LolaB Ne plus jamais te dire au revoir Est-ce que tu me détestes ?

Est-ce que tu me détestes ?

Lorsqu'Ethan toque à ma porte à dix neuf heures pétante, je suis tout juste prête. J'ai passé l'après-midi à cogiter, à m'infliger des séances d'auto-flagellation. Je me suis repassé ses paroles en boucle dans ma tête et je les ai même écrites pour bien m'en souvenir. Peut-être qu'un jour ces paroles deviendront d'heureux souvenirs, qui sait.

Mon sac sur l'épaule, je lui ouvre et me faufile directement en dehors de la chambre. Il porte une chemise blanche dont les deux premiers boutons sont ouverts sur un pantalon noir. Il me prend doucement la main, la presse subrepticement et dépose un baiser sur ma joue.

- Tu es très jolie, me dit-il respectueusement.

Deux hommes apparaissent au bout du couloir alors que nous avons commencé à avancer. Sûrement un peu éméchés, ils me jettent des coups d’œil déplaisants et l'un d'eux tente même un clin d’œil. Ethan se tend à côté de moi mais ne dit pas un mot. Soudain l'atmosphère change totalement. Le Ethan timide a laissé sa place à celui gonflé d'assurance. Les deux hommes nous dépassent et Ethan les fixe d'un œil mauvais. Tout son corps n'est que tension tandis qu'il va même jusqu'à se retourner pour continuer de les fixer sans dire un mot. Comme je continue de marcher doucement pour rejoindre la sortie, il me rejoint au petit trot et nous marchons en silence jusqu'à la plage, sans parler une seule fois de l'altercation qui a failli avoir lieu.

Nous longeons les bars bruyants et nous arrêtons dans un restaurant qui flamboie par ses lumières. Nous nous asseyons l'un en face de l'autre et nous contemplons avec pudeur. J'ai l'impression de revenir aux prémices de notre relation. Il se lève et repousse sa chaise.

- Je vais nous commander quelque chose. Ne bouge pas.

A peine est-il partit qu'un homme, plutôt grand – au moins une tête de plus qu'Ethan – se présente à notre table. Il pose ses mains à plat devant moi et lorgne sur mon léger décolleté.

- Bonsoir mademoiselle … vous êtes charmante.

Je suis bien consciente qu'Ethan ne va pas tarder à revenir. Je ne sais pas ce qui me prend et contre toute attente, je ne l'envoie pas bouler.

- Merci. Je vous retourne le compliment.

Il me tend la main.

Je veux qu'Ethan soit jaloux pour moi.

- John.

- Laïa.

Un peu plus loin je l'aperçois, deux verres à la main, un masque sévère sur le visage.

- Si je vous donne mon numéro, vous le prenez ?

- Évidemment.

Il sort un stylo de sa poche arrière et griffonne une série de chiffres sur mon menu en papier. D'un coup, les verres claquent sur la table.

- Je vous dérange ?

Le type nous regarde tour à tour.

- C'est euh … ton … ton copain ?

Je secoue la tête et efface ses paroles d'un geste évasif de la main. L'homme ne paraît plus du tout sûr de lui.

- C'est un ami, dis-je, mon meilleur ami.

Un instant je crois qu'Ethan va tout envoyer valser mais à la place il ne bouge pas d'un poil et ne dit rien. Même pas une petite menace ne sort de sa bouche.

Ressent-il ce sentiment ? Sait-il ce que ça fait d'être relégué au rang de « meilleur ami » quand on aspire à bien plus ?

Comprend-il ce que ça fait, maintenant, de perdre toute sa légitimité face à une tierce personne ?

Et le pincement au cœur, l'a t-il ?

- Ah, j'ai eu peur. Allez, appelle-moi.

J'acquiesce et il s'en va. Ce genre de coup bas ne me ressemble pas mais pourtant … je l'ai fais. Je ne sais plus où j'en suis, je n'arrive pas à réconcilier deux aspects de ma personnalité, celui qui veut lui rendre la monnaie de sa pièce et l'autre qui veut lui sauter dans les bras.

Ethan fait glisser mon verre sur la table.

- Bois.

J'obtempère et porte le liquide à ma bouche. La brûlure qui descend le long de ma gorge m'arrache un juron.

- Putain mais c'est quoi ça !

- Au début, j'avais prévu de te prendre un cocktail de fruit de la passion, et puis je t'ai vu avec ce blaireau alors je me suis dis que si je voulais te foutre dans mon lit avant lui il vaudrait mieux que je te soûle !

Il avale son verre d'un trait et s'en va dans la nuit. Sans attendre je pars à sa poursuite.

- Non mais t'es malade ou quoi ! je crie.

Il se tourne brusquement vers moi. Je ne peux pas croire que nous sommes encore en train de nous crier dessus.

- Est-ce que tu me détestes, Laïa ?

Sa question me coupe l'herbe sous le pied et je m'adoucis instantanément.

- Je euh … je … non. Non je te détestes pas.

Il avance vers moi.

- Parce que c'est bien l'impression que tu me donnes, pourtant. Je sais que j'ai fais des erreurs, beaucoup d'erreurs, mais depuis que je suis revenu parfois il t'arrive d'agir comme si tu me haïssais !

Je ne réponds rien, consciente de la tonne de remarques perfides qui est sortie de ma bouche. Il continue de se diriger vers moi, jusqu'à ne plus se retrouver qu'à quelques centimètres.

- Tu sais quoi Laïa, je vais te dire une chose. Que tu m'aimes ou que tu me détestes … peu m'importe ! Si tu m'aimes je serai toujours dans ton cœur, et si tu me détestes … je serai toujours dans ta tête. Shakespeare, c'est ça ?

Il n'attend aucune réponse et s'en va, me laissant seule avec moi-même. Je déglutis.

Comment suis-je tombée amoureuse de ce garçon déjà ? Ah oui, ça s'est passé en un clin d’œil. J'ai manqué de vigilance.


* * *


Je rentre à mon hôtel en traînant des pieds. Le rejeter est bien plus facile que de le laisser à nouveau entrer dans mon cœur … et choisir la facilité est ce que je fais de mieux. Je fais tout pour ne pas avoir à affronter ce que je ressens.

Je vais m'allonger sur mon lit, mains croisées derrière ma tête. Je ne veux pas souffrir à nouveau et même si tente de me persuader que la présence d'Ethan me révolte, c'est tout le contraire. Je suis bien faible au fond.

Revoir Ethan est le rêve qui m'a permit de me sentir vivante durant toutes ces années mais à présent je suis bien trop têtue et apeurée pour me laisser aller totalement. Comme j'ai pu le faire avant. Et pourtant qu'est-ce que j'en ai envie …

Il y a quatre ans j'ai laissé Ethan entrer dans ma vie et dans mon cœur, persuadée que nos vies étaient intimement liées. Et pourtant elles se sont désunies à une telle vitesse …

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