Seb Verdier (Hooper) Nous nous étions promis Une très bonne idée

Une très bonne idée

Le café continuait de vivre autour d’eux, mais quelque chose avait changé. Romain jouait nerveusement avec le bord de sa serviette en papier, un geste qui ne lui ressemblait pas.


Bastienne, un peu tendue au départ, venait de poser ses coudes sur la table et de reposer son menton sur ses mains, observant son ami d’un regard interrogateur : ce n’était vraiment pas dans ses habitudes d’hésiter ainsi.


— Tu voulais me dire quelque chose ? demanda-t-elle au bout d’un long moment, brisant le silence.


Il releva les yeux vers elle, son regard habituellement plein d’assurance était troublé par une hésitation qu’elle ne lui connaissait pas.


— Oui, dit-il, mais sa voix manquait de fermeté.


— Eh bien, je t’écoute, fit-elle, patiente.


Il posa la serviette qu’il torturait sur la table et inspira profondément : « Enfin, oui, c’est… quelque chose d’important. »


Bastienne fronça légèrement les sourcils, son cœur battant plus vite. Elle sentit une tension s’installer, comme si l’air lui-même venait tout à coup de s’épaissir entre eux, étouffant les sons et les paroles qu’ils allaient s’échanger.


Romain baissa les yeux sur sa tasse vide, ses doigts effleurant de nouveau le bord de la porcelaine : « Voilà… euh… Comment dire ça ? »


Elle attendit, retenant presque son souffle. Sa gêne était si inhabituelle, qu’elle ne pouvait s’empêcher de penser que ce qu’il s’apprêtait à dire était lié à elle, à eux. Si cela avait été quelque chose de grave, Romain aurait déballé le tout sans trop de chichi. Mais là, c’était quelque chose qui devait la concerner elle, c’était sûr.


— Tu sais, reprit-il enfin comme soudainement décidé, que mes parents ont toujours eu des idées très arrêtées sur ce qui est… bien pour moi.


La pointe d’angoisse qui était montée en elle faisait à présent du stationnaire. Elle guetta la suite.


— Ils… enfin, ils pensent que c’est le bon moment pour…


Il s’arrêta, passa une main dans ses cheveux bruns en bataille, et releva enfin les yeux : « Bastienne, je vais me marier. »



Les mots tombèrent comme une pierre dans l’eau, créant des cercles invisibles qui se propageaient ensuite de partout, sans cesser leurs ondulations, sans que rien, ni les serveurs, ni les clients ni le cliquetis des cuillères ni le sifflement du percolateur ne les arrête. Pendant une seconde, elle resta immobile, figée, comme si son cerveau avait refusé de traiter l’information.


— Te marier ? répéta-t-elle bêtement, d’une voix à peine audible et en écarquillant les yeux.



Romain acquiesça, mais il semblait regretter d’avoir parlé. Il évoqua très vite, comme pour se justifier, ses parents qui le poussaient dans cette voie depuis un moment, par rapport à sa situation, ses études, le moment-clef dans la vie où on crée une relation durable, les enjeux, l’âge…


Et comme Bastienne restait mutique, il ajouta :


— Tu connais Héloïse, je crois. C’est la fille d’un couple d’amis de mes parents. Tu sais, elle est aussi en médecine, dans ma promo…


Bastienne hocha la tête mécaniquement. Oui, elle avait déjà entendu ce prénom, mais jamais avec autant de poids.


— Ils pensent que c’est une très bonne idée, poursuivit-il, essayant de retrouver son assurance légendaire, la fixant parfois dans les yeux mais détournant de temps en temps le regard sur la vitrine derrière elle, comme si quelque chose dans le décor avait soudainement été digne d'un grand intérêt. Héloïse est… brillante, jolie, très gentille. Elle vient d’une excellente famille, et, enfin… Disons que… elle n’aura jamais vraiment à se soucier d’argent.


Bastienne avait posé ses mains à plat sur la table, comme pour se raccrocher à quelque chose de concret. Ses doigts tremblaient légèrement, mais elle espérait qu’il ne le remarque pas. Une petite tempête s’agitait sous son crâne : pourquoi cela avait-il été aussi difficile à dire pour Romain ? Autre question : pourquoi elle-même se sentait-elle aussi nerveuse ?


— Et… dit-elle finalement, d’une voix plus ferme qu’elle ne s’y attendait. Tu l’aimes ?


Il ne répondit pas. Son téléphone sonna. Il pesta. Sa mère. Il était en retard pour aller la chercher. Il se leva, embrassa Bastienne sur la joue, lui assura qu’ils en reparleraient et se sauva en laissant tomber un billet de dix euros sur la table et en lâchant, tout en enfilant son manteau que c’était pour lui.


En s’enfuyant, il ajouta : « on s’appelle ».







Tu as aimé ce chapitre ?

12

12 commentaires

Emmy Jolly

-

Il y a 4 mois

Drôle de déclaration, il dit se marier mais ne pas pas d'amour, il ne dit à aucun moment qu'il l'aime cette Héloïse.

Lunedelivre

-

Il y a 4 mois

Pas le temps de niaser je dois aller lire la suite !

Gottesmann Pascal

-

Il y a 4 mois

Tel que Romain en parle, il n'est pas amoureux d'Héloïse qui est jugée parfaite par les parents qui ont une vision plus pragmatique des choses. Mais les sentiments doivent aussi, et surtout, être pris en compte.

K.C Sankr

-

Il y a 4 mois

oh mince, y a pas de chapitre à suivre, je me suis attachée, je veux connaître la suite là ! :p

Seb Verdier (Hooper)

-

Il y a 4 mois

Merci pour ce gentil commentaire. La suite arrive ;)

Selsynn

-

Il y a 4 mois

Dadadum... Okay, je suppose qu'on va voir cette Héloïse et quel cadavre elle a dans son placard. Parce qu'on est d'accord, n'est-ce pas ? Elle a forcément des cadavres dans son grenier pour que les deux soient aussi mal à l'aise sur le sujet... C'est la seule solution, n'est-ce pas ? Super chapitre, j'ai hâte de lire la suite !

Seb Verdier (Hooper)

-

Il y a 4 mois

Cela pourrait être une solution. Ou il y a autre chose... Mais bon... qui lira verra ;)
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.