Fyctia
Héloïse
Le soleil d’un bel après-midi baignait la terrasse bondée du café où Romain et Héloïse s'étaient donné rendez-vous. La lumière dorée dansait sur les feuilles des arbres et projetait sur les tables des ombres apaisantes : on se serait cru au bal du musée de la Galette, un tableau impressionniste de Renoir. Romain, vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon beige, observait les passants avec un sourire discret. En réalité, il les voyait sans les voir vraiment. Ses pensées vagabondaient, oscillant entre son internat, ses projets, ses parents, Héloïse, ses anciennes amours, Bastienne.
Puis, l'arrivée d'Héloïse interrompit le flot de ses réflexions.
— Romain ! s'exclama-t-elle joyeusement en s'approchant. Il fait beau aujourd’hui !
— Oui, reconnut-il en l’embrassant après s’être levé de son siège.
Héloïse, radieuse dans une robe d'été légère, s'installa en face de lui. Son sourire illuminait son visage, et sa présence communiquait aux autres une sorte d’énergie contagieuse. Romain lui rendit son sourire, tentant de dissimuler le trouble intérieur dont il avait été la proie quelques instants plus tôt.
— Ça va ? lui demanda-t-il tout simplement.
— Très bien, merci, répondit-elle en soupirant comme si elle avait couru pour arriver à l’heure. J’ai quand même eu une matinée bien chargée. Oh la la, faudra que je te raconte d’ailleurs, la dernière de Lévêque, tu vas rire. Mais bref, c’est d’autant plus cool de pouvoir enfin se détendre. Surtout si c’est avec toi.
Et de conclure sa réplique gazouillante d’un clin d’œil amusé.
Romain lui fit ensuite part de quelques banalités sur sa journée à lui, dépeignit quelques pontes de son service de manière comique et les rires d'Héloïse ponctuaient gaiement la conversation. Cependant, bien qu’il parlât beaucoup, Romain ne pouvait s'empêcher de penser à autre chose en même temps. Mais ces pensées-là restaient coincées à l’arrière-plan.
Ce ne fut que lorsqu’Héloïse reprit la parole que son cerveau réouvrit les vannes : son internat, ses projets, ses parents, son mariage, son amie d'enfance.
Tiens d’ailleurs, en pensant à elle… Bastienne était vraiment le miroir inversé d’Héloïse : brune, réservée, introspective, et dotée d'une sensibilité à fleur de peau.
— À quoi penses-tu ? demanda soudain Héloïse, inclinant légèrement la tête.
Romain sursauta, pris au dépourvu. Il n’avait pas vraiment entendu sa dernière phrase. C’était quelque chose en rapport avec le mariage, le DJ de la soirée, ou le plan de table. Il chercha rapidement dans ses neurones saturés une réponse qui ne trahirait pas ses doutes, même s’il répugnait à mentir.
Il opta pour une formule passe-partout qui n’était pas fausse en elle-même :
— Oh, désolé, j’ai eu une petite absence, avoua-t-il en souriant timidement. Mais, en gros, je pensais à nous.
Héloïse éclata de rire, un rire cristallin qui attira l'attention des autres clients du café.
— Trop chou… Tiens, en parlant de ça…
Son enthousiasme était palpable, mais il ne faisait qu'accentuer la gêne diffuse que Romain ressentait depuis quelques jours et qui lui donnait des céphalées de plus en plus régulières.
— Une minute, la coupa-t-il. Tu n’aurais pas un peu de paracétamol sur toi ?
— Bien sûr, répondit-elle aussitôt, farfouillant immédiatement dans son sac à main et lui tendant une plaquette de médicaments. Ça ne va pas ?
— Si, si. Mais j’ai des maux de tête depuis un moment, c’est pénible…
Prise tout à coup d’un doute, Héloïse lui demanda, un ton plus bas :
— Tu te poses des questions ? C’est le mariage qui t’inquiète ? Tu sais, c'est normal de se poser des questions. Après tout, nous sommes jeunes, et c'est un grand engagement !
Romain hocha la tête, avalant son comprimé d’un trait avec le reste de sa tasse de café.
— Je sais, mais ne t’inquiète pas : je ne me demande pas si je suis vraiment prêt ou pas. Je me demande juste si c'est les autres n’attendent pas trop de nous. Tu vois ? Genre, mes parents…
Il se tut subitement, conscient d’en avoir trop dit. Parfois, il n’était pas bon de dévoiler ses pensées les plus intimes.
Héloïse tendit la main et la posa sur celle de Romain.
— Écoute, Romain. Nous avons tous des doutes, et c'est normal. L'important, c'est que nous soyons honnêtes l'un envers l'autre. Si tu as besoin de temps pour réfléchir, je comprends.
La générosité de sa réponse émut Romain. Il serra sa main, reconnaissant de sa compréhension.
— Merci.
Elle lui sourit de nouveau, un sourire plein de chaleur et reprit aussitôt :
— Alors, pour le traiteur, je l’ai eu téléphone ce matin : il peut nous faire un prix si on est au moins deux-cent-cinquante. Je pense qu’on sera large à ce niveau : rien que de mon côté, on arrive facilement à cent-cinquante en comptant juste la famille et les amis proches... Pour l’église, ma mère veut vérifier que c’est bien le père Colin qui officie encore à la petite paroisse de notre village, là où on a notre résidence secondaire, tu te rappelles, la grande maison avec le cours de tennis ? Oui ? Bon, sinon elle voudrait qu’on fasse ça à la cathédrale, ce serait plus digne, selon elle. Pour la robe…
Romain espéra alors que le cachet fasse rapidement effet car ses méninges devenaient douloureuses.
3 commentaires
Samantha Beltrami
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Il y a 4 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 mois