Fyctia
4. MASON
*Mason*
À côté de moi, assise sur une chaise en plastique, Breslin tient le chronomètre en même temps qu'elle regarde les vidéos de la soirée d'hier sur Instagram. Après m'être échauffé à sec et dans l'eau, je me prépare maintenant à faire des longueurs en nage libre. J'aime m'entraîner le vendredi après-midi, mais le coach et ses assistants ne sont jamais disponibles. Alors, je n'ai pas eu d'autre choix que d'accepter l'aide de la rouquine, qui n'a pas arrêté de parler depuis qu'on est dans l’espace aquatique de la fac.
— Oh, je n'avais pas vu que Joshua était à la fête. Quoi? Regarde ça.
Elle tend le téléphone dans ma direction alors que je suis en train de mettre les lunettes de natation.
— C'est bien Sarah qu'il est en train d'embrasser là? Il m'avait dit une fois qu'il ne sortirait jamais avec elle.
Elle reprend son portable et continue de scruter l'écran en secouant la tête. Sans rien commenter, je me place sur l'un des dix plots de départ surélevés et incrustés sur le bord de la piscine. Je roule des épaules et me positionne, un pied en avant, l'autre en retrait. Je jette un œil vers Breslin pour lui indiquer que nous pouvons commencer, et elle lâche enfin son smartphone. Je me cambre, accroche les mains à la plate-forme et redresse la tête.
Lorsque le départ est donné par mon amie, je plonge, bras et jambes tendus.
Je pratique la natation depuis mon enfance. Cela a toujours été ma façon de dépasser mes propres limites. Et bien que je participe à des compétitions universitaires, je ne cherche pas à devenir professionnel. Mon objectif c'est l'École de Médecine de Harvard. Et ils n'ont rien à faire que je sois un bon athlète ou pas. Cela peut être un atout. Mais ce qu'ils recherchent réellement c'est l'excellence académique.
Arrivé à la fin de la longueur, j'effectue un demi-tour en poussant sur le mur du bassin avec mes jambes. Je continue les allers-retours jusqu'à compléter les cinq cents mètres.
— 4 minutes 29 secondes et 64 centièmes, crie Breslin lorsque j'émerge de l'eau, en m'accoudant au bord du bassin.
J'extirpe violemment mes lunettes, des gouttes éclaboussent mon visage. Je pose les paumes sur le bord et me hisse sur les bras pour sortir de la piscine. Je m'avance jusqu'à la chaise où est posée ma serviette, et la prends pour m'essuyer.
— C'est mauvais Mason, déclare-t-elle en grimaçant.
— Ouais, je sais. Je n'aurais pas dû boire hier, si je comptais m'entraîner aujourd'hui.
— Tu crois vraiment que ça vaut le coup d'en faire encore, en sachant à l'avance que tu n'es pas en forme?
— Tu as peut-être raison.
Soudain, elle se retourne de sorte qu'elle se retrouve dos à moi. Elle tend le bras, l'écran du téléphone tourné vers son visage.
— Qu'est-ce que tu fais?
— Je prends un selfie. Mon nombre de likes décolle quand tu apparais torse nu en deuxième plan sur mes photos. Pousse un peu la serviette. On ne voit rien là.
La rouquine appuie tellement vite sur le bouton que je n'ai même pas le temps de me cacher. Elle affiche une mine toute joyeuse en pianotant sur son portable. C'est dur de lui en vouloir. Breslin est ma meilleure amie depuis ma première année au Boston College. Maintenant, nous sommes Sophomores tous les deux, mais le seul cours que nous avons en commun c'est l'anglais.
— Oh non, grommelle-t-elle en levant les yeux au ciel.
Quand je me retourne, j'aperçois Addison qui fonce tout droit vers nous. Elle porte un legging noir et une doudoune grise, l'emblème de notre fac bien visible dessus. Ses cheveux blonds sont attachés en une tresse qui tombe sur son épaule. Addi fait partie des Cheerleaders et depuis quelque temps nous faisons du bénévolat ensemble.
— Salut Breslin. Mason.
— Salut, répond mon amie d'un ton las.
— Salut.
— Tu n'étais pas au Breakfast Club ce matin, affirme-t-elle sans ménagement, tout en me fixant. Certes, on n'a pas reçu la confirmation de ta présence, mais je pensais vraiment que tu viendrais.
Merde. J'ai complètement oublié. Les lendemains de match, je ramasse les déchets aux alentours du campus avec l'association. Normalement, je me lève deux heures avant d'aller en cours pour le faire, mais aujourd'hui, j'étais déjà en retard pour la chimie.
— Désolé Addison, dis-je en lâchant un soupir. Ce matin, j'avais cours et je n'y ai pas pensé.
— Tu étais à la fête des basketteurs hier?
— Non.
— Et demain matin? insiste-t-elle. Tu pourras m'aider pour la physique?
Toujours assise, Breslin lève encore les yeux au ciel. Cette fois, de manière théâtrale.
— Demain, il ne pourra pas, répond-elle à ma place, clairement agacée para la présence de la blonde. On va à un concert ce soir. Et on ne sait pas à quelle heure on va rentrer.
Je lui ai raconté ce qui s'est passé au Great Franz et elle est partante pour aller au Heaven's Corner avec moi ce soir. Comme si elle allait refuser une opportunité de faire la fête.
— Ah bon? Vous allez voir quoi?
— Ce n'est pas ton style de musique, c'est sûr!
— Comment tu sais ce que j'aime? demande Addi en pivotant vers Bre.
— Je le sais. C'est tout.
La rouquine effrontée toise la blonde de haut en bas d'un regard dédaigneux. Breslin n'aime pas Addison. En réalité, je crois qu'elle la déteste. Une histoire qui date du lycée. Moi, je m'en fous un peu. Je n'ai pas trop le temps de penser à toutes ces conneries.
— Je peux venir avec vous?
Quoique là, ça commence à me concerner. Je ne suis pas dupe. Addison me fait du rentre-dedans depuis qu'on se connaît. Et je n'ai vraiment pas besoin d'elle ce soir. Ce soir, j'ai d'autres chats à fouetter.
— En fait Addi, je commence. On n'a plus de place dans la voiture.
Je lance un regard furtif à mon amie et elle arque un sourcil.
— Ah! s'exclame-t-elle en plongeant les deux mains dans les poches de son manteau.
Elle baisse les yeux et sa mine prend un air attristé.
— Mais si tu veux y aller avec tes amis, c'est au Heaven's Corner à 9 heures.
Argh! Je me hais. C'est plus fort que moi. Je n'arrive pas à blesser les gens. Pas après mon expérience de l'année dernière en tout cas.
— Super! À plus tard peut-être alors.
J'esquisse un sourire. Mais Breslin ne se donne pas autant de mal. Addi hoche la tête, tourne les talons et s'en va. Dès qu'elle s'éloigne, mon amie me regarde, les yeux écarquillés.
— Sérieux! Tu l'as invitée?
— Je ne l'ai pas invitée. J'ai dit qu'elle pouvait y aller avec ses amis.
— Tu es courant que c'est exactement la même chose? Addison ne connaît pas la nuance.
Je hausse les épaules et récupère mon sweat.
— Viens, on s'en va. Tu as raison. Ça ne sert à rien de continuer.
J'enfile mon pantalon de survêtement et on avance jusqu'à la sortie de l'espace aquatique.
— Il va falloir que j'invite Weston et ses potes maintenant pour remplir la voiture au cas où elle se pointerait.
La rouquine rejette la tête en arrière et se met à rire à gorge déployée. Elle n'a même pas besoin de parler. Je sais la merde que je viens de faire.
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39 commentaires
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