Seb Verdier (Hooper) Nous nous étions promis Analyses

Analyses

— Dépêche-toi, on a pas beaucoup de temps avant la relève, gloussa-t-elle après être entrée comme une petite fille surexcitée dans un lieu interdit.


Béatrice déboutonnait déjà sa blouse, la laissant glisser le long de son corps jusqu’à ses chevilles. La petite salle blanche dans laquelle Romain l’avait entraînée sentait le désinfectant, la bétadine, l’éther ; les murs carrelés de blanc s’égayaient de-ci de-là de quelques posters anatomiques et le linoléum accusait plusieurs tâches de produits douteux renversés par des laborantins maladroits.

— Attends un peu, lança Romain comme il put tandis que Béatrice en sous-vêtements lui agrippait déjà les boutons de sa blouse d’interne et cherchait sa bouche avec la sienne.


Plaqué contre le mur, Romain réussit tout de même, de son bras tendu et tâtonnant, à actionner l’interrupteur. Aussitôt, deux néons blancs clignotèrent et tintèrent. L’horloge murale marquait sept heures moins dix. La relève serait là à sept heures.

— Avec la lumière, hmm ? demanda Béatrice d’un air langoureux.

— Attends, je te dis ! reprit Romain.


Mais Béatrice embrassait son cou, glissant ses doigts entre les pans de la blouse de Romain qui résistait encore.

— Stop ! réussit-il enfin à lui alors qu’elle descendait dangereusement vers sa ceinture.

— Qu’est-ce qu’il y a ? lui lança-t-elle en rejetant sa tête et ses courts cheveux blonds en arrière.


T’as peur de pas avoir le temps ? D’habitude, c’est pas…

— C’est pas ça ! la coupa-t-il. C’est pas pour ça que je t’ai amené au labo cette fois, reprit-il, légèrement gêné et se reboutonnant.


Béatrice resta un instant stupide, en sous-vêtements, ne sachant trop que faire.

— Je voulais te parler en privé, chuchota-t-il pour lui faire comprendre qu’il voulait simplement discuter avec elle quelques instants, à l’écart, et non se livrer à un de leurs ébats habituels.


Se rhabillant expertement, Béatrice lui demanda ce qu’il y avait de si important, qui méritât d’annuler ce genre d’entrevue dont, apparemment tous deux, appréciaient la régularité. Leur relation était simple, basée sur un besoin mutuel de réconfort et de relâchement dans ce monde intense et épuisant qu’était l’hôpital. Il n’y avait ni promesse, ni illusion d'amour entre eux. Romain savait qu’elle ne prendrait donc pas mal ce qu’il avait à lui dire.

— Je vais me marier, Béa. On ne peut plus se voir comme ça, tu comprends ?


La jeune infirmière resta un instant muette puis se reprit :

— Ah, c’est ça !? Mais ce n'est pas …


Manifestement, elle ne comprenait pas tout à fait la causalité entre l’annonce de Romain et le fait qu’il mette fin à leurs ébats, aussi ce dernier tint à mettre les points sur les i :

— J’ai beaucoup aimé nos échanges, c’était super, surtout avec ce boulot de malade qu’on fait, cette tension, tout ça. Ça faisait beaucoup de bien. Mais voilà, j’ai dit oui à une fille, Héloïse de Maguet : elle fait son internat en pédiatrie chez Lévêque. Et voilà… A présent, je suis lié à elle, je ne veux plus aller voir d’autres filles, ce ne serait pas correct de ma part. Je me suis bien amusé tant que j’étais célibataire, mais là c’est fini.

— Ah… fit-elle. C’est une question d’honneur, quoi.

— Pas seulement, poursuivit Romain. Le mien et le sien. Et puis, ça… On va dire que ce serait la partie consciente. Au niveau inconscient, je peux bien te le dire à toi… J’ai… J’ai plus envie…

— Oh ? Je te fais plus d’effet, c’est ça ? Parce que si c’est juste une question de contexte ou autre, ça peut s’arranger tu sais ?

— Non, non, reprit-il en lui attrapant les mains qu’elle avait de nouveau avancé vers le col de sa blouse. Je n’ai plus envie, physiquement, de voir d’autres personnes qu’Héloïse. C’est comme ça.


Béatrice finit par lâcher prise, comprenant qu’elle était vaincue. Elle se dirigea vers la porte en balançant des phrases, des mots qui disaient qu’elle en trouverait d’autres, des qui en avaient envie, que ce n’était pas elle le problème, mais qu’elle lui souhaitait quand même beaucoup de bonheur avec sa future moitié, qu’elle espérait qu’il soit heureux dans la vie.


Romain souffla, se dirigea vers l’armoire à pharmacie pour y prendre de l’ibuprofène. Migraine en approche…



De retour dans le large couloir beige et gris, où des fauteuils roulants vides s’entassaient au milieu de brancards gémissants, Romain se passa la main dans ses cheveux pour leur redonner forme. Il était heureux d’avoir mis les choses au point avec Béatrice, oui. Il était heureux d’avoir tenu bon et de n’avoir pas cédé à un besoin physique aussi nécessaire que puissant. Oui.


Une petite dame, âgée, perdue, l’apostropha, lui demandant où se trouvait le bureau des infirmières. Romain le lui indiqua d’un geste et d’un large sourire. La petite dame parut satisfaite.


Au fait, était-il vraiment heureux ? Il se le demanda tout en se dirigeant vers le distributeur de sucreries au bout du couloir. Bizarrement, il n’obtint pas de réponse.


Entre deux malades se disputant stupidement la préséance pour passer une radiographie alors que cela ne relevait pas d’eux, le jeune interne tenta de s’analyser lui-même : pourquoi, malgré cet acte et ses résolutions honorables ne parvenait-il pas à ressentir le bonheur que Béatrice lui avait souhaité ? Était-il vraiment heureux ?


Pourquoi ne parvenait-il pas à répondre à une question aussi simple ?


Une voix résonna dans les haut-parleurs, coupant court à ses délibérations : « Docteur Legrand, vous êtes attendu au bloc opératoire pour une urgence cardiaque ». Son tuteur étant appelé, Romain prit intuitivement le chemin du bloc lui aussi. Il eut soudainement l’impression rassurante d’être revenu sur une voie toute pavée, droite : vers son tuteur, vers l’urgence, vers la cardiologie, vers sa vocation, vers l’organe central de tout être humain.


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8 commentaires

Camilla_Melodie

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Il y a 4 mois

🩷

molly reagan

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Il y a 4 mois

bienvenue dans le concours ;-)

M.B.Auzil

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Il y a 4 mois

Hey ! Bienvenue dans le concours ! Je te mets dans ma PAL ;-)

Samantha Beltrami

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Il y a 4 mois

Et je suis a jour ☺️

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 mois

Maintenant qu'il est fiancé, Romain ne peut plus profiter de sa vie de célibataire. C'est tout à son honneur de ne pas vouloir mener de double vie. Mais la grande question reste, Est ce que Héloïse est vraiment celle qu'il lui faut ?

Lunedelivre

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Il y a 4 mois

Qu’est cf que c’est agréable à lire !

K.C Sankr

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Il y a 4 mois

♥️👌🏻
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