Chayan ne répondit pas. Le temps s'écoula ; les dernières lueurs du soir s'étaient fondues dans la nuit enfumée de Bangkok. Une pendule sonna onze heure.


— Je ferais mieux d'y aller.


Chayan se leva dans l'intention de l'accompagner mais Suni eut un mouvement de recul, troublé par cette stature imposante.


— Je-je connais la sortie.


Il quitta la chambre sans détacher les yeux de l'indéchiffrable vampire, qui le fixait d'une même curiosité aux accents perplexes. En un instant, il se retrouva à l'air libre, bien vivant et en un seul morceau : ces quelques heures pouvaient tout aussi bien n'avoir été qu'un absurde cauchemar, et l'issue tout autre sans l'intervention de Chayan. Il n'avait jamais été aussi près de rencontrer les abîmes, à part à l'aube de sa vie...

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18 commentaires

Cécile Marsan

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Il y a un an

J'aime beaucoup cette relation naissante entre les deux ! Par contre je sens que pour Subi la danse c'est mort, et ça c'est bien triste ! Et comment il va revoir Chayan ensuite ?

Siha

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Il y a un an

Ouf Suni s’en est sorti !

MIMYGEIGNARDE

-

Il y a un an

Ouiii \o/
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