Fyctia
I’ll be home for Christmas 1
Mia
La soirée battait son plein, mais une partie de moi restait figée, observant Agathe et Baptiste. Ils semblaient se comprendre sans un mot, une complicité évidente qui flottait dans l’air autour d’eux. Leurs rires se mêlaient aux autres conversations, mais c’était eux que je regardais, eux que je sentais au centre de toute l’attention, de toute l’alchimie.
Ils étaient assis l’un près de l’autre, dans cette proximité discrète, chargée de quelque chose d’indéfinissable. Une tension douce, un équilibre fragile entre la retenue et l’évidence. Quand Baptiste parlait, Agathe le regardait avec cette lueur amusée et surprise, comme si elle redécouvrait une part d’elle-même. Et lui… lui, il semblait tout simplement absorbé par elle.
Je connaissais ce regard. Celui qu’un homme posait sur une femme quand il était fichu avant même de s’en rendre compte. Un frisson me parcourut, et j’avalai une gorgée de vin, détournant les yeux.
Et puis la porte du restaurant s’ouvrit brusquement, et une silhouette titubante fit son entrée. Gabriel. L’alcool dans ses veines, il avait les yeux brillants d’irritation et d’émotion, se déplaçant avec une lenteur maladroite, heurtant quelques chaises sur son passage.
— Mia !
La voix de Gabriel claqua dans l’air comme un coup de tonnerre. Mon estomac se noua instantanément. Il n’était pas supposé être là, pas dans cet état, pas aujourd’hui. Il se dirigeait vers moi sans prêter attention à l’agitation qu’il provoquait autour de lui. Il était ivre, ça se voyait à sa posture un peu bancale, à la rougeur sur ses joues, à la façon dont il balaya la salle du regard avec ce sourire désabusé que je connaissais trop bien. Il cracha des phrases insensées aux quelles j'essayai de répondre calmement. En vain ...
Les conversations s’étaient tues, et les regards, intrigués ou gênés, s’étaient tournés vers lui. Lui me scrutait comme si ma présence était la seule chose qui comptait, se tenant d’une main à la table comme pour ne pas tomber. Je sentais Baptiste prêt à intervenir et j'eus peur qu'une bagarre éclate à ce moment là. Aussi je posais une main sur son avant-bras pour l'en dissuader et Je me levai précipitamment.
— Gabriel, viens dehors, tu es… trop ivre pour rester ici. On va en parler, d’accord ?
— Ah ! Mia la sauveuse, toujours prête à jouer les héroïnes.
Je me figeai une seconde, puis pris une profonde inspiration. Je ne voulais pas qu’il fasse une scène ici. Pour lui, pour moi. Pour nous.
Je l’attrapai par le bras et entraînai à contrecœur vers la sortie, espérant qu’il ne ferait pas plus de scandale. Il ne résista pas vraiment, mais je sentis la tension dans son corps, une énergie brute sur le point d’exploser. La fraîcheur de l’air me frappa, mais c’était un soulagement de quitter la chaleur du restaurant, d’échapper à l’atmosphère pesante qui m’étouffait. Il titubait à mes côtés, tout en grommelant. La neige me gifla le visage, mais il apportait une sensation de clarté qui m’était précieuse à cet instant. Gabriel titubait à mes côtés, et je l’aidai à s’appuyer contre un mur. Il me fixait, un sourire las et désabusé sur les lèvres, puis il se dégagea et passa une main dans ses cheveux, l’air agacé.
— Tu vas encore me faire la morale ?
— Ce n’est pas mon rôle.
— Ah non ? T’es sûre ? Parce que pendant des années, t’as toujours su mieux que moi ce qui était bon pour moi.
Je serrai les poings, le froid mordant ma peau à travers mes gants.
— Que veux-tu, Gabriel ?
Il laissa échapper un rire sans joie.
— Je voulais juste passer une bonne soirée. Mais visiblement, c’était pas une bonne idée de l’accompagner de gnôle. Il baissa les yeux, puis murmura :
— Je suis fatigué, Mia.
Ces quelques mots me touchèrent plus que je ne l’aurais voulu. Je soupirai.
— Viens, je te ramène chez toi.
Il leva les yeux vers moi, comme s’il hésitait, puis hocha la tête lentement.
— Alors, dis-moi, Mia… Tes enfants… Il rigola doucement, mais c’était un rire sans joie. C’est vraiment les tiens ?
Je frémis. C’était un mensonge, et il le savait. Mais je ne pouvais pas, je ne voulais pas le lui avouer. Pas maintenant. Je le laissai continuer à parler, en espérant que l’alcool adoucirait son esprit et que, le lendemain, il ne se souviendrait de rien.
— Qu’est-ce que tu veux savoir, Gabriel ? De toute façon, demain tu auras oublié tout ça, alors…
Il s’arrêta un instant, les yeux plissés, avant de secouer la tête.
— Tu sais, tu peux me dire la vérité, Mia. Je suis pas stupide.
Je ne savais pas quoi répondre. La vérité m’échappait. Mais je n’étais pas prête à tout dévoiler, pas à ce moment-là. Pas avec lui, pas avec tout ce qu’il représentait encore pour moi.
— Ce sont mes enfants, Gabriel, j’ai… je suis venue leur montrer les lieux de mon enfance pour Noël, d’accord ? On en parlera quand tu seras plus sobre, mais ce n’est pas le moment de tout remettre en question, pas comme ça.
Il soupira bruyamment, appuyant sa tête contre le mur.
— T’es tellement différente, Mia. Tellement… distante. C’est Noël, non ? Noël ! Et moi, je suis seul… et toi, t'es là avec eux, avec… Il balaya de la main, comme s’il cherchait à désigner quelque chose de flou.
— Et là, ils sont où tes enfants, Mia ?
Je frémis. Il venait de le dire, comme ça, sans réfléchir. J’avais fait passer les enfants d’Agathe pour les miens, sans vraiment comprendre pourquoi. Je ne savais même pas pourquoi j’avais fait ça. C’était devenu un réflexe, une façon de fuir la question qui ne cessait de revenir : pourquoi étais-je là, au fond ? Pourquoi ce mensonge ? Peut-être parce que c’était plus facile que d’expliquer la réalité, peut-être parce que je n’avais pas la force de lui parler de ma propre solitude. Et pourtant, tout ça ne m’appartenait pas, tout ça n’était qu’une mascarade.
Je le regardai, un petit sourire nerveux aux lèvres.
— Ils sont à la maison. Ils sont raisonnables et ma grande a l’habitude de veiller sur son frère.
Je déglutis difficilement. Je l’observai sans un mot. Il avait raison, mais je ne pouvais pas lui dire que je n’avais pas de justification qui tienne pourquoi je m’étais laissée entraîner dans ce mensonge, sans raison apparente, si ce n’est pour éviter la confrontation. Mais je savais qu’au fond de moi, j’avais agi ainsi pour protéger quelque chose, quelque chose qui dépassait le cadre de cette soirée. Que ce mensonge était devenu une manière de me protéger, une manière de fuir ce que j’avais perdu.
Je le pris par le bras, et nous continuâmes de marcher en silence, la neige crissant sous nos pas. Je connaissais le chemin par cœur, même si cela faisait des années que je ne l’avais pas emprunté ainsi.
Quand nous arrivâmes devant sa maison, mon cœur manqua un battement. Devant sa porte, j’eus un moment d’hésitation. J’étais là, devant cette porte, avec Gabriel et la situation me parut soudainement lunaire.
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Mapetiteplume
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Zebuline
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Bérengère Ollivier
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Zebuline
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Bérengère Ollivier
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lovelover
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Il y a 10 jours
Bérengère Ollivier
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Il y a 10 jours