Gaïane MILLER NOEL INSOLITE Roissy Charles de Gaulle

Roissy Charles de Gaulle

Le lendemain, deux taxis nous déposent devant le terminal 2 de l’aéroport. Nous sommes en avance. C’est un miracle car avec mes parents et Jordan ce n’était pas gagné. Ma mère est excitée comme une puce et n’arrête pas de parler alors que mon père est aussi calme et zen que Bouddha. Ces deux-là se complètent.


Quant à mon frère, il a le nez plongé sur son smartphone. Je me demande s’il sait où il est. Il nous suit de façon automatique sans se soucier de ce qui se passe autour de lui. Il a quand même saisi la poignée de sa valise que je lui ai mis d’office dans la main. Il peut au moins s’occuper de ses affaires. De mon côté, j’ai deux valises à tirer, un gros sac accroché à mon épaule et un bébé qui dort sur ma poitrine. Mes parents ont chacun deux malles à roulettes.

— Jordan, tu pourrais ranger ce truc s’il te plait ? râle mon père.

— Je réponds à mes potes qui me souhaitent des bonnes vacances.


Nos bagages enregistrés, nous patientons dans la salle d’embarquement et j’en profite pour donner le sein à Enzo. Certains regards réprobateurs me poussent à poser mon chapeau pour cacher le visage de mon fils. Ma mère a vu la scène et, la connaissant, elle ne va pas se gêner pour lui dire ce qu’elle pense. Je tente une diversion :

— Il sera beaucoup plus calme dans l’avion s’il a l’estomac plein.

— Cette mégère fait la grimace en voyant un bébé qui tète mais elle ne se gênera pas pour exhiber sa peau fripée et ses seins aussi plats que des gants de toilette sur une plage. C’est ça une atteinte à la pudeur !

— Calme-toi maman, on s’en fout.

— Tu vas parler à son père dès ton arrivée ? demande-t-elle, sautant du coq à l’âne.

— Je te rappelle que je vais là-bas pour travailler alors je me laisse quelques jours pour évaluer notre collaboration avant d’aborder le côté privé.

— Pour lui, vous allez reprendre une relation professionnelle commencée l’année dernière.

Quant à la relation privée, comment tu crois qu’il va réagir ?


Jusqu’à maintenant, je me suis toujours refusée à y penser mais ma mère vient d’exprimer à haute voix ma plus grande crainte.

— Je… je n’en sais rien maman. J’aviserai le temps venu.

— Tu aurais pu le mettre au courant avant notre départ. Il aurait eu le temps d’encaisser la nouvelle et de se calmer pour que vous puissiez discuter de votre avenir à tous les trois à… armes égales, si je peux formuler ainsi.

— Je ne pouvais quand même pas lui envoyer un texto du genre « Au fait, tu es papa et j’arrive avec ton fils » !

— Non, mais tu…


Le haut-parleur nous interrompt pour annoncer notre vol. Nous nous dirigeons vers la porte deux pour présenter nos papiers à l’hôtesse et pénétrons dans le tunnel vitré qui va nous mener jusque dans l’avion. Derrière moi, j’entends mon père râler.

— Où il est passé cet imbécile ?

— Il a encore le nez dans son portable et n’a pas vu qu’on n’est plus près de lui ! répond ma mère qui lui fait des signes. Jordan ne la voit pas, ce qui fait enrager mon père.

— Je vais lui confisquer son téléphone et le jeter dans les toilettes de l’avion !

— Calme-toi chéri. Regarde, il nous cherche.


Mon père récupère le bras de ma mère qui s’apprêtait à appeler mon frère et l’entraine avec lui.

— Laissons-le se faire du mouron pendant quelques minutes, ça lui fera les pieds. Avançons.


Nous sommes installés sur quatre sièges côte à côte au centre de l'avion. Lorsque Jordan nous rejoint enfin, il est furieux.

— Merci de m’avoir oublié. Sympa !

— Donne-moi ton portable, je dois faire un tour aux toilettes, marmonne mon père, les dents serrées.

— Quoi ? s’exclame mon frère qui ne comprend pas le lien entre son téléphone et les WC.


Comme souvent, ma mère temporise.

— Il va s’occuper comment pendant le voyage. Tu joueras aux cartes avec lui ?

— OK, je capitule, une fois de plus.


Le voyage promet d’être animé avec ces trois-là. Le plus sage de tous est mon petit Enzo qui dort tranquillement contre moi avec un petit sourire au coin des lèvres.


°°°

Douze heures plus tard, nous suffoquons sous la chaleur humide de l’aéroport Roland Garros de Saint-Denis. Dans la file qui s’est formée sur le trottoir, nous attendons notre tour pour prendre le taxi qui nous conduira à la location que mes parents ont réservée.

— Tu as l’adresse exacte pour le chauffeur ?

— Oui nous logerons à… Bourg-Murat.


Je reste sans voix. Pourquoi a-t-elle choisi Bourg-Murat ? Si je me connecte à l’esprit tortueux de ma mère, j’en déduis qu’elle a vu que la Maison du Volcan s’y trouve et que ses services sont en relation étroite avec l’Observatoire. Avec un peu de chance, elle pourrait y croiser Julien et l'aborder. Dans l’immédiat, nous avons un autre problème.

— Avec nos cinq valises, je ne suis pas sûre que nous arrivions à nous caser tous dans un seul taxi.

— Et bien, on en prendra deux. Reste cool ma fille ! recommande mon père.

— Pourquoi tu n’as pas réservé un grand van ici ?

— Parce que j’ai préféré l’agence dans la rue où est notre location. Si on a un souci, ils ne sont pas loin pour les formalités.


°°°

Les deux taxis nous déposent devant une jolie maison dont le toit à quatre pans est typique de l’île. La façade est en planches peintes en blanc et les volets sont gris. Les pièces sont spacieuses et très claires. Jordan est déjà à l’arrière de la maison.

— Regardez-moi cette piscine ! Il y a même un barbecue sur la terrasse couverte. Il y a même des hamacs. Je sens que je vais me plaire ici !

— Il y a trois chambres alors tu prends la plus grande ma chérie. Ton père va y mettre tes valises.

— Ce salon-salle à manger est superbe avec sa cuisine ouverte.

— Cette maison est magnifique, dommage qu’elle ne soit pas à vendre, se lamente mon père. Je signerais tout de suite des deux mains.

— Ne sois pas impatient Bernard. Nous irons faire le tour des agences immobilières. J’ai noté les adresses dans mon calepin.


Mon père saisit l’occasion pour s’éclipser. Le rangement et lui ça fait deux.

— Les fringues, c’est le domaine des femmes alors je vous laisse.

— Lâcheur !

— Je vais récupérer les clés des voitures.

— DES voitures ? répété-je étonnée.

— J’en ai loué une pour toi. Comment tu veux te rendre à l’Observatoire sans voiture ? Et puis de notre côté on sera plus libres pour nous balader.


Une fois de plus, mes parents ont pensé à tout.


°°°




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4 commentaires

Fanfan Dekdes

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Il y a 4 ans

Ah ah ah ils ont vraiment pensé à tout les parents ;) Trop de coïncidences et elle ne voit rien...Ça va être sport!

Isabelle-Marie d'Angèle

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Il y a 4 ans

Oui les parents ont pensé à tout. Je me demande bien comment va tourner cette histoire ! Comment va réagir le papa. A suivre donc !
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