Fyctia
10- Eva (partie 1)
Flocon 2 : l’épreuve (partie 2 du roman)
Dans la salle d’attente du gynécologue, je ne parviens pas à me détendre. C’est vrai quoi ? Quelle femme saine d’esprit aime écarter ses cuisses devant un inconnu pour se faire trifouiller le vagin ? Évidemment, pour se donner bonne figure—ou plutôt un beau vagin—j’ai épilé mon maillot et mes jambes. Comme si le gynécologue allait en faire tout un plat si je lui présentais avec un tas de poils ? D’après mes souvenirs, c’est un certain Mr Spin. Ça m’étonnerait qu’il se rappelle de moi. Je n’étais qu’une adolescente écervelée.
Je m’évertue à lire l’article sur le magazine : qu’est-ce qu’un homme, un vrai ?
Il y a encore quelques jours en arrière, je pensais qu’un homme viril était le genre Trevor. Macho à souhait. Un homme ambitieux. Visiblement, j’avais faux sur toute la ligne. En observant le titre de l’article, je ne peux m’empêcher de penser à Jules. Courageux. Attentionné. Loyal. C’est peut-être cela les ingrédients d’un vrai homme. Après tout, dans la vie réelle, vivre avec un Trevor s’avère destructeur.
— Mademoiselle Potter, c’est à vous, m’invite la secrétaire.
Je la suis jusque dans le cabinet exigu. Une infirmière complète mon dossier médical. Là, elle effectue différents types de mesures : ma taille, mon poids, ma tension artérielle, ainsi qu’une analyse d’urine. Je suis mitraillée par une multitude d’interrogations sur mes antécédents médicaux et mon hygiène alimentaire.
— Pourquoi toutes ces questions ?
— Afin d’optimiser votre prise en charge, mademoiselle. Nous avons presque fini, fanfaronne-t-elle, joviale.
La professionnelle aux bras grassouillets, tape sur le clavier de l’ordinateur à la vitesse d’un escargot. Puis, comme si je gagne au gros lot, elle me remet avec un sourire aux lèvres, un dossier prénatal avant de me congédier gracieusement dans la salle d’attente. Je m’assieds à nouveau, un peu barbouillée, mais nettement moins nauséeuse que ces derniers jours. C’est l’aube d’un jour nouveau. D’ici quelques minutes, je vais découvrir le bébé et pouvoir prendre ma décision finale.
— Mademoiselle Potter, m’interpelle l’infirmière. Venez.
Elle m’indique le cabinet aux murs bleu turquoise. Plus moderne que dans mes souvenirs.
— L’interne va venir vous ausculter. Je vous laisse vous installer.
— Bien.
Tandis qu’elle ferme la porte, je file retirer ma culotte, dissimulée derrière un pan de mur. Je la pose sur le porte-manteau. Je m’assieds sur le siège recouvert d’un drap d’examen, cale mes pieds dans les étriers et relève les pans de ma jupe. Je n’aime pas l’inconfortable posture. Tout de même, c’est un drôle de métier !
Soudain, j’entends la porte qui s’ouvre et qui claque. Je tressaute. Ça doit être l’interne. Alors qu’une tête apparait devant moi, je pousse un cri d’effroi. De toutes les configurations imaginables, il a fallu celle-là !
Avec rapidité, je tente de refermer les cuisses, mais misère, je suis coincée dans ces fichus bouts de fer et suis à deux doigts de m’étaler sur le sol.
— Jules ! m’écrié-je. Que fais-tu là ?
— Je travaille, Red, dit-il en me rattrapant in extremis.
— Comment ça, tu travailles, je croyais que tu étais docteur ? pesté-je
— Gynécologue obstétricien pour être précis.
Soudain toutes les pièces du puzzle s’assemblent dans mon esprit. Mon passé. Sa stérilité. Sa façon d’avoir détecté ma grossesse au café. Sa cousine qu’il est allé ausculter. Pétard !
— Je veux un autre gynéco, grondé-je tandis que je mets les mains sur mon vagin.
— Red, ne sois pas stupide ! Je sais faire la part des choses. Dans ce lieu, je suis avant tout médecin, d’accord ?
— Non ! Pas d’accord du tout ! Hors de question que… que tu… bref, Jules, c’est moi et c’est toi !
Tandis qu’il n’a cure de mes protestations, je l’observe dans sa blouse bleu turquoise qui pianote sur le clavier. Mon nom apparait sur l’écran. Je l’entends qui m’explique la procédure, mais je ne l’écoute pas, médusée par son côté professionnel. Je suis gênée qu’il me voit ainsi peu vêtue dans cette humiliante posture. Pas une fois, il ne croise mon regard—chose qu’il fait d’ordinaire. C’est pour le moins déroutant.
— Ce n’est pas ainsi que j’imaginais me retrouver à moitié nue devant toi, avoué-je.
Cette fois, il vrille ses yeux sur moi, visiblement sous le choc de ma révélation. Je vire au rouge pivoine, réalisant l’allusion graveleuse que je viens de faire. Je m’évente d’une main, repousse mes boucles rousses derrière mon oreille. Ce qu’il fait chaud ici ! Désireuse de rattraper ma bourde, je lance :
— Je blaguais, Jules.
Comme si !
Seulement, il ne répond pas à ma pique. En parfait docteur, il met de la distance entre nous, le regard rivé sur le moniteur.
— Comme tu es toute fine et que tu es surement au début de ton terme, je ne peux pas faire l’écho sur ton ventre. Je vais donc faire une échographie endovaginale.
— Ok.
Il désinfecte ses mains, enfile ses gants, s’assied devant… Oh.Mon.Dieu, mon vagin.
— Eva, avance tes fesses sur le bord s’il te plait. Encore un peu, merci. Détends-toi.
— Facile à dire. Si les rôles étaient inversés, je pense que…
— Que j’aurai pris les jambes à mon cou, avoue-t-il. Toutes les femmes qui viennent ici font preuve de courage et de vulnérabilité à cet instant précis. Je vous admire pour ça ! J’y vais.
Mon Jules procède à l’auscultation. À mon plus grand désarroi, ses gestes sont doux. Ça change de ces gynécologues consultés—pourtant des femmes—qui n’avaient aucune tendresse. Au lieu de regarder l’écran, je n’ai d’yeux que pour lui, concentré sur moi. Je sens la sonde explorer mon giron. Dire qu’il fait cela à tellement de femmes !
— Ok.
— Dis Jules, pourquoi tu as choisi ce métier ? C’est bizarre pour quelqu’un qui a attendu son mariage de bosser dans ce domaine, non ? Maintenant, tu ne vois que ça à longueur de journée. C’est pour te rattraper ou quoi ?
— Non, Red. C’est avant tout un métier de contact et tellement varié. Pour des raisons personnelles, j’ai choisi cette branche là.
Raisons personnelles dont je comprends parfaitement.
—J’avais envie de donner la vie, de côtoyer des gens en bonne santé, du moins la plupart. Et puis, la gynécologie obstétrique offre tant de possibilités : accouchements, suivi de grossesse et gynécologiques, opérations chirurgicales, cancer, on touche à tout. C’est éreintant, avec les gardes, j’ai des semaines de 70 heures, mais c’est gratifiant ! Tu vois Red, je n’ai pas choisi ça pour rattraper quoique ce soit ! Quant à mes choix passés, je ne regrette rien.
— Je crois que tu m’as cloué le bec là !
— Ce serait bien une première ! plaisante-t-il.
À nouveau, il se retranche derrière des silences. J’évite de penser au fait qu’il a sa main plus bas.
Pense à autre chose, Evangéline…
Ses tatouages par exemple. Je penche la tête sur le côté, tente de déceler une quelconque trace sous la blouse, en vain ! Il les a bien cachés.
Ses sourcils froncent sous l’effort.
— Y a un soucis ?
Jules demeure stoïque, ignorant mes questions.
— Pitié Jules, dis-moi que tout va bien.
19 commentaires
Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 6 ans
Émilie Parizot
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Fanny, Marie Gufflet
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Aurélie Lefeuvre
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Zalma
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Fanny, Marie Gufflet
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RaïssaL
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Elizabetttt
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