Gaïane MILLER NOEL INSOLITE Au boulot !

Au boulot !

Ce matin, je me prépare pour mon premier jour de travail. Je n’ai pas très bien dormi. Sans doute l’appréhension de retrouver certains collègues. Une personne en particulier. Ma mère se contente de me regarder pendant je déjeune. Les yeux au-dessus de mon bol, je l’observe pour tenter de comprendre ce qui se derrière son front. Elle tartine de beurre sa huitième biscotte. Qui va les manger ? Aucun commentaire ne sort de sa bouche. Pas une parole et c’est très étonnant de la part d’une pipelette comme elle qui ne se gêne jamais pour dire ce qu’elle pense.


En passant le seuil de la maison, j’ai un petit pincement au cœur. Mon fils a passé une bonne nuit et dort encore. La chaleur et le décalage horaire n’ont aucun effet sur lui. J’ai tiré mon lait hier et ce matin et j’ai mis quatre petits biberons dans le frigo. Je donne encore mille consignes à ma mère avant de m’engager dans l’allée.

— File ma grande, tout va bien se passer. Je t’enverrai un message dans la journée, comme ça tu seras rassurée.

— Bonne idée, merci maman. A ce soir.


Ma petite voiture, arrive devant le portail de l’Observatoire. C’est bizarre de me trouver à nouveau devant le grillage vert et revoir ce grand panneau blanc. Je me gare sur le parking du personnel et, dès l’entrée, j’ai la surprise d’être accueillie par des applaudissements nourris et quelques hourras. Mélissa s’accroche à moi en pleurant puis Mathieu me serre à son tour contre lui. C’est si bon de les retrouver en chair et en os.


Dans la salle de briefing, les retrouvailles avec Julien se passent très froidement, comme je l’avais prévu. Je dois me contenter d’un simple bonjour glacial. Mathieu tente de dégeler l’atmosphère.

— Quel bonheur de te revoir et de pouvoir travailler à nouveau ensemble. On a beaucoup de boulot. Julien va t’expliquer ce…


Julien lève la main et secoue la tête de gauche à droite.

— Non, vas-y puisque vous allez faire équipe tous les deux.

— Comment ça ? On ne bosse pas tous les quatre ? demande Mélissa interdite.

— Mathieu sera avec elle et toi tu bosses avec moi. Le but des renforts est de soulager les équipes en se répartissant les tâches sur le terrain.

— De nouveaux renforts sont prévus ?

— Oui, mais pas avant la semaine prochaine alors on se divise.

— C’est toi le chef ! soupire Mélissa.


Je suis soulagée de faire équipe avec Mathieu mais j’ai de la peine pour Mélissa qui aurait bien voulu passer cette première journée avec moi.

— Deux filles ensemble ce n’est pas possible, explique Julien en évitant de me regarder. Il y a eu des éboulements importants ces derniers temps et nous devrons dégager des appareils de mesures et leurs panneaux solaires. Certains blocs de lave doivent être deux ou trois fois plus lourds que vous. Deux femmes n’auront pas assez de forces pour les manipuler et vous ne pouvez pas vous charger avec du matériel supplémentaire.


Résignée, Mélissa admet que Julien a raison.

— Un homme et une femme c’est la bonne équipe. On se retrouvera en fin de journée n’est-ce pas Lucie ?

— Bien sûr !


L’air décontracté qu’affiche mon visage est très loin de refléter le tumulte qui sévit sous mon crâne. Comment lui expliquer que j’aurai hâte de rentrer en fin de journée ? Pour l’instant, personne n’a trouvé bizarre que je ne loge pas sur place mais les questions ne tarderont pas à fuser. Il faut que je me prépare à trouver des réponses qui tiennent la route.


Mathieu conduit avec un air satisfait.

— Nous nous rendons près du cratère Bory. Il y a une station de surveillance GPS qui a été endommagée par des éboulis il y a deux jours. On va dégager un maximum et répertorier les dégâts. Je suis content qu’on se retrouve comme il y a un an.

— Pas tout à fait.

— Oui, c’est vrai mais tu vas pouvoir nous raconter tout ce que tu as fait à Paris pendant un an.

— On s’est parlé chaque semaine alors tu sais déjà tout.

— Ecoute, viens diner avec nous et on pourra parler. Je te trouve différente.

— Comment ça différente ?


Le regard de Mathieu se dirige vers mon tee-shirt, au niveau de ma poitrine qui a pris quelques centimètres de plus.

— Plus belle c'est sûr mais aussi plus épanouie physiquement avec un petit je ne sais quoi dans le regard que tu n’avais pas l’année dernière.

— Tu as l’œil. Pour mon tour de taille, la cuisine de ma mère est la seule coupable.


Comment je peux mentir aussi honteusement à cet homme si droit et honnête ? Je me sens mal et cet état ne va pas s’arranger si je ne trouve pas un moyen de lui parler et aussi à Mélissa. Comment vont-ils réagir quand ils sauront tout ? Ils me tourneront le dos après avoir tout répété à Julien.

— Nous arrivons. N’oublie pas ton sac de survie. Tu as bien pris une bouteille d’eau ?

— Tu veux vérifier ?

— Pas la peine, tu es très pro. On va prendre les pioches et la mallette.


A la pause de midi, je reçois une photo de mon trésor. Ma mère vient de lui donner son biberon et il dort comme un bienheureux avec ses petits poings au-dessus de sa tête. Je souris béatement.

— Une bonne nouvelle ?

— Hein ?

— Tu as le sourire de quelqu’un qui a gagné à la loterie.


Je préfère ne pas répondre. Un mensonge de plus est au-dessus de mes forces.


°°°

La première journée a été épuisante. J’ai transpiré toute la journée et je suis couverte d’une couche noire sur pratiquement tout le corps. Mélissa est déjà rentrée et aucune trace de Julien à l'horizon. Elle propose gentiment :

— Si tu veux prendre une douche avant de partir, je te prête une tenue.

— Non merci, je dois filer. Mes parents m’attendent.

— Tes parents sont venus ? demande Mathieu surpris. Pourquoi tu ne m'as rien dit là-haut ?

— Je ne pensais pas que c'était important. Ils ont loué une maison à Bourg-Murat et je loge avec eux. Mon frère aussi est là.


Dire la vérité pour une fois me procure un bien fou. Je me sens légère mais il faut que je me méfie et ne pas lâcher un mot concernant mon fils.


— C’est génial, j’espère qu’on pourra les rencontrer un jour. Ecoute Lucie, tu vas salir le siège de ta voiture alors accepte la proposition de Mélissa.


N’ayant aucun argument valable pour refuser, j’accompagne Mélissa et récupère les vêtements avant de me rendre dans les douches communes. Je ne regrette pas car dès que l’eau tiède coule sur mes cheveux, je me sens revivre. Alors que je suis couverte de mousse, l’eau s’arrête. Je manipule les robinets. Rien, pas une goutte. Je tends le bras pour saisir le drap de bain mais une main attrape mon poignet. Je hurle et découvre… Julien ! Son regard fiévreux me fait peur.

— Lâche-moi !

— Lucie, tu es encore plus belle que dans mes souvenirs. Tes courbes sont plus... généreuses. Tu as un peu grossi non ? Ta poitrine me semble plus…

— Laisse-moi. Julien. Lâche-moi, s’il te plaît.


Le regard perdu dans le vague, il ne semble pas m’avoir entendue. J’ai une petite idée de ses pensées.

— Excuse-moi, finit-il par répondre en secouant la tête. Un souvenir…

— Il n’y a plus d’eau et je voudrais me rincer.

— J’ouvre la vanne. A demain.



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12 commentaires

Lily Riding

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Il y a 4 ans

ça lui arrive souvent de se pointer dans les douches pour épier une femme et lui choper le poignet comme ça ?? une petite leçon sur le consentement s'impose à ce monsieur ^^

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 ans

Lucie est une menteuse de haut vol. Comment arrive t'elle à cacher un évènement pareil. Il faut vraiment qu'elle pense à tout.

Fanfan Dekdes

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Il y a 4 ans

Aaaaaah. Mais le pauvre Julien x) Il a le droit de savoir ! T’es pas marrante Gaïane.....

Gaïane MILLER

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Il y a 4 ans

Il ne saura pas tout de suite hélas et ton impatience ne sera pas récompensée. Désolée !

Fanfan Dekdes

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Il y a 4 ans

Sadique x)
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