Fyctia

Jamais je n’avais vu le parc de cette façon. Sous une obscurité naissante, les décorations de Noël s’étaient allumées petite à petit, transformant Main Street en un endroit magique. A droite, l’odeur des marrons chaud m’attire inexorablement alors que, sur ma gauche, une musique emplie de magie parvient à mes oreilles. Au milieu de cet endroit féérique, je me sens revenue en enfance, entourée de mes amis.

Une neige artificielle tombe brusquement, achevant de faire tomber mes dernières barrières. Dans le froid de ce mois de décembre, des larmes gelées glissent sur mes joues.

— Oh, ne me dis pas qu’on a déjà réussi à te faire pleurer ? se moque Bash. Ce n’est que le début, pourtant.

Les mondes merveilleux se succèdent, m’entrainant dans mon imaginaire, dans une enfance qui n’a jamais été aussi heureuse que ce moment. Les princesses, les chevaliers et les dragons, cèdent la place à un monde peuplé d’aventuriers et de pirates. Dans la file d’attente, Bastien se colle à moi, visiblement content de l’effet que sa surprise produit sur moi. Dans mon dos, je peux sentir le regard appuyé d’Antoine sur moi. Sa présence me perturbe, autant que la bienveillance qu’il témoigne à mon égard.

Pourtant, je n’ai pas été tendre. Lui griffer le cul en pleine scène, je ne sais pas ce qui m’a pris.

Un bras s’interpose soudainement entre moi et Bash.

— Dans le prochain bateau pour vous, mademoiselle.

Déguisé en pirate, le jeune homme me gratifie d’un sourire sincère. Au loin, Bastien monte déjà dans l’attraction, avant de se rendre compte que je n’ai pas suivi. Surjouant un mélodrame, il me laisse derrière la barrière.

Avec Antoine.

— Tu veux bien de moi à tes côtés ? me demande-t-il d’une voix presque susurrée.

— Pas trop le choix, je survivrai.

Pourquoi suis-je aussi froide et glaciale ? Je devrais peut-être lui laisser une chance.

Antoine lève les paumes en l’air, en signe d’apaisement et laisse le temps s’écouler. Nous nous installons dans un modèle réduit de bateau pirate, sous l’odeur de l’humidité et du chlore. J’adore cet endroit, l’ambiance qui s’en dégage. Alors que les rails emmènent notre convoi vers d’autres mondes, Antoine s’approche de moi.

— C’était ma mère, tu sais.

— Hein ? Ta mère ? De quoi tu parles ?

— Pendant notre visio, la folle que tu as vu débarquer, c’était ma mère.

Devant cette impossibilité, je reste bouche bée.

— Tu te fous de moi ? Tu crois que je vais croire à ça ? Vraiment ?

— Pourtant, c’est la vérité. Tu pourras poser la question à Sam, il l’a rencontré quand il…bref, c’est très compliqué avec ma mère, ça l’a toujours été.

Merde. Il semble sincère.

— Pourquoi tu ne m’as rien dit ?

— Tu m’as laissé l’occasion de le faire ?

Mise devant le fait accompli, je rougis. Et s’il était vraiment sincère ? Si Antoine n’était pas comme tous ces hommes que j’ai pu fréquenter ? Dans ses pupilles, je crois distinguer une lueur de sincérité, d’humanité.

— Je peux te poser une question, Stella ?

— Tu peux. Je ne garantis pas ma réponse.

— Il y a quelque chose entre toi et Gwen ?

— Ça ne te regarde pas.

J’ai répondu du tac au tac, sans vraiment réfléchir. Pourtant, cette question, je me la pose moi-même depuis tant de temps. Depuis notre séparation. Il est étrange qu’un homme que je connais à peine parvienne à me toucher là où ça fait mal. Là où des blessures strient encore mon cœur abimé.

— Il y a eu quelque chose mais…c’est terminé.

— Ce n’est pas l’impression que j’ai eu tout à l’heure.

— Gwen cherche à…et puis, je n’ai pas à me justifier. C’est quoi cet interrogatoire ? Je croyais que tu voulais que l’on discute, que tu voulais apprendre à me connaitre.

— C’est ce que je fais.

— De façon très maladroite, alors.

Pourquoi suis-je tant en colère contre lui ? Je ne comprends pas mes propres réactions.

— Stella, tu me plais.

Cet aveu me transperce. Je reste figée, impassible, surtout incapable de savoir comment réagir.

— Toi…toi aussi.

En ce moment, comme en tant d’autres, je maudis ces mots qui sortent de ma bouche sans que je les ai autorisés.

— Alors on fait quoi ? On continue à se reprocher des choses ou on avance ?

— Je ne sais rien de toi, Antoine. Tu veux que je te fasse confiance, que l’on se découvre, mais je ne sais pas…j’ai tellement été déçue.

— Je comprends. Qu’est-ce que je peux faire pour te convaincre ?

M’embrasser.

— Je…

— Parle-moi, Stella. Je vois la belle personne que tu es, comme je vois tes blessures. Cela résonne en moi, ton sourire, ta voix, ce que tu dégages, c’est comme…enfin, je te trouve différentes. Je suis loin d’être parfait, mais je serai prêt à te prouver ma sincérité, je veux te connaitre. Loin de tout ça…

— Arrête, on se connait à peine, ne promets pas des choses que tu ne tiendras pas.

— Je sais ce que je dis. Je ne vais pas rentrer dans les détails aujourd’hui, c’est ton jour, mais j’ai besoin de belles choses dans ma vie, du moins d’y croire encore…

Sa manie mignonne de se gratter l’arrière de la tête lorsqu’il est pensif. J’adore.

— …On pourrais essayer…, pas de sexe, pas de porno, loin de toutes ces faux semblant. Pas de mensonges.

— OK.

— Comment ça, OK ?

Et si… ? Cela peut être une bonne idée.

— Plus de sexe.

— Comment ça plus de sexe ?

— Si tu veux me montrer à quel point tu es prêt à tout, je te mets au défi : zéro sexe. Plus de tournages pornos, plus de plans culs, ni même de masturbation. Rien qui nous rappelles le boulot.

Rien qui me rappelle qu’au yeux de la plupart des hommes, je ne suis qu’un corps et rien d’autre.

— Pendant combien de temps ?

Ses prunelles brillent dans l’obscurité.

J’aimerais tant nous faire confiance.

— Disons…jusqu’à mon anniversaire, le 4 Janvier.

— Tenu, mais tu dois aussi respecter cette règle. Tous les deux, ensemble, juste nous, sans sexe.

— J’accepte.

Alors que, sous l’œil amusé d’automates vidant une bouteille de rhum, Antoine pose ses lèvres sur ma joue, une seule pensée me traverse l’esprit.

Quelle conne.