Fanny, Marie Gufflet Ne dis pas "plus tard" à l'Amour 15- Eva (partie 2)

15- Eva (partie 2)

En furie, je sors du véhicule avec empressement. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur de la boulangerie que je remarque mon accoutrement. Vêtue de mon pyjama de l’avant-guerre, les cheveux en pagaille et mes tongs aux pieds, je débarque dans le café bondé, évidemment ! Des paires d’yeux se braquent sur moi, me lançant un « bonjour Eva » au passage. Je souris nerveusement et me rue vers ma mère occupée à servir ses habituels clients. Par une pantomime très expressive, je lui fais comprendre de venir se joindre à moi. Sa bouche tique avec nervosité tandis qu’elle congédie le couple. Battant la mesure du pied, je l’observe qui contourne la caisse.

— Mais qu’est-ce qui t’arrive ? Les bébés vont bien ?

— C’est moi qui aie un soucis, la rassuré-je.

D’un geste assuré, elle me conduit à une table libre, fais signe à Luce—la nouvelle serveuse—de nous emmener des rafraîchissements.

Je me laisse tomber sur le siège, si bien que celui-ci émet un drôle de couinement sous mon poids. Sans plus attendre, je lâche la bombe qui me comprime le thorax.

— Je panique !

— À quel propos ? s’interroge-t-elle, en remerciant son employée aussi rapide que l’éclair, par un sourire.

— De tout. Je ne suis pas prête à assumer des jumeaux. Maman ! Je sens déjà un amour pour eux, mais j’ai la pétoche. Comment je vais faire pour les nourrir ? Comment je vais faire pour les habiller ? Ils sont deux ! C’est de la folie pure ! Je ne vais jamais m’en sortir.

Maman darde sur moi un regard à la fois amusé et plein de compassion. Cette effusion de tendresse par un simple coup d’œil—que seules les mères possèdent—me ravit le cœur. Elle est sur le point de répliquer un truc quand elle se met à faire des signaux à quelqu’un. Avant que je ne puisse tourner la tête derrière moi, elle réplique :

— C’est madame Truby. Elle ne viendra pas nous déranger, je lui ai fait signe d’attendre.

— Super ! Je ne supporte pas cette vieille bique !

— Reprenons. Honey, tu vas aller de galères en galères, je te l’assure. Tu vas pleurer toutes les larmes de ton corps, être fatiguée à un tel point que tu te demanderas quelle idée t’es passée par la tête pour vouloir des gosses.

— Rassurant, maugrée-je.

— Je dois de te dire la vérité, c’est mon rôle de maman. Mais la maternité c’est génial, c’est la plus belle chose qui me soit arrivé, aussi la plus difficile. C’est éreintant, éprouvant, par contre, ça va décupler tellement en toi. Notamment ta créativité.

J’ai dû faire une drôle de grimace, car ma mère se lance dans ses sempiternelles explications.

— Quand tu es née, crois-moi, ça m’a chamboulée. J’avais deux bouches à nourrir. Pendant que Caleb faisait ses premiers pas, toi, tu avais les coliques. Puis à ta poussée dentaire, j’ai dû compiler avec ta mauvaise humeur et les bêtises de ton frangin. Crois-moi, je voulais tuer ton père à chaque fois qu’il m’abandonnait pour aller bosser.

— Il ne t’abandonnait pas, dis-je pour le défendre.

— Je sais, mais quand tu as la tête dans le guidon, tu le ressens comme tel. J’enchaînais sans répit les nuits courtes, je m’habillais que de joggings, j’avais jeté mon dévolu sur des baskets, plus confortables que des talons pour courir derrière Cal. Bref ! Tout cela pour te dire que sur le coup, j’ai cru que je n’y arriverais jamais. Il y a même un jour où j’ai hurlé sur ton frère en lui disant « écoute chaton, je t’ai donné la vie, mais je peux aussi te la reprendre ».

Cette fois, j’explose de rire. J’imagine mal ma mère perdre pied. Dans mes souvenirs, je la vois organiser ses journées à la perfection, conjuguer sa profession et sa vie de famille avec brio. Le contraire me parait improbable.

— Personne ne nait maman, on le devient. En donnant naissance à tes jumeaux, tu vas donner naissance à la maman en toi.

— Et pour le reste ? Je pourrai jouer au loto, mais je n’ai jamais été très chanceuse.

— N’importe quoi ! Dès demain, tu ramènes tes fesses ici. Tu bosseras assise pour ne pas trop te fatiguer. Tu feras la gestion de la caisse et les appels téléphoniques, explique-t-elle d’un ton sans appel.

— Et la chambre des bébés, hein ?

— Tu n’acceptes plus la proposition de Jules ?

— Bah, je n’en sais rien. Je ne suis pas contre le fait de vivre avec lui, mais tu sais, il y a l’autre qui est de retour. Je n’ai pas trop envie de tenir la bougie.

Maman fait à nouveau des signaux à une personne derrière moi. Agacée qu’on vienne troubler notre conversation, je me tourne pour tombez nez à nez avec Jules.

S’il y a bien une personne sur terre que je désirais éviter, c’était lui !

Notre conciliabule touche à sa fin lorsque maman se met debout, prête à reprendre son service. J’ai beau lui faire les gros yeux, elle fait mine de rien voir. Ce que je la déteste à tant aimer Jules !

— Salut Red !

Mon ami s’assied en face de moi. Je remarque ses yeux cernés, ses traits tirés sûrement dûs à un manque de sommeil.

— Fatigué ?

— J’suis mort !

— Trop de galipettes au lit ? dis-je pour le cuisiner.

— J’aimerai bien, mais non, avoue-t-il une lueur mutine dansante dans les yeux. J’ai enchainé trop de gardes.

Ouf !

— Ah !

Mes hormones—ses traitresses—se mettent en ébullition. Je me mets à détailler chaque parcelle de son visage : ses jolies fossettes, ses yeux océans, sa bouche dissimulée derrière une discrète barbe. Heureusement que Jules prend à nouveau la parole où j’aurai divagué complètement.

— Désolé de ne pas t’avoir appelé la dernière fois. Le lendemain de notre sortie plage, j’ai repris le boulot, ensuite je n’ai pas arrêté de travailler. Je n’ai pas eu une minute à moi.

Oui mais je le jour J, hein ? Tu es resté avec l’Ennemie ! Tu m’as larguée !

— Mmmmph… éructé-je, pianotant sur mon smartphone pour éviter son regard brûlant.

— Je t’ai vue entrer en trombe tout à l’heure alors que je me rendais chez moi. Tout va bien ?

— Mmmmph…

— Et… entre nous, y a pas de lézard ?

Jules me connait trop bien pour savoir que je lui en veux à mort. Aussi, je me dérobe comme je peux.

— Excuse-moi, je file aux toilettes.

Sur ces mots, je le plante pour me calfeutrer dans les W.C. Avec rage, je tape un message à ma mère :


M’man, dis à Jules que j’ai mal au ventre et que je l’appellerais plus tard, ça risque d’être long. Pleaaaase ! Merci


Évidemment, j’aurai dû me douter que ma mère ne serait pas convaincante. Une minute à peine le texto parti, j’entends la voix de Jules dans l’espace public, réservé pourtant aux femmes.

— Eva, sors de là, ordonne-t-il.

— Laisse-moi, je crois que j’ai chopé un truc, rétorqué-je, essayant de paraître le plus malade possible.

— Monsieur, ce sont des toilettes de femme, intervient une dame.

— C’est une urgence, je suis son gynécologue.

— Ah ! Dans ce cas, je vous laisse.

Un bruit de porte m’indique que l’inconnue est partie. Je suis seule avec mon ami.

— Red, inutile de mentir. Je sais que tu ne fais jamais caca dans des toilettes publiques !

Zut ! J’ai oublié qu’il me connaissait si bien. Rouge pivoine, j’ouvre la porte et vois un sourire apparaitre sur ses lèvres.

— Il faut qu’on parle.

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10 commentaires

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Merci

Zalma

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Il y a 6 ans

Toujours mon soutien pour ton texte, des bises ;D !!

celiapicardd

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Il y a 6 ans

Je me demande ce qu’il va se passer ! Gros bisous, continue !

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Me toooo

Elizabetttt

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Il y a 6 ans

J’aime la maman de Red !

Sylvie De Laforêt

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Il y a 6 ans

Mdr ! Au boulot !!!

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Merci

noutcha85

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Il y a 6 ans

Oh pétard la fin m a tuée j adore !!

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Ohhh la la je n’ai plus qu’un chapitre d’avance

Sylvie De Laforêt

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Il y a 6 ans

Mdr ! trop drôle la fin de ton chapitre ! Red a une gentille maman, plein de bons conseils ! J'adore !!!!! j'espère que ton escapade en Israël ne t'a pas empêché de nous concocter la suite de cette magnifique histoire ! ^^
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