Fanny, Marie Gufflet Ne dis pas "plus tard" à l'Amour 2- Eva (partie 2)

2- Eva (partie 2)

Trois jours, voilà trois jours[ 27 décembre] que ma vie sociale a pris un coup. Pour toute explication, un embryon, pas plus épais qu’un grain de riz enfoncé dans mon giron. Absolument ! Si insignifiant et déjà il exerce une emprise sur mon corps.

Juchée sur le côté, une fesse en appui sur le tabouret, un coude sur le bar, j’attends Trevor. Au téléphone, mes explications étaient on ne peut plus évasives. Après avoir passé les fêtes en famille, il a sûrement envie de me voir et ce n’est sûrement pas pour jouer aux échecs. Sa femme n’arrive visiblement plus à le satisfaire au lit. Apparemment ça a débuté avec la venue de leur premier. Il s’est plaint de son apparence négligée, de ses fatigues chroniques et de son manque d’intérêt pour lui. Leur bambin était devenue le nœud central de leur couple, mais aussi le principal responsable de leur déclin. Vais-je devenir ainsi ? Uniquement une maman ? Une femme qui voue un culte à son nourrisson ? Purée de pois cassé. Je ne suis pas certaine de désirer garder ce… cette chose intrusive qui prend possession de mes facultés motrices. Telle une sangsue, il aspire déjà mon énergie vitale.

Mon portable sonne. Gaby.

— Eh, comment ça va ?

— J’ai le moral dans les chaussettes ! Trevor doit arriver d’ici quelques minutes et je suis certaine qu’il va me sauter dessus à peine la porte passée.

— What a perv ! (Quel pervers !)

— Pas une fois il n’a tenté de prendre de mes nouvelles depuis qu’il m’a vu malade. Tout de même, s’il tenait un tant soit peu à moi, il m’aurait envoyé un sms, non ?

— Yep ! Ce mec n’est pas pour toi. Et, sinon, tu as pris ta décision ?

— Pfff… ça fait trois jours que je griffonne sur une feuille le pour et le contre.

— Et ?

— Et la liste du contre est blindée d’une vingtaine bonne raisons pour me faire avorter.

— Le pour alors ?

— Bah… il n’en contient qu’un seul : donner la vie.

Je jette un œil à la page noircie de mon écriture. Elle a élu domicile sur le bar, à côté de mon mug ébréché.

— Eva, tu devrais en parler avec ton frère, c’est un papa, il pourra te donner son point de vue.

— Hors de question ! C’est… c’est non !

— OK, easy ! (Calme-toi) Bon, tu me tiens au jus, je dois filer. Mon homme m’attend. Courage !

— Merci.

Passablement stressée, je cherche à me calmer avant que la tempête n’éclate.

J’observe les photos placardées sur mon mur au-dessus de mon canapé blanc. Ici, ma décoration est épurée dans les teintes beige. Imaginez donc un enfant dans cet écrin de sérénité.

Soudain, la panique monte d’un cran. La porte s’ouvre sur un Trevor, tout pimpant, un sourire placardé sur les lèvres. Mon cœur fait des loopings. Il retire son manteau qu’il envoie valdinguer sur le sofa.

— Salut bébé !

— Salut Trev.

Sans invitation de ma part, il m’enlace dans ses bras. L’espace d’un instant, je pense être à l’abri contre son torse, mais il a vite fait de révéler ses intentions. Malgré mon pyjama qui n’est pas du plus bel effet, il susurre à mon oreille :

— Toi, tu vas prendre cher ! Je te veux, là, maintenant !

D’ordinaire, je n’aurais pas bronché. Ça m’aurait même émoustillée, mais là, c’est l’effet inverse, une vraie douche froide.

Je m’éclaircis la voix et dis d’une voix chevrotante :

— Je dois te parler.

— Après. J’ai des tonnes d’idées pour te punir de m’avoir fait tant attendre !

Il fait la sourde oreille. Est-ce qu’il a toujours agi ainsi ? Embrouillée par mes émotions, je ne parviens plus à regarder notre passé de façon objective. Il tourne le tabouret pour que je sois parfaitement en face de lui. Il entreprend de me déshabiller.

— Non, je suis fatiguée.

— Pff… raille-t-il, ce serait bien la première fois.

— Ce n’est pas drôle.

— Dans mes souvenirs, tu as toujours été d’accord pour t’envoyer en l’air, même crevée. Que se passe-t-il, mon ange ?

— J’ai le droit de dire non.

— Oui, bien sur que tu as le droit, chérie.

Seulement il s’en fiche royalement de mon état torpide. Il poursuit ses vaines tentatives, caressant mon entre-jambe. Je crois bien que je vais lui mettre une droite.

— Stop !

Je le repousse d’une main ferme, bondis de mon siège pour mettre une distance raisonnable entre nous.

— Ouh la la… je crois que je repasserai quand tu seras plus… sereine.

C’est cela, il fuit. Encore. Trev s’apprête à enfiler sa veste tandis que je fonce sur lui. Mon self-control est élimé en quelques minutes.

— T’es vraiment un pervers, tu sais. Tu viens quand tu veux, tu te fiches complètement de savoir comment je vais et il faudrait en plus que je sois d’accord de t’ouvrir mes cuisses ? crié-je la rage au ventre.

— Je DOIS réellement parler avec toi, c’est important.

— Très bien. PARLONS !

Cette fois, il est hors de lui. Je regarde sa mâchoire tressauter, ses pupilles se dilater, ses poings se crisper. Je l’invite à prendre place sur le canapé. En parfait maître des lieux, il s’assied, pose les pieds sur la table en noyer—j’ai horreur quand il fait cela, il le sait—un regard rivé sur ma poitrine désormais opulente.

— La vache ! Ils ont doublé de volume. Tu t’es fait refaire les seins, c’est pour ça que tu es de mauvais poil ? Fallait le dire ! Je sais que c’est important pour toi et je t’ai dit que je te soutiendrais le jour où tu le ferais. Eva, chérie, tu aurais dû me mettre au courant. Je vais attendre que tu seras rétablie, après crois-moi, avec cette paire de nichons, je ne pourrais pas te laisser tranquille.

Ce n’est pas possible, je vais faire un meurtre ! Il va voir de quoi il en retourne, je suis à deux secondes de lui balancer la vérité.

— Je.Suis.Enceinte !

Son visage se transforme d’abord en un mur d’incompréhension, puis de colère. Comme si j’avais attrapé la peste, il s’éloigne de moi.

— Tu ne prenais plus la pilule ?

— Si.

—Bon, eh bien, voyons les choses sous un angle positif, tu l’as su récemment, tu ne dois pas être si avancée dans la grossesse. Tu peux encore y mettre un terme.

Mettre un terme ? Ok, j’y ai songé, mais l’entendre prononcer de sa bouche, rend l’évidence plus difficile.

— Je n’en sais rien, je n’ai pas encore décidé, avoué-je.

— Evangéline, on n’est pas bien tous les deux ? Je veux dire, sans prise de tête, sans enfant dans les pattes. Crois-moi, j’ai deux gosses, je les aime, mais c’est pour la vie. Es-tu prête à assumer ça ?

— Je te l’ai dit, j’en sais rien.

Je passe nerveusement une main sur mon front pour dissiper le mal de crâne qui me gagne.

— Pour tout avouer, je… je pensais que tu m’épaulerais si je le gardais.

Trevor part d’un rire sans joie qui me fait tressaillir.

— Écoute, garde le môme si tu veux, mais ne compte pas sur moi pour l’élever. J’ai déjà mes deux enfants, je n’en désire pas d’autre.

Sur cette hargneuse indication, mon plus-vraiment-amant enfile son manteau, sans un regard vers moi.

— Je te laisse le temps de prendre la décision qui s’impose.

— La décision qui s’impose ? Tu veux dire la décision qui t’arrange.

— Peu importe.

— Sinon quoi ?

— Sinon, je suppose qu’on ne peut pas continuer ensemble.

— Tu sais quoi, je vais te faciliter la tâche ! Dégage !

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12 commentaires

Sandelina Antowan

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Il y a 6 ans

Non mais quel connard ce Trevor !

RaïssaL

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Il y a 6 ans

Vraiment très bien ton roman ma belle, tu abordes beaucoup de sujets très interessants, c'est canon !! Par hasard, le mari de Gaby ne s'appellerait-t-il pas B.... ? LOOOL !!!

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

C sur ! La pauvre

celiapicardd

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Il y a 6 ans

Elle doit être tellement perdue ...❤️

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Rhooo ma pauvre alors ! Bon choix pour Samuel alors !!!

Sylvie De Laforêt

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Il y a 6 ans

Quel connard !!! de plus, cette histoire me replonge dans mon passé, j'ai vécu la même chose. Mais, moi, j'ai choisi mon fils Samuel au lieu de garder un homme aussi lâche que malhonnête.

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Ah tant mieux ! J’avais envie de montrer comment on peut se sentir d’être mal aimée et trop égocentrique

Zalma

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Il y a 6 ans

Le sal..ard !! En même temps, on s'y attendait... Ce type ne vient que pour s'amuser ! Extrêmement intéressant, ce thème choisi, qui ne peut que toucher le lectorat !!

Fanny, Marie Gufflet

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Il y a 6 ans

Merci.

Birdie

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Il y a 6 ans

Et voilà le pire statut : la maîtresse ! Pas le droit à l'erreur, pas le choix sinon tu assumes toute seule.... grrr ça énerve :) je m'abonne à ton histoire :)
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