Fyctia
Irremplacable
ETHAN
J'ai envie de hurler. De hurler aux murs, aux passants : « Bon Dieu Zac, es-tu aussi stupide que je le pense ? ». Laïa est malheureuse. Ça se voit sur ses traits, sur le sourire qu'elle se bat pour afficher. Dès l'instant où elle finit de parler, je formule une promesse en mon for intérieur. A mon tour, je me battrai pour la revoir sourire. Un de ces sourires qui m'ont conquit, qui m'ont donné de l'espoir. Vrai, beau, sincère, téméraire.
LAIA
En rentrant à l'hôtel je m'empresse de me déshabiller et d'aller sous la douche. Il faut que je me décape de tous les souvenirs qui m'ont envahies depuis qu'il est revenu. A l'intérieur je souffle sans arrêt le chaud et le froid. Je suis tellement heureuse de le voir, mais je ne peux pas lui montrer. Je ne dois pas lui montrer. Pas maintenant. Mais de tous les moments de ma journée, voir Ethan est celui que je préfère. Ça n'a pas changé.
Je sors de la douche une longue demie heure plus tard, pas plus lavée de mes envies que tout à l'heure. Au moins, j'aurais essayé. A peine ai-je finis de me rhabiller que l'on toque à la porte. J'enlève la serviette en turban dans mes cheveux, les secoue de part et d'autre et vais ouvrir. C'est Ethan. Il entre dans la pièce à grand pas sans dire un mot et va se planter au milieu, juste devant le lit.
- Il faut que tu comprennes, dit-il, je sais que j'ai souvent eu un comportement nul avec toi, avant. Mais toi tu as fait ressortir ce qu'il y avait de mieux en moi ! Et on le sait tous les deux. J'ai été cruel et méchant, et très con, mais je savais pas faire autrement ! Apprécier quelqu'un, me confier, être bien avec une personne … avoir envie de la voir, de passer du temps avec elle, de la protéger. Sentiments possessifs, jalousies … j'avais jamais connu tout ça moi, avant. Et je voulais pas changer, faire des efforts pour être autrement. Jusqu'à toi. Jusqu'à ce que je te connaisse. Jusqu'à maintenant.
Je ne réponds rien, pas un mot. J'ai le droit d'être en colère après tout ce temps, non ? Et de l'exprimer.
Il m'a abandonnée ! Il m'a brisé le cœur. Toute cette douleur … à certains moments je pensais ne pas réussir à la supporter.
- Je n'ai rien dis mais j'étais terrifié à l'idée qu'un homme te touche. Dans tous les sens du terme, précise t-il, à l'idée que tu me remplaces. J'y pensais tout le temps et ça me rendait malade. Mais je croyais que partir était la meilleure décision à prendre pour que tu vives la vie que tu voulais. Sans un boulet comme moi à tes pieds.
- Petit un, tu n'es pas remplaçable Ethan. Et ensuite, tu crois que je n'ai pas eu peur de la même chose ? Pendant quatre ans j'ai pas arrêté de me demander ce que j'aurais dû faire pour te garder ! Pour que tu restes avec moi. Je t'ai imaginé avec des centaines de filles et j'en suis même arrivé à penser que j'aurai dû changer pour toi, pour te plaire !
- Mais je n'ai jamais voulu personne d'autre que toi !
- Mais comment voulais-tu que je le sache ? Je t'ai dis que je t'aimais, Ethan, que je T'AIMAIS. Et tu m'as dis de partir. De m'en aller. De dégager. Et tu m'as plus jamais contacté. Peut-être que si tu avais essayé, juste essayé, je n'aurai pas vécu cet enfer pendant quatre ans ! Un simple SMS aurait suffit.
- Mais je t'ai dis pourquoi j'étais partis …
Je lève une main pour l'interrompre.
- Tu avais peut-être de bonnes raisons de partir, mais tu n'es pas le seul que tes décisions ont touché. Notre … nous deux, je me corrige, ça n'a rien de simple. Je ne sais même pas ce qu'on est. Tu n'es pas rentré depuis une semaine, laisse moi le temps de digérer tout ça.
Je ne lui laisse pas le temps de me répondre et retourne dans la salle de bain.
Quelques minutes passent puis Ethan toque trois petits coups hésitants à la porte qui me font sursauter.
- Quoi ? je demande, la voix tremblante.
- On pourrait aller boire un verre ce soir, qu'est-ce que tu en dis ?
Sa voix est tellement timide et hésitante que je pourrai ne pas le reconnaître. Où est passé le garçon plein d'assurance et d'arrogance ? Le tombeur de ces dames ?
- D'accord, je marmonne, à quelle heure ?
- Je passe te prendre à dix neuf heures.
- D'accord.
Un silence s'installe et je me tourne vers la porte que je regarde fixement. Ethan est là et je peine encore à le croire. Je pose ma main droite à plat sur la porte et des tas de souvenirs traversent mon esprit. Mais aujourd'hui ils ne sont plus pénibles, au contraire il me mettent du baume au cœur. Et je comprends alors qu'ils ont servis à entretenir ce lien durant toutes ces années, mêmes lorsque nous étions séparés, même lorsque nous ne nous parlions pas. Même lorsqu'Ethan n'était plus qu'une pensée persistante et douloureuse.
ETHAN
Laïa. Ce prénom m'enveloppe dans un cocon doux et rassurant et fait taire pour un instant tous les cris dans ma tête. Elle est juste là, derrière cette porte. Elle est là mais elle ne parle pas. Je n'entends même pas sa respiration. Et pourtant sa présence irradie une telle puissance que je la ressens dans tout mon corps.
Je pose ma main gauche à plat sur la porte, attendant quelque chose. Une parole. Un geste. N'importe quoi.
Mais elle ne bouge pas. Et moi non plus.
Je voudrai tellement lui expliquer encore les raisons de mon départ. Je voudrai tellement qu'elle comprenne que je n'ai jamais voulu la rendre malheureuse, bien au contraire.
Je n'avais jamais pensé que mon absence puisse à ce point la toucher.
Je n'avais jamais pensé que ma présence puisse être à ce point importante pour elle.
Si seulement je pouvais revenir en arrière.
L'entendre à nouveau prononcer ces paroles : « je crois que je suis amoureuse de toi, Ethan ». La regarder, la toucher, l'embrasser. Et lui dire : « moi aussi je t'aime, Laïa. Et je ne t'abandonnerai jamais ».
LAIA
De longues minutes s'écoulent pendant lesquelles je pense abondamment et me demande si lui aussi. Puis je l'entends renifler et je devine qu'il secoue la tête de gauche à droite. La porte a un léger mouvement de recul puis se fige à nouveau.
- Je vais … euh … te laisser.
J'éloigne brusquement ma main de la porte pour la poser sur la poignée et l'ouvrir.
La tête penchée sur l'épaule, une main derrière sa nuque, ses biceps saillants sous son tee-shirt, Ethan me regarde comme s'il avait peur que je le fasse dégager à grands coups de pieds dans le derrière. A la place je tente un sourire farouche et fais de mon mieux pour le regarder et ne pas le mater. Il est beau à couper le souffle.
- Alors euh … à ce soir …, je bafouille.
- A ce soir Laïa.
Il me rend mon sourire et s'en va, les mains dans les poches.
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