Fanny, Marie Gufflet Ne dis pas "plus tard" à l'Amour 15- Eva (partie 1)

15- Eva (partie 1)

Deux jours que je n’ai plus de nouvelles de Jules. Deux jours que je ressasse dans ma caboche les événements de la plage. Deux journées pourries à revoir le film se dérouler dans ma tête. Des heures à tuer, où à chaque fois, je m’imagine évincer Vanessa du cadre. De toutes mes machinations, la dernière est la plus tordue. Je l’ai visualisé, elle et son joli minois—parce qu’il faut l’avouer, elle n’est pas désagréable à regarder—prendre l’avion en partance pour Tombouctou. Jules a toujours rêvé d’aller au Mali. Aussi, j’ai pensé à un plan sinueux impliquant un périple digne de ce nom pour nos soit-disant tourtereaux. J’ai même rédigé une ébauche de la missive, dans laquelle j’invitais la traitresse à me rejoindre—enfin Jules—directement au Mali, à l’hôtel. J’ai trépigné de joie en me projetant son visage se décomposer face à sa solitude. Sauf que mes plans entortillés n’auront jamais lieu d’exister. Je suis fauchée comme les blés. Aucun moyen d’envoyer l’ennemie à l’autre bout de la planète. Aussi, je redescends sur la terre. Après de multiples prises de becs, je n’ai trouvé aucune stratégie abordable.

Lasse, je me laisse choir sur la chaise, les yeux rivés sur ce fichu sablier. Les minuscules flocons de neige ont cessé de couler. Je retourne l’objet en verre et ils se remettent à dégringoler. Soudain, une idée me frappe. Si tous mes ennuis étaient liés à cet étrange objet ? Depuis que je l’ai eu, je n’ai fait qu’enchaîner les soucis comme on enfile des vêtements.

Dubitative, je jette un œil désapprobateur à ce machin de malheur. Je bondis pour le prendre, à présent, certaine qu’on m’a jeté un sort.

— Toi, tu vas finir à la poubelle, dis-je à haute voix.

— Cookie, tu es là ? Demande papa qui passe la porte, encore vêtu de son uniforme de pompier.

— Oui. Je reviens, je file jeter ça à la poubelle.

— Eh bien pourquoi, ce n’était pas un cadeau de noël ?

J’ai tout raconté à mon père, mon autre confident.

— Si, mais j’ai l’impression qu’il est maudit !

Papa part d’un rire franc. Un de ces fous rires contagieux, mais qui à la fois me met mal à l’aise. Je me sens idiote tout à coup.

— Cookie, j’pense q’la personne qui t’a offert ça n’a fait qu’enclencher un truc inévitable dans ta vie. T’étais déjà enceinte. Tout le reste n’a fait que s’emboîter. Les mensonges finissent toujours par nous rattraper, t’sais bien !

— Donc, quoi, je le garde ? En souvenir de mes malheurs ?

— Plutôt en souvenir de ce que t’deviens, une future maman.

— Touché !

Mon père me prend dans ses bras, dépose un bisous sur le sommet de mon crâne et je fonds comme la petite fille espiègle et innocente que j’étais autrefois. Mon papa, a été mon premier amour. J’étais amoureuse de lui—comme le sont toutes les gamines à un certain âge.

— Tu sais que je t’aime, toi ?

— Eh oui, moi aussi Cookie.

Mon portable se met à vibrer dans ma poche. Résignée et convaincue, je le récupère, papa profite pour filer à la douche. C’est mon amie New-Yorkaise. Je déroche et après de brèves interrogations sur sa trépidante vie, je lui raconte les aventures avec Jules.

— Je n’ai aucun plan de secours. Aucun plan B, bougonné-je au téléphone.

— Un plan C peut-être ?

— Peu importe les lettres de l’alphabet. Ça n’aurait jamais du se passer ainsi. Je me demande bien pourquoi je suis revenue ! Non, mais qu’est-ce qui m’a pris, hein ? Les gens ici ne changeront jamais. Ils aiment leur petite vie toute rangée, leur routine, leur fichues habitudes !

— Et par les gens, tu entends Jules ?

— Non… Oui… mais je pensais quoi, Gaby ? Rien ne m’attend ici. Ce n’est plus chez moi.

— Écoute, ne réagis pas de façon impulsive. Tu es en colère, me raisonne-t-elle.

Furieuse, je jette un oreiller de plus sur le sol. Ce dernier rejoint les autres, ils s’amoncèlent tel un château de cartes sur le parquet.

— Je pensais qu’il se passait quelque chose entre nous, enfin, je ressentais une alchimie, admis-je, désappointée. Il est si différent et en même temps, tellement lui-même. J’étais persuadée qu’il avait encore des sentiments pour moi.

— Eva, tu étais son premier amour…

— Et sa meilleure amie…

— Oui, mais réfléchis un instant, Vanessa était SA FEMME.

— Et alors ? J’étais là avant elle !

Je suis consciente que j’agis comme une gamine capricieuse. Jules est un délicieux bonbon, je ne désire pas le partager avec quelqu’un.

— Je ne suis pas allée lui faire un enfant ailleurs.

— Tu n’étais pas en couple avec lui, déclare-t-elle avec douceur.

Vaincue, je pousse un cri de frustration avant de m’affaler sur le lit, les yeux arrimés au plafond.

— Laisse-lui le temps de gérer la situation. Ça se trouve, il ne se passera rien avec elle.

— Ça se trouve, il accourra dans ses bras, enfin, ses jupes et cette pouffasse lui brisera le cœur, à nouveau. Je ne la sens pas. Faut quand même que je le surveille. Jules a cet idéale de la perfection, forcément, rattraper son mariage en fait partie.

— Eva, ne fais rien que tu puisses regretter ! Promets-le moi !

— Mais non…

Je suis sur le point de jurer loyauté quand je sens un flottement dans mon ventre. Abasourdie, je cale le téléphone contre mon oreille et pose les mains sur mon giron. Pour la première fois, je perçois les bébés bouger en moi, étrange sensation, à la fois délicieuse et déroutante.

— Évangéline, tu es toujours là ?

— Oui, pardon… je peux te rappeler ?

— Euh… ok. Pas de bêtises, promis ?

— Promis !

Quand je raccroche, je suis dans un état second. À présent, assise, les jambes étendues devant moi, je contemple le bout de ma peau arrondie. À voix haute, je me mets à jacasser. C’est franchement bizarre. Je regarde autour de moi pour vérifier que je suis bien seule avant de répéter l’opération. Avec une tendresse que je me connais pas, je murmure :

— Salut mes petites crevettes, euh… c’est… maman. Maman Eva. Bon… eh bien… euh… merci de m’accorder cette chance de vous aimer. Je ne suis pas très douée en général avec les enfants, mais là, je vais faire une exception, hein ? Vous voulez bien m’apprendre à devenir maman ?

Pour toute réponse, les coups se répètent. Il y a un vrai concert là-dedans.

— Super ! On est sur la même longueur d’ondes !

Soudain, je pleure. De joie. De gratitude.

D’abord, des larmes de plaisir. Puis, très vite, elles sont remplacées par des larmes de panique, de peur et de préoccupation. L’évidence me tombe dessus tel un lourd poids à porter.

Je suis seule.

Mes bébés n’ont pas de père.

Je n’ai pas de maison.

Je n’ai pas de travail.

Je n’ai rien, si ce n’est une paire de seins et deux babygros pour prendre soin de mes jumeaux.

Puis-je aller encore plus bas ?

Une masse énorme de responsabilités se détache de la titanesque réalité et l’avalanche de sentiments s’abat sur moi. Je vais devenir maman.

C’est étrange comment on devient parent. Pour ma part, je prends conscience en les sentant gigoter en moi qu’ils sont bel et bien vivants.

Maintenant, franchement angoissée, je me lève, prends mon téléphone portable, les clés du 4*4 et file voir la seule personne qui est capable de me comprendre

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7 commentaires

Elizabetttt

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Il y a 6 ans

J’aime trop continue !

Elizabetttt

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Il y a 6 ans

La suite la suite !!!!

Kriss F Gardaz

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Il y a 6 ans

Le moment où on sent bouger ses enfants dans son ventre est bouleversant, c'est vrai.

Émilie Parizot

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Il y a 6 ans

Où va t-elle ? J'avoue qu'avec Vanessa dans le tableau, c'est encore une massue qui lui tombe dessus mais déterminée comme elle est, tout est possible !

celiapicardd

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Il y a 6 ans

J’aime trop !! C’est bien qu’elle se rende compte de ce qu’il se passe, ENFIN !!

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

ehhh oui c'est vrai !

Sylvie De Laforêt

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Il y a 6 ans

Très joli chapitre ! devenir maman est une chose si belle. Sentir, les premiers coups de pieds ou déplacement laborieux de ces petits bouts est tellement magique ^^
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