Fyctia
Il ne te mérite pas
Une seconde plus tard il a écarté ses mains, paumes faces à moi. La surprise est peinte sur son visage.
- Owen ! j'appelle.
En deux enjambées il est devant moi et déverse une rasade de Vodka Tonic dans mon verre. Je le porte à mes lèvres et le bois d'un trait, sans lâcher du regard l'autre traître. L'alcool brûle ma gorge et je retiens une grimace. Comment a t-il pu me faire ça ?
- Tu devrais arrêter de te faire du mal comme ça, dit Owen en me cachant la vue.
- Tu devrais m'aider à le rendre jaloux au lieu de me donner des leçons, je rétorque.
Il jette un torchon sur son épaule, se penche vers moi et ses joues s'étirent en un large sourire excessivement charmant.
- Tu es trop jeune pour moi, princesse.
Je ne baisse pas le regard.
- Et toi, trop vieux. Mais un baiser, c'est pas une demande en mariage.
Il s'accoude au bar, s'incline toujours plus vers moi, puis fixe un point derrière mon épaule.
- Ton frère nous regarde.
Je jette un coup d’œil derrière lui.
- L'homme que j'aime nous regarde.
Ses yeux reviennent à moi, il sourit.
- Toi, tu sais ce que tu veux.
- Je veux qu'il ai mal comme j'ai mal à cet instant.
Il se penche vers moi et ferme les yeux. J'entrouvre la bouche et accueille la sienne avec un sentiment de vengeance largement visible.
Plusieurs secondes et un langoureux baiser plus tard, Owen s'éloigne de moi, secoue la tête en prenant un air amusé et se dirige vers des clientes un peu plus loin. Ethan et sa pimbêche ont disparus. Je me penche par-dessus le bar, attrape une bouteille et me verse un nouveau verre lorsque deux mains se posent de part et d'autre de mon corps. Une chaleur familière m'entoure, me caresse, m'enveloppe. Je retiens un frémissement.
- Je te ramène chez toi.
Je fais tournoyer le liquide ambré dans mon verre puis le porte à ma bouche. Je renverse la tête en arrière, touche son épaule. Il ne bouge pas d'un centimètre.
- J'attends quelqu'un, dis-je.
- Ton barman ?
Comme s'il nous avait entendu, Owen se tourne vers moi et me fait un clin d’œil. Les doigts d'Ethan se contractent sur le comptoir.
- Oui, mon barman.
Il se penche plus vers moi, effleure mon oreille de ses lèvres.
- Il ne te mérite pas, souffle t-il.
Son souffle est chaud, sensuel et éveille en moi un désir puissant. Ses mains disparaissent et lorsque je me retourne, son ombre s'efface déjà à travers la foule. Énervée, je saute de mon tabouret et m'insinue entre les gens pour le rattraper. La porte vitrée du bar vient tout juste de claquer derrière lui. Ethan est là, dehors, dos à moi, et fume une cigarette. Il ne semble pas un poil en colère.
Je rouvre la porte avec brutalité et me mets à descendre les marches du mieux que je le peux.
- Non mais t'es malade ! je crie. Pour qui tu te prends, Ethan ?!
Il se tourne lentement vers moi et jette sa cigarette au sol.
- Je me prends pour un mec qui en a marre que tu lui envoies des tas de signaux contradictoires !
Le colère ne fait qu'un tour dans mes veines tandis que les piétons se retournent sur nous en entendant sa voix tonnante.
- Dixit celui que je retrouve collé à une poupée gonflable dans un bar !
- Bordel Laïa, j'en ai marre de ton comportement ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Que je ne dise rien lorsqu'un homme pose la main sur la femme que j'aime ?!
Il avance vers moi.
- J'ai essayé de faire des efforts ! Mais si tu veux que je redevienne le gros con colérique que j'étais avant, alors pas de problèmes ! Et tu sais ce que je vais faire ?
Je retiens ma respiration en le fixant.
- Tous ceux qui ont pu te toucher, ou même t'effleurer, je vais les retrouver, et leur casser la gueule. C'est ça que tu veux ? Te voir l'embrasser … c'est pire que tout ce que j'ai jamais connu de ma putain vie !
Je fais un pas en avant et les larmes menacent d'affluer. Je serre les poings et finalement le pousse un peu brutalement, le forçant à faire un pas en arrière.
- Tu sais ce qui était le pire ? je crie, le pire c'était de t'avouer mes sentiments et de sentir que tu m'échappais quand même ! Le pire c'était que j'étais en train de te perdre et que j'étais incapable d'empêcher ça d'arriver ! Le pire, c'était de voir que tu t'éloignais de moi et que visiblement il n'y avait qu'à moi que ça faisait du mal !
Je hurle mes dernières phrases, bouleversée, secouée, au bord de la crise de nerfs. Et voilà, on est encore une fois en train de se crier dessus. Une veine affleure sur son front, celle qui apparaît lors de ses grosses colères.
- C'est qui cette fille, Ethan ?
Ses épaules se relâchent tandis que peu à peu, ses paroles font surface dans mon esprit. La femme que j'aime …
Je cesse de respirer, le souffle suspendu quelque part entre mon cœur et ma tête.
- Ce matin tu m'as dis que tu allais rejoindre un homme alors j'ai … merde. Je viens juste de comprendre.
Ces mots, j'ai rêvé de les entendre, de les sentir, de m'en repaître.
- Tu as dis … la femme que j'aime ?
En répétant ses paroles je sens l'orage qui gronde en moi se calmer et mes larmes se tarir.
Il se rapproche de moi, laissant simplement la même barrière invisible nous séparer.
- Et si je l'avais dis … et si je le pensais ?
Son souffle mentholé glisse sur mon visage, me revigore. Et d'un coup, lorsqu'on s'y attend le moins, le monde se remet à l'endroit et pour la seconde fois de ma vie, je tombe amoureuse de cet homme. La magie opère, la barrière se brise, rendant l'espace entre nous plus infime que jamais. Dans une même impulsion, nos bouches s'élancent l'une vers l'autre et se goûtent enfin. Mes mains s'enroulent autour de sa nuque presque brutalement, caressent ses cheveux, les choient. Je lui rends son baiser avec une ferveur égale à la sienne.
Ce baiser je l'ai tellement rêvé … j'ai voulu m'y noyer tellement de fois. Ethan s'éloigne de moi un peu, me tient à distance, me forçant à lâcher ses lèvres si douces et merveilleuses. Un gémissement s'échappe de ma gorge et je fonds en larmes. Il m'attire tout contre lui et me serre avec force, à m'en étouffer. Il ne me laisse pas le temps de réfléchir, de parler, ou de m'enfuir. Mais je ne veux pas m'enfuir. Je veux sentir. Sentir et goûter.
Son cœur bat par à coups désordonnés, ses mains se perdent dans mes cheveux.
- Je dois te parler … attends … ne pleure pas, bébé …
Ses yeux cherchent les miens, les trouvent. Enfin. Je suis à lui.
- Laïa … je sais que je ne t'ai pas toujours aimé autant que je l'aurai pu, ou traité aussi bien que je l'aurais dû … mais je te promets que je pensais tout le temps à toi.
Ses mains englobent mes joues mouillées de larmes.
- Tu entends ? Je pensais tout le temps à toi.
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