Fanny, Marie Gufflet Ne dis pas "plus tard" à l'Amour 12- Jules (partie 1)

12- Jules (partie 1)

— Non, maman, Eva est enceinte. Tu as prévu des trucs qu’elle peut manger sans risquer d’attraper la toxoplasmose ?

— Oui, Jules.

— À tout à l’heure, je raccroche. Bye.

Je termine de m’habiller, un peu nerveux tout de même à l’idée de revoir Eva. Elle ne me laisse pas indifférent. Enceinte, Red dégage un brin de vulnérabilité, ce côté tendre qu’elle est parvenue à dissimuler au lycée. Surtout après l’avortement. Depuis que je l’ai aperçue chez Dee, je n’ai pas pu refouler mes anciens sentiments. Telles des alarmes, ils sont venus s’allumer dans ma tête. Tous les voyants ont viré au rouge.

Je nous ai revus au lycée, au parc, chez elle, chez moi. Elle est partout. Même au travail. Quand je m’occupe d’une patiente, je pense à elle.

Quel imbécile ! Je m’emballe trop vite. Ça m’étonnerait qu’elle me perçoive autrement que le bon vieux Jules. Pourtant, moi, même après dix ans de séparation, j’ai des papillons dans le ventre comme lorsque j’étais adolescent.

Devant mon armoire, je suis en train de péter les plombs. Dois-je mettre une chemise ? Non, ça fera trop coincé, trop formel. Après tout, je n’ai que 28 ans. Un polo ? Non, elle croira que je n’ai pas changé, que j’ai un balai coincé dans les fesses. Le mieux, la jouer simple. Fier de moi, j’enfile un jean et mes bottines camel, Eva ne jure que par cette couleur—du moins à une époque révolue—et un T-Shirt en col V. Bon, Eva veut voir des tatouages, je vais lui en donner un petit aperçu. Mec, tu débloques !

Je ne suis pas si mal, décrété-je, faisant bouger mes biceps. Eva, ce soir, tu vas fondre pour moi.

L’image de son ventre arrondi me ramène sur terre. Ce qu’elle a besoin avant tout, c’est d’un ami. Quelqu’un sur qui compter. Pas un abruti. Pas un de ces ex-copains dirigé par leur braguette. Contrôle-toi Jules !

Quand j’ai vu son nom sur le registre pour les auscultations, j’ai bien failli appeler mon chef. Mais, après tout, je suis presque diplômé, j’ai dû mettre mes émotions de côté. Eva était une patiente, rien de plus. Heureusement, je suis arrivé à faire la part des choses. Sauf quand elle s’est mise à faire des blagues grivoises. J’ai dû redoubler d’effort pour faire abstraction à sa réflexion et agir avec maitrise de soi.

Je caresse Apache, un golden retriever, qui est tout content que je lui porte enfin mon attention. Il saute sur moi, frétillant de joie, les deux pattes sur mes cuisses.

— Apache, assis ! grondé-je. Tu vas finir par me salir, là c’est pas le moment.

Je l’ordonne de me suivre jusque dans la voiture.

— Mamie va être ravie de te voir, clamé-je.

Ma mère déteste les chiens. Enfin, c’est ce qu’elle dit. Mais quand elle le voit, elle ne peut s’empêcher de lui faire des papouilles. Au son de Dare you to move, je conduis, la tête dans la lune. L’image d’Eva qui pleure de joie dans le cabinet me ravit le cœur. Je la surveillerai comme du lait sur le feu.

Surtout après ma garde d’hier. Dans l’après-midi, ma chef et moi avons été appelés d’urgence. En salle 3, bébé stagnait depuis un moment. Dès que j’ai vu la maman, j’ai perçu sa fatigue. Après auscultation, j’ai senti que bébé n’était pas très loin. Nous avons décidé de faire une ventouse pour aider la petite à trouver la sortie. Alors que j’ai installé le matériel sur la tête de bébé, prêt à tirer à la prochaine contraction, j’ai senti que quelque chose de grave aller se passer. Je me suis évertué à chasser cette pensée loin de moi. En vain. Je me suis mise à prier intérieurement. La maman a poussé, j’ai tiré. En trois poussées, la tête est sortie, sauf que les épaules n’ont pas suivies. C’est la peur de tous les gynécologues, la dystocie des épaules.

Les bébés ont la tête dehors mais les épaules toujours dans le ventre. Il était coincé, comme aspirée en arrière. Je sais qu’en très peu de temps, le nourrisson peut être asphyxié. Ma seule option était de réussir à attraper une main, un coude ou une épaule et faire des manœuvres difficiles bien précises. Je connaissais les risques. Pour le nouveau-né, il y a le facteur décès, ou bien des séquelles neurologiques sévères. Enfin, beaucoup moins grave, il y a le risque de fractures. Au moment où ma chef se rend compte de la dystocie, elle prend ma place et tente de faire les manipulations. Avec rapidité, même si cela semble durer une éternité, le bébé est sorti. Elle a bougé ses deux bras, elle respirait bien. J’ai lâché un ouf de soulagement.

Puis la radio est tombée : fracture de l'humérus et de la clavicule. Trois semaines d'immobilisation. Pauvre petite ! Je ne suis jamais heureux de faire souffrir un bébé, mais, même si nous avons été un peu secoués, nous avons réussi à sauver la vie d’un enfant. C’est tout ce qui m’importe.

Et, en ce qui concerne Eva et les jumeaux, je ne vais pas les lâcher de sitôt. Ces deux êtres chers vont venir au monde, entourés d’amour. Une belle revanche pour les années passées.

— Hein, Apache, je ferai tout pour aider Red à donner la vie à ces deux bébés qui poussent dans son giron. Parrain Jules est dans la place !

Mon chien aboie en retour.

— Deux cœurs qui battent pour les deux cœurs qu’elle a perdus. Une belle riposte sur ces morts prématurées, non ?

Je n’ai pas besoin de rappeler ces événements traumatiques à Eva, elle a saisi le message lors de la consultation.

Si je tente de séduire Red, vais-je encore me heurter à un refus de sa part ?

Se souvient-elle de la lettre qu’elle m’a écrite ? J’aimerai bien pouvoir lui en parler, mais je crains fort que ce soir, ce ne soit pas le moment idéal pour aborder le sujet.

Soudain, j’ai une idée irrésistible, mais effrayante. Pour la mettre en œuvre, j’ai tout intérêt à être certain que ça marchera. Pour se faire, il va falloir attendre encore un peu. Le temps sera mon allié. Étant perfectionniste, je désire réellement peaufiner mon plan.

— Ce soir, je vais la jouer cool, histoire de tâter le terrain. Apache, je compte sur ton aide pour charmer Eva.

Sauf que Red n’aime pas les chiens, crie ma conscience.

— Eh bien, mon vieux, Ce n’est pas gagné !


** Coucou les amis... Alors ce Jules ? Moi, perso, je craque ah ah et vous ? Merci à Laurianne pour tes posts sur ton boulot en gynéco qui m'inspirent pour mon écriture. Un big THANK YOU à Solange, Raïssa, Célia, Anaïs, les Aurélie (France et Réunion), Sylvie. Mes plus fidèles lectrices, ça fait chaud au coeur. N'hésitez pas à commenter. Quelles sont vos attentes et frustrations ? Elles m'aident lors de l'écriture. Des bisous sucrés. Marie**

Tu as aimé ce chapitre ?

11

11 commentaires

Claire Lossy 01

-

Il y a 6 ans

Trop chou !! Il fait passer les besoins d’eva avant les siennes

Elizabetttt

-

Il y a 6 ans

Youhouuuuuuuu

anaisssblanc

-

Il y a 6 ans

Trop hâte pour la suite !!!!

RaïssaL

-

Il y a 6 ans

La suite, la suite, la suite !!!!!

Fanny, Marie Gufflet

-

Il y a 6 ans

Ohhh merci. Il faudrait plus de lecteurs. Tu es chou

kleo

-

Il y a 6 ans

Alors que dire. ... premier point j ai adoré ton histoire. Elle est juste parfaite. On s attache a tes personnages et on les adore tous les deux. Deuxième point je craque totalement pour Jules. Il a tout de l homme parfait. En conclusion ton histoire a tout pour se hisser au plus haut et j espere que ce sera le cas. A bientôt.

Fanny, Marie Gufflet

-

Il y a 6 ans

Exact exact

Émilie Parizot

-

Il y a 6 ans

Oui on sent que Red est entre de bonnes mains à présent ;)

Fanny, Marie Gufflet

-

Il y a 6 ans

Ahhh suis née avec le Cordon aussi autour du cou

Sylvie De Laforêt

-

Il y a 6 ans

Oh il est trop chou ce Jules ! Quel dur métier. Quand les accouchements se passent pour le mieux, c'est cool, mais lorsque que tu es confronté aux difficultés, il faut garder la tête haute et son calme. Moi, l'un de mes fils est né avec le cordon autour du cou. Il était tout bleu et il est resté un moment en observation. Heureusement, il a aujourd'hui 22 ans et tout va bien ! lol (et il n'est plus bleu, mais plutôt bronzé !)
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.