Fyctia
Prologue- Jules
Onze ans auparavant...
Quand Eva et moi étions plus jeunes, on passait beaucoup de temps dans mon jardin. Je ne lui avais pas expliqué que j’avais construit cette tente-là avec Pénélope, ma sœur. Il me paraissait normal de l’y convier. Cet endroit est vite devenu notre secret.
On se retrouvait là, sous le tissu épais, à bouffer des Kinder, tout en planifiant le futur. Evangéline rêvait d’ouvrir son magasin de vêtements, moi, je désirais être docteur. Réparer les gens cassés, les aider à aller mieux, était pour moi une évidence.
Personne d’autre qu’elle a mis les pieds dans cet antre.
Comme je l’aurais fait enfant, je suis assis à même le sol, les écouteurs sur mes oreilles, je médite. Je pense à mille et une choses. J’analyse ma vie, mes envies, mes erreurs.
Me suis-je planté d’avoir embrassé Red ? Je n’aurais peut-être pas dû lui dire que je l’aimais. À présent, elle me manque. Je n’ai jamais eu la certitude qu’elle serait la femme de ma vie, mais j’avais pourtant le sentiment que nos destins étaient intimement liés.
Je perçois une silhouette dans le jardin. Mon cœur fait des bonds. Peut-être Eva. J’enlève mes écouteurs.
La personne s’arrête devant l’entrée. Tout ce dont je perçois est une jolie paire de jambes. Des pieds. Des orteils. Et une couleur. Un vernis corail. Oui, parce que cette couleur, je la connais trop bien. Eva m’a rabâché les oreilles que ce n’était pas simplement de l’orange, ni du rouge, mais un mélange des deux.
Et puis, je suis un fanatique des pieds. Evangéline a selon moi, les plus beaux orteils du monde. J’exagère à peine ! Je ne bouge pas. Elle bat sa sandale sur la terre, histoire de m’alerter de sa présence. Amusé, je passe mes doigts sur sa cheville et attends qu’elle vienne à l’intérieur. Mais c’est Red. Elle me fait poireauter. Elle se fait désirer. Zut ! Je me dis qu’elle est là, c’est tout ce qui importe. Je passe ma tête par ce qui est supposé être une porte. Ma meilleure amie porte un short qui met en valeur ses formes. Je me fais violence pour regarder ses yeux, non ses fesses. La dernière chose que je voudrais est de passer pour un obsédé. Purée de patate, elle est grave sexy ! Mais, je feins le désintérêt, je suis censé lui dire que je tourne la page. Ce qui est vrai. C’est ma nouvelle mission : oublier Eva, la considérer qu’en simple amie.
J’affiche mon plus beau sourire et l’invite à entrer dans le repaire.
— Viens !
Elle se met à quatre pattes et me rejoint. Ses cheveux roux sont ramenés en une tresse. Ça lui donne un air enfantin et presque innocent. Presque…
— Il fait une de ces chaleurs là-dedans, Jules ! On n’est pas un peu trop grands ?
— Non ! Alors, tu ne peux plus te passer de moi, c’est ça ? la taquiné-je.
— Ah ah ! Tais-toi avant que je ne parte.
La revoilà, la Red qui aboie des ordres.
— Avant que tu ne me charries, je préfère te dire, si je suis là, c’est pour t’annoncer que je te pardonne.
Ben voyons ! Une façon à elle de contourner les excuses. Ce qu’elle peut être têtue !
— Et ?
— Et c’est tout ! Tu m’as menti et tu m’as embrassée, donc j’estime que tu as beaucoup de chance si je te pardonne.
— Merci. Moi aussi je te pardonne. Mais, ça serait bien un de ces quatre que tu apprennes à dire pardon.
Elle sourit.
— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? Mon corps musclé dans un costume aux funérailles ?
On rigole. Je suis tout, sauf musclé.
— Ton discours. Tu as fait allusion aux regrets et au pardon… bref ! Tu as le chic pour entrer dans la tête des gens et mettre les émotions sens dessus-dessous.
— Ah ! C’est le talent, que veux-tu !
On est assis l’un à côté de l’autre et je sens son parfum sucré, un mélange de vanille et de fruits. Là, je ne peux m’empêcher de repenser à notre baiser. Mama Mia… Red est là, à parler de je ne sais quoi, tout ce dont je suis capable de faire est de contempler sa bouche rouge. L’oublier va être difficile ! Finalement, je profite d’un silence pour lancer ma bombe :
— Au fait, je désire que rien ne change entre nous, OK ?
— Moi non plus.
— Désolé pour le baiser, c’était un délire passager.
— OK…
— J’ai décidé, grâce à ces deux semaines, de t’oublier. Je veux dire de passer au-dessus de mes sentiments amoureux pour toi. Voilà, je dois tourner la page et accepter qu’entre nous, il n’y aura que de l’amitié.
Red parait soulagée. J’avais espéré qu’elle se jetterait à mon cou pour me dire de l’aimer encore, mais non !
— Merci Jules. Tu es mon meilleur ami !
— Évidemment ! Qui d’autre pourrait te supporter, hein ? rigolé-je.
Elle me fait une tape sur le bras. Une habitude qu’elle a. Je suis un homme battu !
— Aïe ! Alors… le Tatoué et toi, c’est du sérieux ?
— Qui ça ? Ah ! Jimmy. Euh… j’sais pas. Il embrasse drôlement bien, c’est déjà pas mal.
— C’est tout ? Vous ne faites que vous peloter quand vous êtes ensemble ?
— Euh… en fait, oui ! Et non… on…
— OK… pas de détails sordides !
Jimmy ! Quel prénom débile ! Je suis sûr que ce mec n’a rien dans le crâne.
— On a rompu, ajoute-t-elle.
Ouf !
— Je ne vais pas te mentir en disant que j’suis désolé. C’était un gros naze !
— C’est vrai ! Bon, tu me files des Kinder ?
Je fouille dans ma boite et en sors un pour elle. Comme au bon vieux temps, on se met à s’empiffrer de sucre en parlant du futur.
— Alors ? Comment tu te vois à trente ans ? demandé-je.
— Mariée, avec deux enfants. Pas d’animaux domestiques !
— Ah ça, vaut mieux pas ! Tu te rappelles de Dinosaure ?
— Oui, mon chiot tout mimi que j’ai oublié dans le parc.
— Et notre oiseau que tu as laissé mourir ? ajouté-je
On a eu cette période folle, où nous avions acheté un oiseau. On se partageait la garde une semaine sur deux.
— Je ne l’ai pas laissé mourir, réfute-t-elle, j’ai oublié de lui donner à manger. Nuance ! Pauvre Medicus ! En même temps, si c’est moi qui avais choisi son prénom, il ne serait peut-être pas mort. Qui pourrait se rappeler de donner à manger à un oiseau avec un nom aussi bizarre ? Il n’y a que toi pour choisir des mots latins.
— Ça veut dire médecin.
— Ben… ça ne l’a pas empêché de mourir. Toi, tu seras comment à trente ans ?
Eva met la dernière barre chocolatée dans sa bouche, avant de m’arracher la mienne des mains.
— Je serai un docteur, beau, musclé et marié à une jolie brune. Elle sera enceinte de six mois. On aura des jumeaux et on habitera dans le quartier le plus chic de Blueberry.
— Tu veux moisir ici, toi ? Moi, je refuse après le lycée de rester dans les parages et de faire ma vie ici.
— Pourquoi ? Tu aimes tes parents et tu as eu une enfance heureuse. Où est le mal ?
— Ben… c’est Blueberry. Moi, Yvertale m’attend, tu t’en souviens ? Ou Paris pour mes défilés de mode.
— Ah c’est vrai !
— Tu viendras me voir et je t’habillerai, personnellement. T’auras un look d’enfer !
Si seulement on pouvait avoir la certitude de réaliser nos souhaits, la certitude d’éviter les mais ni elle, ni moi, ne sommes préparés aux événements futurs.
— Jules, quoique je fasse, tu seras toujours là, pour moi ?
— Eva, pourquoi tu me demandes ça ?
— Simple question.
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Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 6 ans
Sandelina Antowan
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Chloé Mondon
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Fanny, Marie Gufflet
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