Elsa Carat Rencontre surprise à l'hôpital St Georges 5

5

Je déambulais dans les couloirs, sonné. De revoir Audrey ? D’apprendre qu’elle était avec quelqu’un ? Sûrement un peu de tout ça. Je n’avais même pas eu un mot gentil pour son compagnon souffrant. Je me décidai à l’attendre pour réparer cet oubli. Je ne voulais pas qu’elle puisse croire que sa vie ne m’intéressait pas. Ce n’était pas le cas. Ça ne l’avait jamais été.

Du plus loin que je m’en souvienne, Audrey avait toujours été ma plus fidèle amie. A un moment donné, elle était même devenue plus que ça. Mais elle ne me voyait pas de la même manière. Nos chemins avaient pris des directions différentes au fil des années, nous étions partis étudier à des centaines de kilomètres de distance, nous avions rencontré d’autres personnes chacun de notre côté, mais nous finissions toujours par nous retrouver dans la même ville. Celle qui nous avait vus grandir.

J’ignorais si quelque chose pouvait vraiment nous manquer pendant qu’on était dans le coma mais, une chose était sûre, j’étais particulièrement heureux de retrouver son sourire, sa spontanéité et ses facéties. Curieusement, même si ça m’avait fait un choc de la revoir ici, je n’arrivais pas à imaginer que ça faisait plus d’un an que je n’avais pas discuté avec elle.

La voix de Maude derrière mon dos m’arracha à mes pensées.

— Sylvain ? Tu es là ! Bon sang ! Ton frère et moi, on te cherche partout depuis une bonne demi-heure ! Où étais-tu passé ?

— Désolé, une amie à moi a fait un malaise et je l’ai accompagnée dans une petite salle. J’ai pas pensé à prévenir Jérèm’… Tu te souviens d’Audrey ? Mon amie d’enfance ?

Maude qui était venue à ma rencontre eut un léger mouvement de recul.

— Euh…Oui, bien sûr…Elle est ici ?

— Oui ! C’est dingue, hein ? Elle s’est fait une entorse à la cheville et puis elle est tombée dans les pommes.

Elle réajusta la bandoulière de son sac à mains sur son épaule en se forçant à sourire.

— Bon. Tu me raconteras tout ça tout à l’heure. Là, il faut qu’on y aille, ton frère doit encore être en train de te chercher…

— Non, attends. Audrey va bientôt sortir. J’ai juste une dernière petite chose à lui dire.

Elle se rembrunit.

— Tu as passé des mois dans cet hosto, je crois qu’elle comprendra très bien que tu as hâte de t'en aller.

Je lui pris la main pour la radoucir et l'attirai doucement vers moi.

— Qu’est ce qui t’arrive ? T’inquiète pas, une fois que j’aurais franchi ses murs, nous aurons toute la vie devant nous…Rien que tous les deux…

Je tâtai le terrain pour ma demande, la bague achetée avec la complicité de mon frère patientait dans la poche de mon jeans.

— Si ça se trouve, elle n’est pas près de sortir…Tu sais comment c’est aux urgences…

Je me crispai légèrement. Je venais de lui faire une petite déclaration et elle était obsédée par la présence d’Audrey dans les environs.

— Je n’en aurai pas pour longtemps, promis. Et puis, elle sera contente de te voir.

Elle secoua la tête et soupira en s’écartant de quelques pas mais je la retenais toujours par la main.

— Je n’en suis pas si sûre, lâcha-t-elle finalement.

Je fronçai les sourcils et l’obligeai à me regarder droit dans les yeux.

— Qu’est ce qu’il y a Maude ?

Elle baissa les yeux, visiblement gênée.

Il y avait peut-être un peu de jalousie là-dessous, j'essayai de la rassurer :

— Il parait qu’elle a quelqu’un dans sa vie.

Elle ricana en levant les yeux au ciel.

— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Je commençais à m’agacer. Je détestais l’idée qu’on me cache des choses ou qu’on me rappelle que j’avais disparu de la circulation si longtemps que je ne comprenais plus rien à rien.

Elle se mordilla les lèvres comme si elle résistait puis elle céda face à mon regard implorant.

— Elle a couché avec Florian…

— … Florian ?

Je n’avais aucune idée de qui était ce type.

— Florian Costa.

Je ne saisissais toujours pas.

— Le type qui a provoqué ton accident.

J’eus la sensation qu’on venait une nouvelle fois de me rentrer dedans à 80 km/h.

C’était donc ça. Audrey n’osait pas me parler du nouvel homme dans sa vie parce que c’était le responsable de mon coma ? C’était logique, les pièces du puzzle s’assemblaient petit à petit et pourtant, c’était incroyable. J’oscillais entre vexation et incrédulité.

Je comprenais maintenant pourquoi Maude n’était pas pressée de voir Audrey. Elle devait lui en vouloir, croire que ma meilleure amie m’avait trahie. Pourtant, ce n’était pas exactement ce que je ressentais. Je connaissais trop bien Audrey, si elle était avec cet homme, c’est qu’elle devait avoir de bonnes raisons.

Passé le choc de la révélation, je ne lui en voulais pas d’être tombé amoureuse du mauvais type. Par contre, je lui en voulais un peu de ne pas avoir été tout à fait honnête avec moi. Et peut-être aussi que le jeune garçon qui sommeillait encore en moi lui en voulait tout bêtement d’être tombé amoureuse d’un autre que lui. Dans tous les cas, l’identité du mec en question n’était pas ce qui comptait.

Je continuai à réfléchir à vive allure. Si Audrey entretenait une relation avec cet homme depuis mon accident, c’est que ça devait être sérieux. Pendant que j’étais dans le coma, elle commençait à nourrir des sentiments pour lui.

Au début, je ne ressentis que de la douleur puis elle se mua subitement en colère.

Dans un sursaut d’ego, je fis ma demande à Maude, tout à trac :

— Veux-tu m’épouser, Maude ?

Elle resta paralysée. Il est vrai que ma question, de but en blanc, qui plus est dénuée d’émotion, avait de quoi surprendre.

Je reformulai ma demande avec un ton que j’espérais plus approprié :

— Aujourd’hui, c’est le jour d’un nouveau départ pour moi. Une fois que j’aurais passé les portes automatiques de cet établissement, une nouvelle vie m’attendra. Jérémy a peur pour moi. Il a peur que je sois dépassé, perdu, paumé. Mais moi je n’ai pas peur. Parce que je serai avec toi. Je n’ai pas peur, j’ai hâte. Je suis impatient de commencer ma nouvelle vie à tes côtés. Et puisque c’est un jour symbolique (je sortis la petite boîte qui contenait la bague de ma poche et l’ouvris sous les yeux brillants de Maude), je pense que c’est le bon jour pour te demander si tu aimerais devenir ma femme…

Maude porta sa main à la bouche et étouffa un petit cri.

Elle hocha la tête une fois, une autre, puis de plus en plus rapidement et cria enfin « ouiii ».

Je l’enlaçai et la soulevai du sol. Je l’embrassai en la reposant. J’étais heureux et soulagé par sa réponse.

Je me demandais si j’avais vraiment choisi le bon moment pour faire ma déclaration lorsque mes yeux se posèrent un peu plus loin derrière Maude. Audrey venait d’apparaître avec des béquilles. Les yeux écarquillés, elle était livide. Elle avait manifestement assisté à la scène. Ma vanité prit le dessus quelques instants et je fus sincèrement satisfait d’avoir choisi ce moment pour faire ma demande. Mais la fraction de seconde d’après, je culpabilisai. Audrey semblait souffrir et j’avais toujours détesté la voir dans cet état.

Tu as aimé ce chapitre ?

4

4 commentaires

Sissy Batzy

-

Il y a 5 ans

ça se complique sérieusement. Tu attises la curiosité du lecteur ;-) Bien joué !

Karl Toyzic (Ktoyz)

-

Il y a 5 ans

c'est le bordel aux urgences :P

Elsa Carat

-

Il y a 5 ans

Voilà, comme dans la vraie vie ! C'est pas comme ça en Suisse ?
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.