Fanny, Marie Gufflet Ne dis pas "plus tard" à l'Amour 8- Jules

8- Jules

Ce matin, je ne travaille pas. Après avoir flâné dans la rue, dis bonjour aux petites mamies qui me connaissent bien—certaines essaient même de me caser avec leurs petites filles, ce qui me fait toujours sourire— je file chez Dee, le meilleur café du coin. On est début janvier, il fait 20° degrés, un hiver doux et particulièrement ensoleillé. Quand je passe la porte, je suis assailli par une myriade d’odeurs plus alléchantes les unes que les autres, mais je vais devoir m’armer de patience, la file d’attente est longue.

Pendant ce temps, je tape sur mon téléphone des idées pour un nouveau tatouage. Je n’en suis pas à mon premier.

J’ai eu mon premier après le départ d’Évangéline. Une ancre. Au tibia. Simple. Efficace. Pour me rappeler que quoiqu’il m’arrive, je suis solidement attaché à mes valeurs. C’est comme ça que j’ai su, qu’en dépit de la douleur infligée, je devais pardonner à Red pour ne pas être prisonnier du passé. Je ne dis pas que ça été facile. Ça a été horrible. J’avais le sentiment de faire mon deuil encore et encore. Comme pour ma petite sœur, excepté que là, j’ai dû enterrer mes sentiments amoureux. Mais pas mon amitié car j’ai toujours nourri l’espoir qu’un jour je la verrais à nouveau. Puis, Caleb m’a pris sous son aile, on s’est mis à faire de la musculation ensemble. J’étais déjà sportif de base, j’allais en vélo à la fac, mais j’étais aussi maigre qu’un clou. C’est lorsque mes pectoraux ont pris une forme adéquate que j’ai fait mon second tatouage, juste dessous : un aigle royale qui déploie ses ailes, une sorte de symbole pour me rappeler de prendre mon envol.

Après deux années à errer dans les méandres du passé, pour combler une sorte de trou dans ma vie, j’ai acheté un chien, Apache. Mon fidèle compagnon qui me suit presque partout.

L’année de mes 22 ans, je me suis mis au surf et fais mon troisième tatouage. C’est à croire que je ne pouvais plus m’en passer. Tatouer ma peau était comme une sorte de mémorial aux évènements qui ont marqué ma vie. Mais je devais faire attention aux endroits où je les faisais. Trop voyant risquait d’effrayer mes futures patientes, il était impératif pour moi de pouvoir les dissimuler sous les vêtements. J’ai donc opté pour un majestueux arbre à l’épaule, identique à notre endroit préféré du lycée. Avec Eva.

Ce sont d’ailleurs mes tatouages qui ont séduit Vanessa, une infirmière au Blueberry Hospital qui surfait également très tôt le matin avant de prendre son service. Mon ex-femme était plus âgée que moi de deux ans. Elle arborait cette beauté méditerranéenne, des formes voluptueuses. Tout l’inverse de ma Red et ce n’était pas plus mal.

Je croisais également Vanessa quand j’étais bénévole pour les maraudes. Apparemment, elle en faisait tout autant. Pour moi, c’était essentiel que ma future copine ait le cœur sur la main.

Un matin, à force d’échanger des regards équivoques, je suis allé vers elle pour me présenter. Vanessa était de nature réservée. Je ne l’étais pas, mais je manquais cruellement de confiance en moi. Après avoir essuyé des échecs avec Red, j’avais peur de me prendre un râteau. Sauf qu’elle avait rougi quand je l’avais abordé, ça m’avait attendri. De fil en aiguille, de jours en jours, on a fait connaissance jusqu’à ne plus pouvoir se séparer l’un de l’autre.

Un an plus tard, on s’est marié à l’église, entourés de nos familles respectives.

Notre première année de mariage était digne d’une lune de miel et j’étais fou amoureux d’elle. Mais, la deuxième année la routine nous a rattrapés. Je savais—pour avoir lu des livres sur le mariage et son succès—que les trois premières années étaient des plus difficiles, d’où les nombreux divorces. Mais au lieu de se battre pour notre couple, Vanessa semblait s’éloigner de moi. Notre deuxième année touchait à sa fin et moi, je touchais le fond. J’en avais marre d’être le seul à ne faire que des efforts. J’aurai peut-être dû persévérer. C’est à cet instant là que je suis devenu un parfait abruti !

J’ai fait ce que font beaucoup d’hommes—erreur colossale qui m’a valu des regrets à volonté—j’ai cessé de dire à ma femme que je l’aimais et à quel point elle était belle. Sans m’en rendre compte, elle se renfermait davantage. La fissure a vite fait de devenir un véritable fossé entre nous jusqu’à que nous étions devenus de parfaits étrangers l’un pour l’autre. Vanessa, elle, s’était considérablement rapprochée de son nouveau chef de service. J’avais des échos d’un ami, interne dans son service, en Cardiologie.

Puis, les problèmes se sont empilés. Elle fuyait ma présence. Quand j’ai réalisé trop tard que j’étais en train de la perdre, le mal s’était répandu comme un cancer qui s’était propagé dans tout le corps. Nous étions en phase terminale.

J’ai réagi. Avec des mois de retard. Mes mots paraissaient vains. Mes compliments dérisoires. Mes gestes inefficaces. Vanessa rêvait d’avoir un enfant, j’avais 25 ans et des poussières. Par désespoir de cause, j’ai accepté qu’on fasse un enfant. Pour sauver notre couple, du moins, ce qu’il en restait. Mais un bébé arrivé dans une union en perdition n’est pas le meilleur des pansements, n’est-ce pas ? Pourtant, j’étais convaincu du contraire. J’étais désespéré et j’aspirais à tenter le tout pour le tout. Après des mois de concentration, nos efforts étaient réduits à néant.

Le pire nous ait tombé dessus.

Une voix familière me ramène à la réalité. J’étais si perdu dans mes souvenirs que j’ai oublié ce que je fais là.

— Eh oh, monsieur, que désirez-vous boire ?

J’étais encore dans la lune. Je dois passer pour un benêt devant la jolie serveuse.

— Un muffin choco-banane et un machiatto.

— To go ? (À emporter)

— Oui, s’il vous plait.

Je règle ma commande par carte bancaire, récupère mon petit-déjeuner et file vers la sortie, pressé d’aller me promener le long de la plage, quand je tombe sur mon passé. Elle est là. Plus ravissante que dans mes souvenirs. Ça me fait un mal de chien. Parce que j’en étais fou amoureux. Parce qu’elle et moi avions une histoire. Parce que nous avons effleuré le futur. Parce que je pensais, à une époque, que rien ne pouvait nous séparer.

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12 commentaires

Sandelina Antowan

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Il y a 6 ans

Bon dsl le t9 de mon téléphone a eu raison de moi grrr ! J’espère que mon commentaire précédent sera tout de même compréhensible.

Sandelina Antowan

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Il y a 6 ans

J’ao Beaucoup aimé ce chapitre . On eT vraiment bien construit . On en apprend plus sur notre personnage masculin et ce n’est pas pour me déplaire . Il est agréable et dans ce chapitre, il a su me toucher émotionnellement.

Claire Lossy 01

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Il y a 6 ans

Oh mon dieu le grand retour et le coup de foudre à nouveau !! Génial

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Ben... je sais pas, y’a des phrases qui me semblent logiques en anglais. je le parle couramment, dans ma tête ça vient en anglais d’abord. J’ai mis la traduction pour les lecteurs

Émilie Parizot

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Il y a 6 ans

Jolie chute de chapitre... Et Jules a bien changé physiquement ! Une petite question : pourquoi par moment tu décides de mettre le texte en anglais ? Puisque cela t’oblige a le traduire juste après ?

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Je vois plus mes coquilles mince!

Zalma

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Il y a 6 ans

C'est beau, prenant (tant pis pour ces fichues coquilles ;D !!), on est dans la tête du personnage, et du coup, Jules prend une toute autre dimension, une vraie consistance... tandis que bien des mystères demeurent... Vivement la suite, j'adore !!

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

ahhh oui va voir !!!

Sylvie De Laforêt

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Il y a 6 ans

Rhoooo.... va-t-il aller lui parler ?? c'est tristounet son histoire de mariage avec Vanessa, pétard au bout d'un an, c'était déjà fini. Inconsciemment, il avait encore Red dans la peau ! en parlant d'épiderme, j'irais bien faire une visite de ses tatouages ! on peut ?

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Ahhh ma fille pour moi aussi lô
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