Fyctia

Je fis un dernier signe de tête et me tournai les talons, sentant son regard me suivre tandis que je m’éloignais, mes pas s’enfonçant dans la neige. Les enfants suivaient docilement, mais Luna, dans un dernier regard, lança à Gabriel un sourire curieux, presque calculateur, puis, silencieuse, elle m’observait en coin. Elle avait tout compris. Et je savais déjà qu’elle ne tarderait pas à poser des questions. Et alors que nous reprenions notre chemin, un mince flocon vint se poser sur ma joue. Presque aussitôt, d’autres suivirent, dansant lentement autour de nous. La neige commençait à tomber.

Le vent glacial s'engouffra dans le chalet lorsque j'ouvris la porte en catastrophe. Mes joues étaient rougies par le froid et l’agitation, et mes mains tremblaient légèrement tandis que je refermais derrière moi.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? s’étonna Agathe en relevant la tête de son carnet, installée confortablement sur le canapé avec un plaid sur les genoux.

Je poussai la porte du chalet avec précipitation, le cœur battant encore sous l’effet de la rencontre. Avant même que je ne puisse répondre, Luna s’engouffra à ma suite, secouant vivement sa veste couverte de flocons, suivi d’Arthur qui piaillait joyeusement.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? On dirait que tu as vu un fantôme.

Je refermai la porte derrière moi et retirai mon écharpe d’un geste brusque.

— C’est presque ça.

Luna entra à ma suite, déposant ses gants trempés sur le radiateur avant de croiser les bras, l’air curieux. Avant que je ne puisse répondre, Luna me devança,

— C’était qui, ce type ? demanda-t-elle avec une pointe d’insistance, croisant les bras avec une expression mi-curieuse, mi-sceptique.

J’échangeai un regard avec Agathe, cherchant mes mots. La dernière chose que je voulais, c’était m’embarquer dans une explication trop détaillée. Mais Luna n’était pas du genre à lâcher prise facilement.

— Un… vieil ami, dis-je finalement.

Luna plissa les yeux.

— T’es sûre ? Parce que lui, il avait pas l’air d’un ami. Il te regardait bizarrement. Un peu comme quand Arthur essaie de mentir et qu’il sait qu’on va le griller.

Je pinçai les lèvres. Agathe posa son carnet sur la table et s’appuya contre le dossier du canapé, manifestement amusée.

— Un vieil ami, hein ? répéta-t-elle avec un sourire en coin. Et comment s’appelle ce vieil ami ?

Je soufflai en m’affalant sur une chaise.

— Gabriel.

Le sourire d’Agathe s’effaça légèrement. Elle connaissait ce prénom. Elle savait ce qu’il représentait.

— Oh…

Luna s’installa en face de moi, le menton posé sur ses mains, prête à entendre toute l’histoire.

— Et c’est qui, Gabriel ? Pourquoi il avait l’air fâché ?

Je passai une main dans mes cheveux encore humides de neige et hésitai. Mentir à Luna n’était pas une option, mais je ne pouvais pas non plus tout lui raconter.

— C’était… quelqu’un d’important pour moi, avant. On s’est perdus de vue.

— Et il t’a retrouvée là, par hasard ?

Je hochai la tête.

— Oui. Et il était surpris de me voir ici… avec vous.

Luna fronça les sourcils et réfléchit quelques secondes avant de sourire doucement. Arthur, lui, se précipita sur sa mère et grimpa sur le canapé, se blottissant contre elle avec un large sourire.

— Même que Tati Mia, elle a dit qu’il fallait qu’on l’appelle maman ! lança-t-il fièrement, comme s’il venait d’annoncer une grande nouvelle.

Un silence s’installa dans la pièce. Mon estomac se noua instantanément. Agathe posa son carnet sur la table basse et plissa les yeux, visiblement intriguée, tandis que Luna me fixait avec une intensité redoublée.

— Oh ? fit ma meilleure amie en arquant un sourcil, un sourire en coin. Et pourquoi donc, "maman" ?

Luna, toujours les bras croisés, se pencha légèrement en avant.

— Oui, tiens, j’aimerais bien savoir aussi.

Je jetai un regard noir à Arthur, qui continuait d’afficher son air ravi, puis me raclai la gorge en essayant de reprendre contenance.

— Ce n’est pas… Ce n’est rien. Juste un petit malentendu.

Agathe haussa un sourcil, sceptique, avant de prendre une gorgée de thé fumant et poser ensuite sa tasse sur la table basse.

— Un malentendu ?

— Oui, repris-je rapidement. Disons que ce n’était pas le bon moment pour entrer dans les détails avec lui.

Luna roula des yeux et s’affala dans un fauteuil.

— Traduction : tu lui as menti.

— Ce n’est pas un mensonge, corrigeai-je. C’est… une simplification de la vérité.

Agathe éclata de rire.

— Tu es incorrigible, Mia.

Je poussai un soupir et me laissai tomber à mon tour sur le canapé, sentant la fatigue et la tension accumulées peser sur mes épaules.

— C’est plus compliqué que ça, murmurais-je.

Luna tapota son menton, faussement songeuse.

— J’imagine que ce monsieur Gabriel n’était pas n’importe qui…

Je passai une main sur mon visage, exaspérée par l’instinct de détective de ma nièce.

— Non, il ne l’était pas. C’était mon ex-fiancé.

Agathe et Luna échangèrent un regard complice, et je sus que je n’échapperais pas à leurs questions.

— Et c’est pour ça que tu nous as regardés bizarrement avant de répondre quand il a demandé si on était tes enfants ?

Mon ventre se contracta sous l’effet de la nervosité. Cette gamine était bien trop perspicace. Agathe releva immédiatement la tête depuis le canapé où elle était installée, une tasse fumante entre les mains.

— Alors ? demanda-t-elle, visiblement impatiente.

— Je voulais juste voir votre réaction, répondis-je en espérant qu’elle n’irait pas creuser plus loin.

Elle haussa les épaules et se leva.

— Mmh… D’accord. Mais tu devrais faire attention, maman, parce que t’es pas très douée pour mentir.

Elle m’adressa un sourire malicieux avant de se lever pour filer vers la cuisine. Agathe me dévisagea, puis éclata de rire.

— Elle va te mener la vie dure, celle-là.

Je laissai échapper un soupir et secouai la tête.

— Ne m’en parle pas…

Agathe esquissa un sourire amusé avant de tapoter la place à côté d’elle sur le canapé.

— Installe-toi et déballe tout. Et toi, Luna, va chercher Arthur. Je sens qu’on va avoir besoin de popcorn.

Luna s’exécuta aussitôt, disparaissant dans le couloir en marmonnant :

— Un ex-fiancé... et on n’en parle que maintenant ? Pff... les adultes, j’vous jure !