Fyctia
J'ai à vous parler
Trois coups toqués à ma porte me réveillent en sursaut.
- Laïa, Laïa c'est moi. Ouvre s'il te plaît.
Je reconnais la voix d'Ethan, bel et bien éveillé. Je saute hors du lit et trotte jusqu'à ma porte. Après un coup d’œil au judas je l'ouvre en grand, lui permettant d'entrer. Je la referme derrière lui et vais m'asseoir sur le lit où il m'attend, la tête entre les mains.
- Pardonne moi, dit-il.
- Pour quoi ?
- Pour tout à l'heure je suppose … pour t'avoir laissé tomber. Pour tout. J'en sais rien, pardonne moi c'est tout.
Je me mets à arracher les petites peaux autour de mon pouce, signe de mon anxiété.
- J'aurai tellement voulu que tu ne partes pas …, dis-je, on aurait pu vivre tant d'autre choses … tout se serait bien passé.
- Tu sais Laïa j'étais bien avec toi. Vraiment.
Je secoue la tête.
- Mais j'en ai rien à faire moi que tu étais bien avec moi ! Je voulais que tu sois avec moi c'est tout ! Tout le reste là, tes petits arrangements avec ta conscience, tu peux te les garder pour une autre.
C'est plus fort que moi. Ethan s'excuse et moi je finis irrémédiablement par m'en vouloir de lui balancer des trucs comme ça à la figure. Et pourtant j'en ai bien le droit, non ?
- Excuse moi.
Il relève la tête et la tourne dans ma direction.
- Tu n'as pas à t'excuser.
- Si, tu avais raison tout à l'heure, je n'agis pas bien avec toi. Je m'en veux d'être aussi mesquine mais quand t'es là … ça me rend dingue.
- Et c'est positif, ça ?
- Je sais pas Ethan. J'ai envie de te montrer à quel point je suis contente que tu sois là, mais il y a un côté de moi qui … qui t'en veux beaucoup.
- Tu es contente que je sois là ?
La pointe d'espoir dans sa voix me fissure le cœur et comme je ne réponds pas, il tombe à genoux devant moi et encercle mes jambes de ses bras.
- Je ne veux pas que tu me déteste, s'étrangle t-il, j'ai jamais voulu ça …
Son désarroi me fend le cœur. J'avais prévu de feindre l'indifférence mais c'est un échec total et mémorable. Comment le regarder de haut alors qu'il vient de m'ouvrir son cœur ? Et d'abattre ses cartes ?
- Je ne te détestes pas, loin de là. Mais j'aimerai être normale … j'aurai voulu guérir de toi ! Réussir à aimer un mec comme Zac, être bien avec lui.
- Et pas un mec comme moi, murmure t-il.
- Mais j'aime le mec que tu es et j'y peux rien.
Il se relève d'un bond, prend ma main et m'incite à en faire de même. Du bout du pouce je parcours sa peau chaude et passe sur les reliefs de ses cicatrices.
- Dis moi ce que tu veux que je fasse Laïa, et je le ferais. Je te le jure, je ferai n'importe quoi. Parle moi, je t'écoute, je suis prêt à tout.
- On peut redevenir amis comme avant, dis-je sans réfléchir.
Il lâche ma main presque aussitôt et cherche mon regard. Mais je suis bien incapable de lever les yeux sur lui.
Je songe alors qu'il est dommage qu'il n'existe pas une sorte de stylo magique qui nous servirait à effacer les paroles maladroites juste avant que l'autre ne puisse les entendre. Il suffirait de l'agiter dans l'air, au-dessus de soi, et la personne en face n'aurait rien entendue.
Mais ça n'est pas le cas.
- Je vais rentrer.
- Tu peux rester …
- Je ne dors pas avec mes amis.
Sans un mot il quitte la pièce et me laisse seule avec des remords qui commencent déjà à me submerger.
Amis … comme si je pouvais guérir de lui !
ETHAN
Je ne prends même pas ma voiture et marche jusqu'à la plage, sans dessus dessous. Amis ! Elle veut qu'on soit amis ! Comme si je pouvais devenir son bon pote qui la conseillerait sur la méthode à adopter quand un garçon lui plaît. Jamais de la vie je ne tiendrai ce rôle. Qu'on me traite d'égoïste, c'est sûrement ce que je suis, au fond, mais je ne serais pas ce mec là.
Je me laisse tomber sur le sable à quelques centimètres de l'eau et laisse les vagues noires venir lécher mes baskets. Il faut que je lui laisse du temps. Ça ira peut-être mieux, après.
Dans mon esprit germe la certitude que peut-être tout est finit. Elle vient sûrement de se rendre compte qu'elle n'a plus de sentiments pour moi. Que le mec que je suis la débecte. Que je ne suis pas quelqu'un pour elle.
Et a t-elle tort ?
Non. Je ne suis pas un homme pour elle.
Mais elle est la femme qu'il me faut.
Et je peux changer.
Je le veux, maintenant.
LAIA
Quand je me réveille ce matin je me rappelle encore une fois à quel point j'ai merdé la veille. Je tends le bras vers la table de chevet et attrape mon téléphone. Aucun message. Je soupire et le jette sur le lit. Aujourd'hui je dois annoncer la nouvelle aux parents. Cette journée éloignée d'Ethan me permettra peut-être de me remettre les idées en place et de trouver quel tournant donner à notre relation. Je me lève et me passe les premiers vêtements que j'ai sous la main. Je me brosse les dents et me coiffe rapidement, attrape mon sac à main et mon téléphone et je m'en vais. Sur le chemin, j'écris un SMS à mon frère :
Coucou, je vais chez les parents, rejoins nous si tu peux,
j'ai à vous parler. Bisous
Voilà, c'est fait. Suffisamment court et évasif pour piquer sa curiosité mais aussi gentil et pas inquiétant pour deux sous. Une demie heure plus tard je toque deux coups à la porte et entre. Mes parents s'affairent dans la cuisine pour préparer le déjeuner. En me voyant, mon père s'essuie les mains et jette son torchon sur son épaule puis vient me prendre dans ses bras.
- Bonjour mon bébé … je n'ai pas entendu ta voiture se garer devant la maison.
Je me pince les lèvres pendant que je l'étreins brièvement.
- C'est parce que je suis venue à pied, papa.
Je le lâche et me tourne vers ma mère pour l'enlacer à son tour.
- A pied ? s'étonne t-il.
Ça y est, c'est partit.
Je me tourne vers lui, il hausse un sourcil.
- On peut aller s'asseoir au salon ? je demande, j'aimerai vous parler.
- Oh. Bien.
Nous sommes dans l'entrée lorsque la porte s'ouvre sur mon jumeau. A la façon dont il me regarde et dont il omet de m'embrasser, je comprends qu'il est furax et qu'il a dû avoir vent de ma petite escapade à l'hôtel.
- Lukas ! Ta sœur allait justement nous parler.
- Je tombe à pic, alors.
Je l'ignore lorsqu'il me fusille du regard. Nous nous asseyons sur les canapés, les uns en face des autres. Mes parents me regardent comme s'ils s'attendaient à ce que je leur annonce ma grossesse.
- On t'écoute, chérie, m'enjoins doucement mon père.
Je déglutis en espérant que la conversation ne sera pas trop pénible.
- J'ai quitté Zac.
Et voilà, le plus gros de l'histoire est dit.
Trois paires d'yeux s'écarquillent, mais avant que chacun y aille de son opinion je décide de continuer ...
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