Fyctia
2- Eva (partie 1)
Je suis épuisée. Comment vais-je faire pour fêter le réveillon avec une tête pareille ? Hier, après avoir vomi toute la matinée, je me suis carapatée au fond des draps soyeux. J’ai ignoré les innombrables coup de fil de Caleb. Il m’aurait sûrement allumé de toute manière. J’ai fait un jeûne forcé, ayant sauté deux repas d’affilées. Ce matin, ce n’est guère mieux.
J’ai envoyé des textos à Gabriela pour lui dire d’aller m’acheter des médicaments contre les vomissements. Pourvu que ça ne soit pas une gastro.
Je cale mon dos contre deux oreillers, allume la télévision, mais n’ai d’yeux que pour le sceau rouge près de moi. J’ai le sentiment d’être à bord d’un navire qui tangue et qui tangue sans cesse. Enfin le cliquetis de la porte retentit. C’est ma Gaby. Elle a un double de mes clés et moi un des siens. Question de survie ! Le dernier appartement que j’avais, j’étais parvenue à perdre un jeu de clés et de casser l’autre—qui devait déjà être très abimée—en tentant de retirer l’emballage d’un maquillage. Du coup, afin d’éviter toute récidive, j’avais fait le sage choix de lui laisser une autre clé.
— Eh ben, you don’t look so well (tu n’as pas l’air si bien).
— Mmmph…
Je l’observe qui déballe sur la table en noyer les médicaments pour me soigner de ces maux.
— Dis, y a un truc qui me chiffonne, tu ne serais pas enceinte, par hasard ?
— Pff… never ! dis-je en rigolant
— Sure ?
— Bah oui ! Enfin, je crois.
— Quand était-ce tes dernières règles ? questionne-t-elle.
— Euh… aucune idée. Elles sont assez irrégulières.
— Au cas où, je t’ai pris ça ! m’informe-t-elle, en brandissant le test de grossesse.
Je révulse à l’idée de devoir faire pipi sur ce machin tout bleu.
— Quand ma sœur est tombée enceinte, elle a très mal aux seins, elle. Tu as mal aux tétons ?
— Un peu, mais comme si j’allais avoir mes règles.
— Montre-les moi, s’insurge-t-elle.
— Si tu veux.
Je ne suis pas du genre pudique. Je soulève mon pyjama, un T.Shirt à Jules que je n’ai pas réussi à jeter lors de mon déménagement. Il l’avait oublié chez moi—comme de nombreuses affaires—celui-là est vite devenu mon refuge lors des journées noires. Puis il s’est transformé en un pyjama douillet dans lequel je me glisse certains soirs. Depuis, il a subi les affres du temps. Le vert sapin n’est plus tout à fait frais, le dessin de cerf, lui, est gommé par les lavages multiples. Néanmoins, il me rappelle mon Jules. Certains jours, je le ressors de mes souvenirs avant de le planquer, lui et le tissu, bien au fond du tiroir.
— Oh boy ! Tu as les seins telle une carte routière.
— C’est-à-dire ?
— Tes veines sont apparentes, tes seins ont doublé de volume. Eva, je crois que tu devrais faire ce test.
Cette fois, je ne rigole pas, mais alors pas du tout.
Gaby me regarde, les yeux vifs. Elle m’aide à le lever du canapé, attache mes cheveux roux en un hideux bob. Elle et la coiffure, ça fait deux !
— Allez, courage ! murmure-t-elle tandis que nous marchons clopin-clopant.
N’allez pas croire que Gabriela est infirmière, même si elle possède toutes les qualités humaines. Elle est professeur de français dans une école privée. Un vrai cerveau avec un vrai cœur. Elle s’est passionnée pour les langues et parle couramment quatre langues : anglais, indien, espagnol et le français.
Devant les toilettes, je grimace.
— Y a mieux comme réveillon, non ?
— C’est sûr !
On rigole jusqu’à en avoir mal aux abdominaux. Elle a beau ne pas être de ma famille, c’est tout comme. Il y a des amitiés comme cela où une rencontre scelle à jamais notre destin. Peu importe les circonstances, peu importe les semaines sans se voir, le lien entre nous demeure intacte. L’instant confère à notre situation une certaine gravité presque cérémonial.
— Tu sais, si j’étais un homme, j’aurais flashé sur toi, avoué-je.
— Pourquoi tu dis ça ?
— J’sais pas trop ! Mais, tu es vraiment sublime, même au naturel. J’en suis jalouse.
Mon amie est la beauté au naturelle incarnée. Elle a la chance d’avoir les yeux ourlés de long cils, les yeux en amande, des fossettes au creux des joues, sans oublier un charisme de douceur qui l’entoure en permanence.
Soudain, j’ai une boule qui vient se loger au fond de ma gorge. Non pas une boule, un caillou énorme qui ne parvient pas à passer.
— Gaby, je suis terrorisée.
— I know.
Sans embarras, je descends ma culotte et fais pipi sur le test.
— Zut, je me suis fait sur la main, pesté-je. Viser, c’est vraiment un truc de mec !
Pas vraiment prête pour affronter l’inéluctable, je remets le capuchon, place le maudit objet hors de ma vue. Non sans retenir un autre haut-le-cœur, je sors de la salle de bain, mon amie à mes trousses.
— Eh, ça va aller.
Voilà, je pleure.
— Je ne peux pas être enceinte, tu comprends ? Je suis trop jeune, je ne suis pas prête et je n’ai pas la fibre maternelle. Sérieusement, si je suis… enfin, tu vois, je fais quoi ?
— Time will tell (le temps nous le dira).
Angoissée, je fais les cent pas dans la pièce. Soudain, j’ai un petit rire sans joie.
— Quoi ?
— Trevor. Il a fui quand j’ai vomi hier. Imagine quelle réaction il aura si je lui annonce une grossesse.
— Tu sais ce que je pense de lui.
— Yep !
Dès leur rencontre, mon amie—qui est appréciée de tout le monde, je vous jure, il y a des gens comme ça—et lui, se sont disputés bec et ongle pour choisir le lieu de mon anniversaire. Je les avais présentés car, j’avais expressément demandé à Gaby de m’organiser un anniversaire surprise. Pas tellement surprise, vu que j’étais à moitié au courant, mais bon. Trevor qui avait des goûts de luxe, n’arrivait pas à trouver l’entente parfaite avec Gabriela à ce propos. Le jour de ma soit-disante party, mon amie avait toutes les peines du monde à garder son calme habituel. L’atmosphère tendue était palpable entre eux.
— Il est l’heure, m’apprend-elle.
— Go. Without me… (Vas-y. Sans moi)
Ce qu’elle fait. Quand je l’entends qui revient vers moi, je ferme les yeux. Je suis une froussarde. Apprendre qu’on est enceinte contre son gré n’est pas vraiment réjouissant. Enfin, ça reste à vérifier.
— Eva, ouvre les yeux.
— Mmmph…
— Come on !
Comme je n’en ai cure, mon amie prend ma main et y dépose le test qui, à présent, semble peser une tonne.
— La vérité, c’est comme un pansement, il faut vite l’arracher pour que ça soit moins douloureux.
Je respire un bon coup et ouvre les yeux.
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Sandelina Antowan
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Il y a 6 ans
RaïssaL
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Il y a 6 ans
Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 6 ans
Claire Lossy 01
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Aurélie Lefeuvre
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Fanny, Marie Gufflet
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Aurélie Lefeuvre
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Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 6 ans
celiapicardd
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Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 6 ans