Elsa Carat Rencontre surprise à l'hôpital St Georges 2

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J'avais beau avoir expliqué au pompier que je n'avais pas besoin -et surtout pas l'intention- de me rendre à l'hôpital, le secouriste avait refusé de me laisser tranquille. Pire, depuis que j'avais tenté de m'enfuir, son collègue et lui m'encadraient sur la banquette latérale à l'arrière du véhicule, aux aguets.


Eh merde ! Si seulement je n’avais pas porté ces fichus talons ce matin pour mon entretien annuel avec mon patron ! Et Emilie ! Parlons-en d’Emilie ! Pourquoi s’était-elle empressée d’appeler les pompiers ?


Bien entendu, ils m'emmenaient vers l'hôpital le plus proche : Saint Georges. J'avais bien essayé de négocier, arguant que je souffrais le martyre et qu'il aurait peut-être mieux fallu m'héliporter dans un grand hôpital de Paris, pour plus de sécurité. Comme il y avait à peine vingt minutes, je jurais mes grands dieux que je ne souffrais pas du tout, le pompier commençait à s'interroger sur mon état mental. J’en avais eu la confirmation quand il m’avait demandé :


— En quelle année sommes-nous, mademoiselle ?


Après avoir répondu juste, j'avais arrêté de parler de peur qu'il ne demande au chauffeur de dévier vers l'asile psychiatrique le plus proche.


J’essayais de relativiser tandis que le camion se garait sur le parking du service des urgences. C’était un immense hôpital. Tout le monde s’y perdait tout le temps. Statistiquement, j’avais très peu de chance d’y croiser qui que ce soit que je connaisse. Cela dit, statistiquement, les probabilités de tomber et de se fracturer la cheville après avoir buté contre une chaise ne devaient pas être bien grandes, non plus…


Je recommençais à paniquer.


Mon escorte me suivit jusqu’au comptoir d’enregistrement. Je les trouvais un peu parano, je n’avais regardé les sorties de secours que quatre fois chacune. Et puis, surtout, je les trouvais optimistes. Impossible que j’en atteigne une sans me faire rattraper. Ma cheville droite ne jouerait pas son rôle assez longtemps, je le sentais.


— Nom et prénom ?


— Audrey Malo.


Les pompiers écoutaient attentivement mes réponses.


J’expliquai à la dame ma blessure et elle m’invita à aller m’asseoir dans la salle d’attente. Les pompiers me suivirent. Ils n’étaient pas censés partir, maintenant ? Aller éteindre un feu ou sauver un chat des branches d’un arbre ?


Je m’apprêtai à les remercier poliment quand une blouse blanche s’écria :


— Oh ! Maude ! Ça fait longtemps qu’on ne vous avait pas vu, ici ! Comment allez-vous ?


Je mis quelques fractions de seconde à réaliser qu’elle s’adressait à moi. Les pompiers avaient compris, eux. Le chef fronçait les sourcils et je pouvais presque imaginer les rouages de son cerveau se mettre en marche. Elle l’a appelé Maude ? Mais pourquoi a-t-elle dit qu’elle s’appelait Audrey à l’accueil ? En combien de temps pouvons-nous être à l’hôpital psychiatrique ?


Je feins d’abord de ne pas avoir compris que l’infirmière s’adressait à moi. Mais cette dernière semblait vraiment très contente de me revoir. Alors quand elle s’approcha de moi, les yeux brillants, je me levai et me lovai dans ses bras qu’elle ouvrait grand pour m’enlacer.


Lorsque je me défis de son étreinte, je remarquai que les secouristes nageaient dans la confusion la plus totale.


Les yeux de Solange se posèrent sur mon pantalon retroussé sur mon mollet droit.


— Qu’est-ce que tu fais aux urgences ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Tu t’es tordue la cheville ? Oh, ma pauvre ! Je vais voir ce que je peux faire pour essayer de te faire attendre moins longtemps. Bouge pas !


Je n’eus pas le temps de la remercier qu’elle avait déjà tourné les talons.


— Maude ? me fit le secouriste en chef, les bras croisés sur sa poitrine, tandis que je me rasseyais.


Je pris un air naturel, faussement détaché.


— Oh, oui, c’est juste un petit surnom…Audrey…Aude…Maude…Vous comprenez ?


Il n’avait pas l’air de comprendre mais je fis comme si.


Le répit fut de courte durée.


— Oh ! Tu es là ! Solange vient de me prévenir mais je n’osais pas la croire ! Ça fait combien de temps qu’on ne t’a pas vu ici ?


Je haussai les épaules. Je savais très exactement depuis combien de temps je n’avais pas remis les pieds en ces lieux mais je n’avais pas très envie de me remémorer ce jour particulier.


J’esquivai un geste pour me lever et la saluer mais elle m’en empêcha et se baissa pour me faire la bise. J’avais liée une sérieuse amitié avec Rose. On se racontait nos vies autour de la machine à café quand elle prenait sa pause et je culpabilisai de ne plus lui avoir donné de nouvelles.


— Je suis désolée…Je n’ai pas eu trop de temps pour moi, ces dernières semaines…


En fait, ça faisait même quelques mois que j’avais disparu de la circulation. Mais elle se dépêcha de balayer mes excuses.


— Ne t’en fais pas, je me doute bien…Bon, il faut que je retourne bosser mais on prend un verre tout à l’heure à la cafète, d’ac ?


J’acquiesçai. Et puis, ça me ferait peut-être du bien de lui parler.


Finalement, les pompiers me laissèrent en me faisant promettre de ne pas déguerpir. Je promis. Je n’avais qu’une seule hâte : qu’on soulage ma douleur. Et puis, même si j’avais effectivement croisé quelques personnes de ma connaissance, tout s’était finalement plutôt bien passé. D’ailleurs, il devait très certainement avoir quitté l’hôpital. Il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.


Je commençais tout juste à me détendre lorsqu’une voix, reconnaissable entre mille, me fit sursauter.


— Audrey ?!


C’est pas vrai. Ce que je redoutais le plus venait d’arriver. Tétanisée, je n’avais pas encore osé tourner la tête vers lui.


— Audrey ? C’est bien toi ?


Je rassemblai mes dernières forces et me levai avant d’enfin oser croiser son regard. Il était toujours aussi beau. Plus, même. Il avait ses fringues à lui et pas cette horrible blouse d’hôpital. Il avait repris des couleurs et du muscle. Et surtout, il y avait une étincelle dans son regard noisette. Ses iris brillaient. Je pouvais y voir la vie qui l’attendait.


Il se racla la gorge et je me rendis compte que je le contemplais depuis trop longtemps. A côté de lui, son frère me salua brièvement avant de prétexter un appel important à passer pour son travail. Je me retrouvai seule avec lui. Je fis un effort.


— Alors ça y est, tu es remis sur pieds ? Je suis vraiment vraiment heureuse pour toi. Tu as l’air en super forme. Vraiment, ça me fait très plaisir de te voir comme ça.


Zut ! Il y avait au moins un ou deux vraiment en trop dans cette phrase !


— Moi aussi, je suis vraiment content de te voir.


Narquois, il avait accentué le vraiment. Je souris. Depuis toujours, il aimait me taquiner et je le laissais faire avec une certaine satisfaction.


— Maude ? Le docteur est prêt à te recevoir si tu…


Rose qui venait à ma rencontre, s’interrompit en découvrant Sylvain.


— Oh, bonjour…


Mais, hébété, il ne répondit pas à sa formule de politesse. Elle m'avait appelé Maude.


Il me regarda cherchant une explication et c’est là que je fis ma meilleure action de la journée. Je m’évanouis.

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6 commentaires

Karl Toyzic (Ktoyz)

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Il y a 5 ans

la Schizophrénie c'est mal quand même^^

Elsa Carat

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Il y a 5 ans

N'est-ce pas Monsieur Karl/Fabrice/Ryan ?

Karl Toyzic (Ktoyz)

-

Il y a 5 ans

AHahah merde tu m'as fait rire. Heureusement que j'étais pas en train de boire!
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