Fanny, Marie Gufflet Ne dis pas "plus tard" à l'Amour 3- Jules

3- Jules

Il y a huit ans de cela, j’apprenais à suturer une orange. Il nécessitait de ma part une dextérité fine et un entraînement quasi quotidien pour ne pas abîmer ce joli fruit vitaminé, mais surtout le faire avec rapidité. Aujourd’hui, les temps ont évolué, Dieu merci. Je passe des journées entières au bloc opératoire, à suturer des patientes— vive les césariennes—il y a du progrès depuis.

Ce soir, je rentre, éreinté après une garde de 24h. Dire qu’on m’avait dit « Jules, la maternité de Blueberry est une petite mater, il n’y a pas beaucoup d’activités. » Sauf que je viens d’enchaîner un accouchement de jumeaux, trois césariennes et deux extractions. Je suis lessivé, mais tellement heureux. J’aime mon travail.

À la base, je voulais devenir docteur généraliste, mais suite à un événement personnel, devenir gynécologue obstétricien était pour moi comme une évidence. Au départ, lors de mon stage dans le service, je ne savais pas à quoi m’attendre. Puis, il s’est avéré que les accouchements c’est émouvant. Dans cette spécialité, on s’occupe généralement de la vie, là où d’autres de mes collègues côtoient la mort.

Il n’y a rien de plus magique qu’un accouchement, une vraie leçon d’humilité. Je ressors toujours admiratif pour ces femmes qui expérimentent une belle leçon de courage et d’endurance. Ça a changé ma vision des femmes. Honnêtement, je les respecte pour cela.

Le petit plus, quand je marche dans la rue et qu’on m’interpelle : « bonjour, docteur, vous ne vous souvenez pas de moi ? Vous m’avez aidé à accoucher. Merci pour tout ».

Tandis que je me gare chez mes parents—qui ont eu la gentillesse de me concocter un copieux repas pour la Saint-Sylveste—je repasse en boucle cette journée à rallonge.

Je n’ai qu’une hâte, rentrer chez moi, m’étaler sur mon lit et dormir d’une traite. Mais pour l’heure, célébrons noël avec ceux que j’aime. Ma famille. Mon soutien.

Ils ont été d’une aide indéfectible quand tout a dérapé avec Vanessa, mon ex-femme. Celle qui m’a quitté il y a deux ans de cela maintenant. Quand elle est partie, elle a arraché une partie de mon cœur qu’elle a emporté avec elle, je ne sais où. Je toque à la porte pour prévenir que je suis là, mais n’attends pas pour m’engouffrer à l’intérieur.

— Eh, fiston, m’accueille papa, tu arrives à temps. Ton cousin Ryan était en train de nous poser une question à laquelle je te laisse tout le loisir d’y répondre.

Ryan… mon jeune cousin, étudiant en deuxième année de médecine.

— Bon, avec mes potes on se demandait si t’avais choisi ce métier pour pouvoir mater des meufs à poil à longueur de journée ?

Je me demande quand est-ce qu’il va mûrir. Ce jeunot ne pense qu’avec son pantalon. C’est pas demain la veille qu’il est prêt pour le métier.

— Désolée de te décevoir mec, mais non, avoué-je. Contrairement aux idées reçues, je n’ai pas choisi ce métier pour mater des femmes nues. Quand une patience arrive pour se faire ausculter, on la regarde avec un œil médical, on est dans l’exercice de notre travail. Crois-moi il n’y a pas d’érotisme dans un corps médical à examiner. Ça répond à tes interrogations ?

Ça y est, je lui ai cloué le bec ! Il hausse les épaules pour toute réponse.

— Et sinon, il t’est arrivé des trucs marrants ?

Mon cousin veut faire médecine ? Au secours, les futures patientes, fuyez !

— Ah ça oui, intervient ma mère. Allez, Jules raconte lui la fois où la femme a mal compris… tu sais… intervient ma mère, en déposant une bise sonore sur ma joue pas rasée.

Elle dépose le plat encore fumant devant moi. Mon oncle et ma tante, qui se sont joints à table, écoutent avec attention l’anecdote que je suis prêt à leur livrer.

— Ah, c’est l’histoire favorite de maman. Un jour, le temps que je remplissais les dossiers sur l’ordinateur, j’explique à une cliente de se déshabiller. Sauf qu’elle l’a pris au sens littéral du terme, elle s’est mise entièrement nue. J’ai dû lui expliquer que retirer seul le bas était nécessaire. La pauvre dame ne savait plus où se mettre. Ce n’est pas facile pour une femme de se mettre nue devant un homme, elles sont toutes vulnérables au moment de se dévêtir.

— Pourquoi, tu les regardes ? demande mon cousin.

— Non, surtout pas. Je trouve toujours quelque chose à faire jusqu’à ce qu’elles soient prêtes.

— Non, mais, avoue, t’as dû en croiser des nanas canons et bien roulées, non ? Comment tu fais pour les résister ?

— Oui, il y a des patiences très jolies, mais quand je vais les ausculter, je mets une barrière psychologique. Et puis, c’est comme dans tout métier, un mécanicien qui a une cliente canon n’éprouve pas forcément du désir pour elle. On sait faire la part des choses. Crois-moi Ryan, si tu veux en faire ton métier, il va falloir te mettre ça dans le crâne ! dis-je un peu plus fermement cette fois.

— Chéri, avant que je n’oublie, ton papier de divorce est arrivée par la poste aujourd’hui, c’est officiel.

J’accuse le coup. Difficilement. Non pas que je sois encore amoureux d’elle, je suis parvenu après deux ans de séparation à en faire mon deuil. Mais, j’avais embrassé cet idéal : me marier, fonder une famille, vieillir aux côtés de ma femme. Visiblement, j’avais faux sur toute la ligne.

Ces deux dernières années ont été des plus pénibles pour moi, au même titre qu’accuser le départ d’Évangéline. Un départ précipité. Il y a onze ans de cela, elle a décidé de couper les ponts avec moi pour de bon. Je ne lui ai jamais en voulu, mais même si j’en connais la raison, j’aurais aimé lui dire au revoir.

J’ai quelques nouvelles d’elle par le biais de Caleb qui me livre quelques détails de sa trépidante vie.

Après de nombreuses hésitations, il y a deux ans de cela, peu après ma rupture, je me suis rendu à Manhattan. J’avais besoin d’expliquer à quelqu’un la raison pour laquelle Vanessa m’a quitté. Mes parents ignorent réellement le pourquoi du comment. J’ai arpenté les lieux indiqués par son frère, certain de la trouver là-bas. Avec une vive émotion, je me suis rendu au restaurant Fraunces Tavern dans Pearl Street, imaginant ce qu’elle aurait pris à déjeuner. Ensuite, j’ai flâné dans les rues, bu un café à Starbucks. Après deux journées à errer comme un fou, je suis rentré, bredouille et le cœur en miettes. J’avais perdu les deux femmes que j’aimais.

Que me restait-il pour rebondir après cette traumatique expérience ? Ma foi.

Alors que je remonte à contre-courant les déferlantes vagues de ma mémoire, j’entends ma mère balancer cette bombe :

— Au fait chéri, tu ne devineras jamais la nouvelle que j’ai appris ce matin ?

— Quoi donc ?

— Devine qui revient vivre à Blueberry ?

— Stephen ?

— Non ! Évangéline.

Je manque de m’étrangler avec mon verre d’eau. Comment ? Est-ce bien réel ? Ma Red serait retour ?


** Pour ce qui est du métier de Jules, j'ai une amie qui est gynéco et j'ai effectué des recherches sur les témoignages des hommes par rapport à leur métier. Sinon que pensez-vous de notre Jules ? moi je l'adooore... CAST : Michael Perdacher ** Marie

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16

16 commentaires

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Ahhh ahhh à suivre...

Sandelina Antowan

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Il y a 6 ans

Nom de Diou !!! Va t-il être son gynécologue ? ( smiley choqué ) mdr ! Et la barrière psychologique arrivera t-il à la maintenir ? Pour le moment , c’est un personnage qui a l’air sympathique et sans chichi . Je ne peux en dire plus, c’est encore un peu tôt pour le moment .

kleo

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Il y a 6 ans

Moi je vais adorer Jules, je crois

Claire Lossy 01

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Il y a 6 ans

Il est génial !! Un cœur énorme

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Moi aussi

celiapicardd

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Il y a 6 ans

J’aime le cœur de Jules. ❤️

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Rhooo trop happy que ça t’ait plus

Sylvie De Laforêt

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Il y a 6 ans

Je veux un Jules ! mdr Chère Marie, j'ai dévoré ton histoire avec gourmandise ! tu écris super bien et je n'ai qu'une envie, découvrir le chapitre 7 !!! Très belle histoire ! je suis fan ! ( le repas en famille, m'a fait bien rire ^^)

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

ahhh ahh eh oui ! Plein de surprises à venir pour nos deux héros. Jules mon favori...

Zalma

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Il y a 6 ans

Oui, j'aime beaucoup ! On sent tout de même l'homme qui subit plus qu'il ne choisit, surtout concernant les femmes... Mais justement, j'imagine bien que l'histoire le fera évoluer (et au fait, si je comprends bien, Eva garde le bébé :D !!).
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