Fyctia
Il est en ville ?
- Tu me fais peur.
- Ce n'est rien de grave, ne t'inquiète pas. Mais assieds-toi quand même.
- Ce sont pas les parents ?
- Non, rien qui ne concerne notre famille.
J'obtempère et me mets près de lui.
- Est-ce que tu te rappelles d'Ethan ?
Sa question me prend totalement au dépourvue si bien que je reste abasourdie. Mon frère n'avait pas évoqué son prénom une seule fois durant ces dernières années, et tout le monde l'avait imité. A croire qu'Ethan n'avait jamais fait partie de ma vie. Qu'il n'avait jamais existé.
- Oui …, je dis doucement.
Il inspire un grand coup et évite mon regard.
Mon frère n'évite jamais le regard de qui que ce soit.
- Mon téléphone a sonné, ce matin.
- Ce sont des choses qui arrivent, je dis d'un air rieur pour détendre l'atmosphère.
Mais ça ne fonctionne pas car ma remarque ne lui arrache même pas un sourire.
- C'était un numéro inconnu mais pas masqué. J'ai répondu. Et c'était Ethan.
Tous mes traits se figent et mon rythme cardiaque double en intensité.
- C'est impossible, j'articule, Ethan est … partit. Tu sais ? Ça fait quatre ans.
- Il s'est excusé de me déranger et m'a demandé si tu habitais toujours en ville. Putain je savais pas quoi dire Laïa … je lui ai dis que je ne parlerai pas de toi avec lui. Il m'a demandé ton numéro pour te joindre. Je lui ai donné ton fixe. Je sais pas si il le fera mais … il fallait que je te le dise. J'ai noté son numéro sur un bout de papier. Le voilà.
Le papier est froissé et plié en deux, me cachant de fait le numéro. Mon cœur bat la chamade et je la ressens à nouveau ; cette excitation qui précède le moment où je vais le voir. Ou je peux le voir.
De longues secondes silencieuses défilent pendant lesquelles je tente d'assimiler ce que j'ai entendu.
- Il est en ville ?
Ma voix n'a plus rien de celle, sûre et arrogante, que j'ai utilisée face à Daymon. A présent j'ai l'impression d'être une petite fille effrayée.
Mon jumeau hoche la tête.
- Mais qu'est-ce que … qu'est-ce qu'il me veut ?
- J'en sais rien, avoue t-il, il voulait juste te joindre. Tu n'es pas obligée de lui dire quoi que ce soit, d'accord. C'est lui qui est partit. Tu ne lui dois rien du tout.
J'acquiesce vaguement puis me lève en serrant mon sac contre moi.
- Je dois y aller.
- Où ça ?
- Je rentre.
J'active le pas jusqu'à sortir de son appartement. Dehors la pluie vient de se mettre à tomber et un ciel gris surplombe la ville. Une fois à l'intérieur de l'habitacle je serre mes mains autour du volant en fixant le compteur de vitesse. Le papier sur lequel est écrit le numéro d'Ethan dépasse de la jointure de mes phalanges. Tout s'est passé si vite … il y a une heure encore je pensais à lui, persuadée de ne plus jamais pouvoir le revoir. Et à présent je tiens entre mes doigts le ticket de sortie de cet enfer qu'est la vie sans lui.
Pourquoi a-il cherché à me joindre ? Que me veut-il ?
Des souvenirs pénibles traversent mon esprit : notre soirée sur la plage, à regarder la lune, nos balades à moto.Son regard sombre et sexy. Nos mains qui se tiennent. Sa douceur, son humeur ...
Quatre ans plus tôt ...
- Il faut que je te dise quelque chose …, murmura t-il.
Je me frottai vigoureusement les yeux. Un peu plus et je m'endormais là, au creux de ses bras sur la plage.
- Je t'écoute.
Alors que je somnolai, lui était parfaitement éveillé et je pouvais entendre les rouages de son cerveau fonctionner à mille à l'heure.
- Tout à l'heure quand j'ai frappé Cyril …
Il inspira profondément et glissa sa main gauche dans mes cheveux.
- Je ne l'ai pas fais pour une bonne raison.
Le souffle court, je ne bougeai pas d'un poil, peu sûre d'avoir envie d'entendre la suite.
- J'aurai dû le frapper parce qu'il te faisait des vannes vraiment pourries et qui te mettaient mal à l'aise … parce qu'il était irrespectueux envers toi. Mais moi je l'ai frappé parce qu'il a dit qu'il voulait coucher avec toi … je n'ai pas supporté de l'entendre dire ça.
Je ne pu retenir un sourire sur mes lèvres, touchée et flattée par ce que je venais d'entendre. Je ne savais pas exactement ce qu'il ressentait, mais n'était-ce pas la preuve qu'il était jaloux ?
Je voulais y croire.
- Tu me pardonnes ?
Il continua de caresser mes cheveux, d'entortiller des mèches autour de ses doigts. Son visage était si proche du mien … je perdais la raison quand il était là.
Je me retournai doucement, veillant à ce qu'il ne change pas de position et à ce qu'il comprenne que je ne voulais pas me lever. Je voulais autre chose.
- Évidemment, soufflai-je en arrimant son regard au mien.
Non, non, non.
Je ne peux pas me permettre de m'emballer, pas après la déception que ça a été de le perdre. Et puis d'abord de quel droit appelle t-il mon frère comme ça ? Comment peut-il débarquer dans ma vie après tout ce temps ? Il m'a ignoré. N'a jamais cherché à me joindre.
Dans un accès de colère je froisse le papier et le jette par la fenêtre. Là je démarre en trombe et me hasarde sur la route, roulant suffisamment vite pour essayer de ne pas éprouver de regrets. Me battant contre l'envie furieuse de faire demi-tour.
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