Fyctia
Chapitre 11 (Malo)
Je tapote nerveusement le volant en pensant à ce qui s’est passé hier. Bon sang, j’ai couché avec Lucie. Le pire, c’est que je ne m’en rappelle même pas. Tout est flou, embrouillé. Quel con. Dire que je fantasme sur ce moment depuis des jours. Et maintenant… Je me suis mis dans de beaux draps. Comment je vais gérer tout ça ?
Je ne suis pas sûr de vouloir m’engager dans quoi que ce soit. Pas maintenant. Et puis, pour le boulot, ça craint. Personne ne doit savoir pour nous. S’il l’apprend, Laurent va nous tomber dessus. Il sautera sûrement sur l’occasion pour me faire payer. Au mieux, j’aurais droit à du chantage. Au pire, il nous vire, Lucie et moi. Je refuse d’être à l’origine de son licenciement. Je soupire en pensant qu’il faudra que je retourne la voir ce soir pour mettre les choses au point. J’ai peur qu’elle attende plus de moi que ce que je suis prêt à lui offrir pour l’instant.
Je tourne dans l’allée menant à la maison de mes parents. Il fut un temps où je m’y sentais comme chez moi, j’aimais y vivre. Gamin, cet endroit était pour moi le paradis. Avec son immense jardin, ses arbres fruitiers et le petit cours d’eau qui passait derrière, cette vieille demeure du 19e siècle était mon royaume. Entouré de l’amour de mes parents et de ma grande sœur, je me sentais le maître de l’univers.
Maintenant, c’est avec une certaine appréhension que j’en franchis le portail. Le temps a creusé un fossé entre mon père et moi, sans que je ne le veuille vraiment. Avant j’étais son enfant chéri, celui qui reprendrait le flambeau. Mais, en grandissant, il était devenu évident que mes rêves n’étaient pas ceux de mon père. Lui me voyait hériter de son entreprise, devenir un modèle à suivre pour chaque employé. Moi j’étais un doux rêveur, plus attiré par les arts, m’imaginant vivre de mes passions, sans me préoccuper de rien d’autres. J’étais insouciant, un vrai gamin, mais on ne peut renier ce qu’on est au fond de nous.
La gestion, la paperasse, ce n’est pas mon truc. Ma réelle passion, c’est la photographie. Tout a commencé lors de mon 12e anniversaire quand ma mère m’a offert mon premier appareil photo. Un appareil argentique à l’ancienne, un Minolta X 300. Cet appareil lui appartenait et elle estimait qu’à mon âge, j’étais assez responsable pour l’avoir. Elle m’a fait ce jour-là le plus beau des cadeaux. Un présent qui a tout changé. Pour le meilleur et pour le pire.
J’ai découvert ce que je voulais faire de ma vie, mais mon père n’était absolument pas d’accord. Comment son fils pouvait-il vouloir faire un travail si peu sérieux, si aléatoire ? Pour lui, seuls des marginaux ou des fous faisaient ça. Il était donc hors de question que j’exerce un métier pareil. On s’est de nombreuses fois heurter à ce sujet. J’ai dû faire des compromis pour ne pas faire exploser ma famille. Je suis donc devenu graphiste. Un travail de bureau qui me plait à moitié. Mais même là, je reste pour mon père la déception de sa vie.
Je me gare dans l’allée et coupe le moteur. Les mains toujours accrochées au volant, je me prépare mentalement à ce qui m’attend derrière cette porte.
- Malo ! Enfin, te voilà !
Sortant de la cuisine, Olivia m’intercepte dans l’entrée. Elle tente de me prendre dans ses bras mais son ventre rond ne nous simplifie pas la tâche. Elle se met à pouffer quand je bute dessus.
- Il faut que tu arrêtes de t’empiffrer, Oli. Bientôt, tu ne passeras plus la porte !
Elle fronce ses jolis sourcils avant de me donner une tape énergique sur le bras. Heureusement qu’elle est là. Ma sœur, mon double. On est comme les doigts de la main, soudés et toujours là l’un pour l’autre. C’est la seule raison pour laquelle je me tape encore ces repas de famille.
- La ferme, gros malin. Et toi, tu étais où pour être autant en retard ?
Je me racle la gorge et détourne les yeux. D’habitude, je réussis à m’éclipser de bonne heure de l'appartement de la fille avec qui j’ai passé la nuit. Mais cette fois, j’ai été bien moins prévoyant et moi voilà chez mes parents avec mes habits de la veille. Olivia scrute mon visage avec insistance. Elle me connait trop bien. Je suis sûr qu’elle a compris que quelque chose clochait. Heureusement que je ne lui ai pas encore parlé de Lucie. Je sens qu’elle va me cuisiner jusqu'à ce que je crache. Mais je me dirige vers le salon avant qu’elle n’ait le temps d'ouvrir la bouche.
C’est maman qui me voit en premier. Son visage s’illumine aussitôt.
- Malo ! Enfin, je commençais à m’inquiéter.
- Bonjour maman. Désolé pour le retard, m’excuse-je en lui faisant la bise.
- Ce n’est plus du retard à ce stade, rétorque mon père d’un ton acerbe.
Je me fige devant sa remarque hostile, mais je ne réplique pas.
- Bonjour, Malo.
Mon beau-frère me tend la main et esquisse un sourire compatissant. Le pauvre Yann, obligé tous les weekends de supporter la mauvaise ambiance familial des Beauchamp.
Je m’assieds, sans rien dire et tend mon assiette à maman. Je l’observe en me disant qu’elle doit vraiment souffrir de cette situation elle aussi. Même si je sais qu’elle ne s’opposera jamais à mon père, elle essaie tout de même de garder un semblant d’esprit familial. Le repas se poursuit dans un silence de mort. A priori, mon arrivée a jeté un froid. Comme d’habitude. Des fois, je me demande pourquoi je viens. Je ne fais que créer des tensions par ma seule présence.
Le repas terminé, je me réfugie dans la cuisine avec ma mère. Mon père, Yann et Olivia vont s’installer le canapé. Mettre de la distance entre lui et moi, c’est ce qu’il y a de mieux à faire.
- Tu vas bien, Malo ?
Maman pose sur moi son regard inquiet. Regard auquel j’ai droit depuis ma rupture. Elle a toujours été maman poule, mais depuis ce jour-là, ça devient carrément obsessionnel.
- Mais oui, maman. Arrête donc de t’inquiéter.
- C’est juste que tu sembles tellement fatigué.
- Je t’ai dit, je suis sorti hier soir.
- Ce n’est pas très responsable, Malo. Tu as un travail maintenant. Tu ne peux pas continuer à faire la fête comme si de rien n'était.
- Maman…
Je lève les yeux au ciel. Bon sang, que cette journée se termine au plus vite, je vous en prie. Ma corvée terminée, je sors de la cuisine, mais je ne rejoins pas les autres. Je préfère rester en retrait. Olivia rit aux éclats tandis que Yann et mon père discutent avec entrain. Je n’ai pas ma place ici. Je suis de trop. Depuis un moment d’ailleurs. J’espère un jour me sentir de nouveau chez moi ici. Mais quand ? qu’est-ce qui pourrait faire en sorte que mon père m’accepte, que ma mère cesse de me couver ? je me laisse tomber dans le fauteuil collé à la fenêtre et laisse mon esprit dériver en regardant dehors.
Evidemment, il s’envole vers une belle brune au regard de braise. Lucie. Je sors mon portable de ma poche.
(Est-ce que je peux passer te voir ce soir ?)
Je fixe l’écran. Les minutes défilent et toujours pas de réponse. Je commence à devenir nerveux. Puis soudain, un bip.
(Avec plaisir. Hâte de te retrouver.)
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alexia340
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Morganou
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LunaJoice
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Peluuches
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