Livia Thomson Not Another Christmas Romance ! 1. Summer (2/2)

1. Summer (2/2)

De quoi est-ce qu’elle parle ? Parce qu’à moins qu’il existe un James Turner dont j’ignore l’existence, le seul auquel je pense est au protagoniste masculin de mon dernier roman. Un book boyfriend au caractère encore plus doux que son physique. Je dois avouer que pour celui-ci je me suis surpassée : brun - bien entendu -, des yeux gris à se damner et une carrure qui ne laisse absolument aucune place à l’imagination. Ancien prodige du hockey, il se retrouve coincé dans sa ville natale pour un repos forcé suite à une blessure qui pourrait mettre sa carrière en péril. Aigri et cynique, il méprise les festivités et tout ce qui s’y rapporte… jusqu’à ce qu’une libraire passionnée, bien décidée à lui prouver que la magie de Noël existe, vienne chambouler ses convictions à grands renforts de traditions kitsch et de sablés aux quatres épices. Le genre de type qui n’existe pas dans la vraie vie. Et le genre d’histoire qui ne risque pas non plus de m’arriver.


— James Turner ? je répète lentement. Tu veux dire… le personnage que j’ai inventé ?

— Plus ou moins, acquiesce-t-elle, l’air satisfaite d’elle-même.

— Plus ou moins ?

— Disons qu’on est en train de caster un James Turner.


Je cligne des yeux, incapable de prononcer le moindre mot. Plus cette conversation avance et moins elle n’a de sens.


— Tu veux dire que vous êtes en train d’engager un acteur pour jouer James Turner et m’accompagner pendant les trois semaines de ce booktour ?

— On est convaincus que rencontrer ton prochain héros en chair et en os donnera encore plus envie aux lectrices de venir, précise-t-elle. C'est du génie marketing !


Je sens mon estomac se nouer et tente tant bien que mal de déceler une trace d’humour dans ses yeux. Mais rien. Elle est parfaitement sérieuse.

Ashley pousse un soupir et attrape un stylo en forme de candy cane qu’elle fait tourner entre ses doigts.


— C’est une opportunité incroyable. Imagine la couverture médiatique, l’excitation des lectrices…


Je lève une main pour l’arrêter.


— Je n’ai pas besoin de tout ça. Mes livres se vendent très bien sans qu’un sosie de James Turner ne vienne jouer les mascottes de Noël.

— Hallmark adore l’idée, enchaîne-t-elle comme si je ne venais pas de refuser.

— Bien sûr qu’ils adorent l’idée ! Ils adorent aussi les sapins de six mètres de haut, les baisers sous la neige et les retournements de situation absurdes.

— Et les chèques à six chiffres, ajoute-t-elle avec un sourire entendu.


Je reste muette. Elle marque un point.


Une demi-heure plus tard, je sors de son bureau, un contrat de promotion littéraire dans mon sac. Lorsque je me rapproche des portes coulissantes dans le hall d’entrée et que je remarque la fine couche de neige qui commence à recouvrir le trottoir, je ne peux retenir un énième grognement. Il y a autre chose qui m’insupporte tout autant que Noël : la neige. A New-York. Qui débarque toujours sans prévenir. Résultat ? Mes bottines à lacets, pour lesquelles j’ai économisé depuis des mois, vont être ruinées. Et c’est totalement la faute de cette neige qui débarque toujours sans prévenir et absolument pas de la mienne qui n’ait pas pris le temps de les imperméabiliser avant.

Je resserre les pans de mon manteau et m’apprête à affronter le père Noël solidaire posté devant Reyes & Co depuis le début de la matinée quand je le vois. James Turner fait les cent pas devant la maison d’édition. Ou tout du moins son sosie. La voilà ma solution pour avoir un tant soi peu l’impression de maîtriser ce qui m’attend pendant les trois prochaines semaines. Mon rythme cardiaque s’emballe alors que je trottine pour le rejoindre et que le froid me mord les joues. Je suis tellement excitée par le plan qui vient de naître dans ma tête que je n’entends pas le père Noël me prévenir qu’il y a une plaque de verglas devant moi. Je glisse lamentablement sur le trottoir et un petit cri s’échappe de mes lèvres alors que je tente de garder mon équilibre. Avant même que je n’aie le temps de comprendre ce qui est en train de se passer, une main ferme me rattrape.

— Vous allez bien ? me demande une voix masculine.


James Turner – ou du moins, son clone parfait – me fixe avec un mélange d’amusement et d’inquiétude. Grand. Brun. Ces foutus yeux gris perçants. Et une carrure qui ferait passer n’importe quel mannequin de pub pour un gringalet.


— Je… oui, je balbutie en reprenant mes esprits.


Je reste figée, incapable de détacher mes yeux de ce visage qui semble tout droit sorti de mon imagination. Une chance sur un million. Voilà ce que représente cette rencontre improbable. Un coup du destin que je n'aurais pas osé écrire moi-même et je n’ai pas l'intention de le laisser passer.


— J’ai conscience que ce que je m’apprête à vous demander va vous sembler parfaitement farfelu, je déclare à toute vitesse, mais je suis auteure de romance et vous ressemblez comme deux gouttes d’eau au personnage de mon dernier roman. On organise une tournée promotionnelle et on cherche justement quelqu’un pour l’interpréter pendant trois semaines. Vous ne seriez pas disponible par hasard ?


Il me regarde sans ciller et c’est seulement à cet instant que je réalise qu’il n’a pas écouté un traître mot de mon monologue précipité. James, ou quel que soit son nom, tient un téléphone contre son oreille, le regard dans le vide, la mâchoire serrée.


— Désolé, je n’ai pas le temps pour ça, lâche-t-il sans même tourner la tête vers moi.


Et il s’éloigne déjà, absorbé par son appel, comme si je n’avais jamais existé. Je reste plantée sur le trottoir, les bras ballants, tandis qu’un flocon de neige vient se poser sur mon nez. Cette scène aurait pu être parfaite pour l’un de mes romans. La glissade maladroite. La main secourable. Le regard troublé. Normalement, c’est là que le héros esquisse un sourire en coin avant de lancer une réplique pleine de charme. Mais nous sommes à New-York et à New-York, les types comme James n’existent pas.

Voilà pourquoi je déteste les romances de Noël. Parce que dans la vraie vie, personne ne reste pour la suite de l’histoire.

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43 commentaires

SandrineBellier

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Il y a 2 jours

Par contre j’ai un peu de mal à faire le lien entre la personne au regard amusé qui lui demande si elle va bien et celui qui a le regard dans le vide et la mâchoire crispée. J’aurai bien vu une phase de transition brutale, du genre « Est-ce que vous êtes libre les trois prochaines semaines ? ». ça le déstabilise et là elle balance la suite. Ou alors elle lui balance, mais en fait elle n’a pas réellement osé et a laissé passer sa chance ? De plus, j’ai du mal à visualiser la scène : avait-il déjà son téléphone à l’oreille ? Si oui, il aurait eu tendance à ne pas trop la voir, par contre, tu peux peut être faire en sorte qu’elle glisse, se rattrape sur lui et là il la récupère pour l’empêcher de tomber.

SandrineBellier

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Il y a 2 jours

Ton retournement de situation est juste génial. J’aime beaucoup certes découvrir que Hallmark veut faire la promotion avec un faux bookboy-friend mais ce que je trouve subtile pour renforcer sa conviction anti-Noël (et anti-romance ?) c’est cette scène digne d’une comédie romantique qui finit aussi prosaïquement. Au lieu d’inquiétude, j’aurai plutôt mis « sollicitude » qui indique une préoccupation sincère, mais sans l’aspect « inquiet » qui se rapporte plutôt aux personnes que l’on connait ou qui se sont fait vraiment mal.

Debbie Chapiro

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Il y a 10 jours

J'adore cette fin. Évidement qu'il ne reste pas. Qui le ferait ? Et ce serait beaucoup trop facile. Un premier chapitre super, bien rythmé, dans le vif du sujet. Un personnage de caractère qui cache un passé familial douloureux...

Justine_De_Beaussier

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Il y a un mois

Mais mais mais : va-t-elle le revoir ?

Zebuline

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Il y a un mois

je me demande si elle va le chasser pour lui vendre son idée 😅. juste mon avis, j'aurais aimé que la scène soit un peu plus étoffé sur les mouvements des deux personnages, il est juste dit qu'il l'attrape avec une main et ensuite il a son téléphone a la main, niveau visuel ça peux peut etre etre un peu plus étoffé.

Elyne C. Garner

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Il y a un mois

Oh la pauvre ! 🥺

Marie Andree

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Il y a un mois

Intrigante cette rencontre...

Mary Lev

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Il y a un mois

Arg terrible cette réaction de James !

Livia Thomson

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Il y a 20 jours

oui on va casser pas mal de clichés hahaha

JULIA S. GRANT

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Il y a un mois

Mon dies, qu’est ce que j’aime les romances de Noël 🎄
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