Fyctia
Chapitre 1
Paris – 31 décembre 2023
Théo
On dirait que mes veines vont éclater, mes tempes exploser et mon sang gicler de partout.
Mais ouf, quel bonheur !
Je m’enivre à l’excès de cette adrénaline positive. Je pourrais presque ressentir les molécules de dopamine parcourir mon organisme. Et quand je relâche la barre, le bruit métallique parfait la sensation d’un travail accompli. Le surpassement de soi est la seule chose qui me réconforte dans cette société nombriliste qui se nourrit du malheur des autres. Je conçois que c’est un peu sournois de qualifier ainsi le monde qui m’entoure, quand on sait que je gagne ma vie grâce aux réseaux sociaux, mais je m’en branle !
Si je me réjouis de mes efforts, j’ai tout de même une petite crispation qui ne me quitte pas. Difficile de reprendre mon souffle, l’oxygène me manque. La récupération est compliquée aujourd’hui et pour cause, quand on ne fait plus attention à son hygiène de vie, faut pas s’étonner. Ces temps-ci, j’abuse un peu trop. Entre un client de quarante balais qui m’entraîne dans de folles soirées et les Mcdo que j’enchaîne par flemme de me préparer à manger, ça fait deux ou trois semaines que je suis entré dans une spirale infernale.
Suis-je trop influençable ? Probablement, et quel comble pour un influenceur qui condamne ouvertement l’alcool et la junk food ! Ça fait de moi un bel hypocrite !
Et il ne faut pas se leurrer, ce soir je vais remettre ça. Ce ne sont pas les invitations à la débauche qui manquent. La faute à la célébrité. Je me convaincs que je vais me ressaisir pour la nouvelle année, mais je ne suis plus sûr de rien.
— Excuse-moi !
« Oh, tu es tout excusée », me dis-je quand je découvre la belle créature qui m’a accosté. Blonde avec une queue de cheval qui passe à travers la boucle de sa casquette NY pour longer son dos, legging de sport moulant mettant en valeur son cul parfaitement sculpté et une superbe poitrine pile poil à la bonne taille.
— T’es Halthéohile, c’est ça ? poursuit-elle d’une voix suave.
— Yep ! T’es l’une de mes followers ?
Elle sourit de toutes ses dents hollywoodiennes, fait glisser une main sur ses cheveux soyeux et cambre son postérieur.
— Ouais. J’adore tes vidéos. Surtout celles sur la nutrition. J’apprends pas mal de trucs.
Si tu connaissais mon train de vie du moment, tu ne dirais pas ça, crois-moi !
— Je suis content si c’est instructif. C’est pour ça que je les fais, ces vidéos. Sans vous, je ne suis rien.
— Modeste en plus ! dit-elle d’un air charmeur.
Bon, elle veut quoi en fait ? Me ramener chez elle ?
— T’as une meuf ? me demande-t-elle de but en blanc.
J’aime ce genre direct ! Ah, les femmes ! Une addiction qui perdure depuis bien plus longtemps que ma nouvelle passion pour les soirées alcoolisées. Je dirais que ça a commencé quand je me suis métamorphosé et que j’ai commencé à gagner en assurance.
— Non, et toi, t’as une meuf ?
Un silence de quelques secondes, suivi d’un fou rire à n’en plus terminer. Puis quand elle se reprend enfin, elle lance d’un ton très sérieux :
— Non, j’aime les hommes. Les vrais hommes.
Il y en a des faux ? Peut-être une allusion à toute cette communauté dont l’acronyme n’en finit plus. D’ailleurs, je les soutiens dans leur combat pour se faire accepter. Je ne connais que trop bien les ravages causés par ce sentiment d’exclusion, sous prétexte qu’on est différents.
— Écoute, là il me reste une séance de coaching dans un quart d’heure et j’aurai terminé ma matinée. On peut se retrouver après …
— On peut prendre un verre chez moi si tu veux, répond-elle emplie de détermination.
J’affiche un rictus et acquiesce de la tête. Comme elle n’a pas froid aux yeux, je me calque à son tempérament et j’agrippe le téléphone qu’elle tient dans la main pour y entrer mon numéro.
— Envoie-moi ton adresse et je te rejoins après.
Bien entendu, je prendrai mes précautions, comme à chaque fois.
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