Bérengère Ollivier Nos coeurs sous la neige Let it snow ! (Dean Martin) 2

Let it snow ! (Dean Martin) 2

Je relevai le menton, masquant mon trouble derrière un sourire léger.

— En chair et en os, Gabriel.

Il croisa les bras sur sa poitrine, son sourire en coin m’arrachant une bouffée de souvenirs que je n’avais pas envie de déterrer maintenant.

— Je croyais que tu avais juré de ne jamais remettre les pieds ici.

— On dit beaucoup de choses qu’on ne pense pas vraiment, répondis-je en haussant une épaule. Et toi, toujours ici ?

Il esquissa un sourire ironique.

— Comme tu vois. En fait, au cas où tu l’aurais oublié, je vis ici. Et toi ? Qu’est-ce qui amène ?

Son regard glissa derrière moi et je compris immédiatement ce qui allait suivre. Avant même qu’il ne pose la question, je pris les devants, un réflexe idiot, mais irrépressible.

— Je suis venue avec mes enfants.

Je ne savais pas pourquoi j’avais dit ça. C’était sorti tout seul, sans que j’aie le temps de réfléchir. Peut-être parce que je ne voulais pas qu’il pense que j’étais toujours cette même Mia, indépendante et insaisissable. Ou peut-être parce que je voulais le troubler autant qu’il me troublait.

Gabriel haussa un sourcil, clairement surpris. Il baissa les yeux vers Arthur et Luna, qui avançaient à petits pas prudents dans la neige, observant le paysage avec une fascination évidente.

— Tes … enfants ?

Je hochai la tête, tâchant de paraître aussi naturelle que possible.

— Oui. Ils sont surexcités à l’idée de découvrir la montagne.

Il ne répondit pas tout de suite, se contentant d’observer les enfants d’un air pensif. Je sentis son regard glisser sur eux, cherchant sans doute des ressemblances, des indices, quelque chose qui lui permettrait de raccrocher cette nouvelle réalité à l’image qu’il avait gardée de moi.

Arthur, fidèle à lui-même, se rapprocha spontanément et s’agrippa à ma main. Comme d’habitude, il se plia volontiers à la comédie. Il hocha la tête avec enthousiasme et me demanda d’une voix joyeuse.

— Maman, c’est quand qu’on va manger des gaufres ? J’ai trop faim !

Je souris, soulagée par son naturel.

— Bientôt, mon cœur.

Luna, elle, resta légèrement en retrait. Je croisai son regard, et un sourire fugace passa sur ses lèvres, un sourire qui en disait long. Elle observait la scène avec une intelligence bien trop affûtée pour son âge, analysant ce qui se jouait devant elle. Comme je l’avais deviné, n’était pas dupe. Ses yeux se fixèrent un instant sur moi, puis sur Gabriel, et un sourire malin se dessina sur ses lèvres. Elle savait que quelque chose se cachait derrière cette mise en scène, et elle semblait prête à jouer ses cartes. Finalement, elle se rapprocha et attrapa mon bras avec une légèreté presque calculée.

— Maman, moi, je veux un chocolat chaud avec ma gaufre, annonça-t-elle d’un ton faussement distrait.

Je caressai doucement ses cheveux, tâchant d’ignorer le poids du regard de Gabriel sur nous.

— On verra ça tout à l’heure.

Il eut un léger rire, un peu amer, et secoua la tête. Son regard passa successivement de moi à Arthur, puis à Luna, avant de revenir sur moi, plus insistant. Une lueur indéchiffrable dansait dans ses yeux sombres, quelque part entre l’amusement forcé et une rancune encore vive.

— Félicitations, Mia, souffla-t-il, son ton plus sec qu’il ne l’aurait voulu. Deux enfants… c’était donc ça, finalement ?

J’ouvris la bouche, mais aucun mot ne sortit. Il n’était pas dupe. Comment aurait-il pu l’être ? J’avais été celle qui l’avait quitté du jour au lendemain, celle qui avait fui au premier signe d’engagement, incapable de concilier mes rêves de grandeur avec une vie de famille. Et pourtant, me voilà, mère de deux enfants, comme si la vie s’était jouée de lui.

— Je suis surpris, admit-il enfin, ses yeux cherchant encore des réponses dans les miens. Je ne savais pas que tu avais des enfants…

Je soutins son regard sans ciller et me forçai à sourire, bien que je sente la tension monter en moi.

— La vie réserve bien des surprises, répondis-je prudemment.

Gabriel haussa un sourcil, esquissant un rire sans joie, mais je vis bien que cette explication ne lui suffisait pas.

— Ça, pour une surprise…

Gabriel les observa un instant, puis reporta son attention sur moi. Son regard s’attarda une seconde de trop, comme s’il tentait de voir au-delà de mes mots.

— Ils te ressemblent pas beaucoup, finit-il par dire.

Je haussai les épaules, affichant mon plus beau sourire énigmatique.

— Ils tiennent plus de leur père.

— Et leur père ? demanda-t-il intrigué.

— Aux abonnés absents. Il vit quelque part aux US.

Son regard glissa à nouveau vers Arthur et Luna. Il ne posa pas de question, mais je sentis le doute planer, pesant. Il savait compter. Il savait faire le calcul. Et moi, je sentais dans son silence toute la déception, toute l’incompréhension de celui qui avait un jour cru que nous construirions ensemble cet avenir que je lui avais refusé. Il croisa les bras sur sa poitrine, hochant lentement la tête comme s’il se résignait à accepter ce qu’il voyait, même si cela le dérangeait.

— Alors, il faudra qu’on prenne le temps de discuter… Si tu en as envie, bien sûr, ajouta-t-il après un silence pesant.

Son ton était neutre, mais je percevais l’amertume sous-jacente. Il ne demandait pas une simple conversation, il voulait comprendre. Comprendre ce qui m’avait fait fuir, comprendre pourquoi, après tout ce temps, je me retrouvais là, avec ces enfants qui n’étaient pas censés exister dans mon monde. Je soutins son regard à travers les flocons virevoltants, hésitante, puis me contentai d’un sourire évasif.

— On verra. Peut-être.

— A bientôt, Mia, souffla-t-il, une pointe de nostalgie mêlée à une certaine curiosité dans sa voix. Ça me fait plaisir de te revoir. Vraiment.

— Moi aussi, Gabriel, répondis-je, tentant de cacher la tension qui montait en moi.

Le silence qui suivit était chargé, presque électrique. Les enfants, eux, ne semblaient pas percevoir la tension qui flottait entre nous. Arthur battait déjà la neige sous ses pieds avec excitation, tandis que Luna, elle, continuait d’observer la scène avec son regard perçant. Je pris une inspiration, repoussant la vague de souvenirs qui menaçait de m’engloutir. Ce n’était pas le moment de me perdre dans le passé.

— On devrait y aller, déclarai-je finalement. Les enfants ont hâte de goûter aux gaufres du village.

Gabriel hocha la tête, un sourire ironique au bord des lèvres.

— Profite bien, alors.

Il n’ajouta rien d’autre, mais son regard resta accroché au mien une fraction de seconde de trop. Comme un au revoir qui n’en était pas vraiment un.

Je restai figée un instant, le cœur encore agité par cette rencontre imprévue. Puis la petite main d’Arthur tira doucement sur ma manche.

— On y va, maman ?

Je baissai les yeux vers lui et lui souris, retrouvant une certaine contenance.

— Oui, mon tigron. On y va.

Je fis un dernier signe de tête et me tournai les talons, sentant son regard me suivre tandis que je m’éloignais, mes pas s’enfonçant dans la neige.

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6 commentaires

Mapetiteplume

-

Il y a 8 jours

Je oense sue ce mensonge va lui retomber sur la tête 😅

Bérengère Ollivier

-

Il y a 7 jours

S'il y avait qu'elle !
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