Samara Alves MY WILD GIRL 3. ASTRA

3. ASTRA

*Astra*


Comme d'habitude, je suis à la bourre. J’enfile mon sweat bleu marine du Greek Market et relève mes cheveux en une queue-de-cheval. Devant le miroir fêlé, fixé au mur, je m'aperçois que les traces de mon maquillage d’hier soir sont toujours visibles, juste au-dessous de mes cils du bas. Merde! Ça m'apprendra à ne pas m'endormir maquillée. Tant pis!


— Astra, j'ai faim! grommelle Ava sur le seuil de la porte.


Quand je la vois, je lâche un soupir, soulagée qu'elle soit déjà prête. Au moins entre nous deux, il y en a une qui connaît le sens des responsabilités.


— Oh, tu ressembles à un panda, raille-t-elle.


Je lui tire la langue et elle m'imite.


— Ne fais pas ça à l'école, s'il te plaît. Allez, file dans la cuisine. Il faut encore que je demande à ton père de me prêter sa voiture.


Ava s'en va et je lui emboîte le pas, mais je m'arrête tout à coup dans le couloir, devant la mince ouverture de la porte de la chambre de notre mère. Elle est complètement avachie sur le matelas, un bras pendant hors du lit, les cheveux moites plaqués sur son visage. Sur la table de nuit, j'aperçois la bouteille d'une vodka bon marché presque vide. Je ferme les yeux, en essayant de rassembler toute ma force mentale. Ce n'est qu'une journée de plus.


— Astra!


Sitôt que j'entends la voix aigüe de ma frangine, je sursaute en même temps que je ferme le battant pour l'empêcher d'être témoin de la scène. Et c'est ce que je fais tous les jours pour Ava. La protéger. La protéger de la réalité. Comme j'aurais aimé que l'on ait fait avec moi. Parce que parfois, l'irréel est tout ce dont on a besoin pour être heureux.


— Allez, je t'ai dit de filer dans la cuisine.


— Mais je ne sais jamais quelle est la quantité de céréales que je dois mettre dans le bol. Tu le fais tellement mieux que moi.


Elle porte les deux mains au cœur et se met à ciller, m'arrachant un sourire. Elle sait que je ne peux pas résister à ses yeux doux. La petite brune tourne les talons et part dans la cuisine. Je la suis.


— Salut papa! s'exclame-t-elle en voyant le vieil ivrogne qui lui sert de père.


Installé à table, il se masse le front, tentant sûrement de calmer les migraines qui surgissent lorsqu'il n'est pas en train de se saouler. Il répond à sa fille par un grognement, même pas foutu d'aligner deux mots de bon matin. En ignorant sa présence, j'ouvre le placard afin de prendre la boite de céréales. J'en mets une certaine quantité à l'intérieur du bol en forme d'ours, posé devant Ava, sagement assise. Je m'avance jusqu'au frigo pour récupérer le lait, mais avant de le verser sur les Froot Loops, je le porte à mon nez pour m'assurer qu'il n'est pas périmé. Je suis certaine que ça fait moins d'une semaine que je l'ai ouvert, mais dans cette maison, on ne sait jamais.


Quand elle commence à manger, je m'appuie contre le plan de travail en croisant les jambes au niveau des chevilles. Je nettoie mes ongles discrètement. Je le fais toujours quand je m'apprête à faire quelque chose dont je n'ai pas envie.


— Tu ne manges pas? demande-t-elle.


— Je n'ai pas faim. Allez, mange vite! On va arriver en retard sinon.


J'inspire profondément, en me haïssant d'avance d'être obligée de demander une faveur à l'autre abruti.


— En fait Jerry, tu pourrais me prêter ta voiture pour emmener Ava à l'école et aller bosser? La mienne est tombée en panne hier. Elle est chez le garagiste.


Il ne me répond pas tout de suite. Au lieu de ça, il se rencogne contre sa chaise en croisant les bras sur la poitrine. On dirait que sa migraine vient subitement de passer. Un sourire arrogant s'imprime sur ses lèvres desséchées.


— Je me disais bien que je n'avais pas vu ta caisse pourrie hier quand on est rentrés avec ta mère.


Connard! Apparemment, tu peux parler maintenant!


— Son école n'est qu'à vingt minutes à pied, continue-t-il. Et le temps dehors n'est pas très mauvais. Peut-être que j'aurai besoin de ma voiture plus tard, je ne peux pas te la prêter. Pourquoi tu ne paies pas un de ces bus qui transportent ces petits morveux?


— Elle n'a que six ans!


— Bientôt sept! intervient Ava, comme si on était en train d'avoir une conversation normale.


Je supplie à son inutile de père de me prêter sa putain de voiture pour amener sa fille à l'école. Ce n'est pas une conversation normale.

Quel genre de père fait ça?

Le même genre qui abandonne sa fille.


— J'ai fini Astra!


— Allez, va prendre ta veste et ton cartable.


— À plus tard, dit-elle en s'adressant à son père, qui se contente de lui faire un signe de la main.


Dès qu'elle part de la cuisine, je fais un pas vers son géniteur, m'arrêtant devant lui. Il me scrute, toujours le même air cynique.


— Va te faire foutre! je scande en murmurant.


Il ricane mais ne réplique pas.



****



Une fois sur le perron, je me baisse pour bien fermer le dernier bouton du manteau d'Ava. J'arrange son écharpe et prends sa main en descendant les marches. Normalement, il neige à Boston au mois de février, mais apparemment, aujourd'hui on a de la chance. Chance. Quel choix de mot!


En marchant le long des larges trottoirs, ma sœur me raconte ce que sa prof a prévu pour le cours de ce matin. Bien que sa joie candide soit contagieuse, il est difficile pour moi de faire abstraction de la haine que je ressens envers Jerry, mon beau-père.


Pendant longtemps, je n'ai vécu qu'avec ma mère, après que mon père nous a quittées. Elle avait déjà quelques problèmes, mais quand il est parti, tout s'est empiré. L'alcool, les paris. Jusqu'au jour où elle a décidé qu'emmener un homme à la maison réglerait nos soucis. Ça l'aurait pu. Si elle ne s'était pas démenée pour trouver la pire espèce. Et puis, elle est tombée enceinte.


— Astra! Astra! m'interpelle Ava en me tirant la main. Tu m'écoutes pas.


— Mais si, je t'écoute. Continue.


— J'ai plus envie. J'ai envie de jouer maintenant. Viens, on va voir jusqu'à combien je peux compter. Je vais compter nos pas, et si je n'arrive plus, tu me dis de recommencer. Allez! Un, deux, trois, quatre, cinq...


Je souris en secouant légèrement les épaules. Et voilà comment elle est capable de rendre le moment moins pénible. En tout cas, son jeu fonctionne. On arrive rapidement devant le grand bâtiment de briques rouges. J'amène Ava jusqu'à sa classe et la confie à sa prof sans tarder.


Il faut que je me dépêche. Bien que le Greek Market ne soit plus très loin, j'arriverai quand même en retard. Je soupire.

Ce n'est qu'une journée de plus.



_________

Merci beaucoup de prendre le temps de me lire.

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32

32 commentaires

MesMotsDazur

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Il y a 3 ans

Je pensais vraiment qu'il s'agissait de sa fille. La vie n'a vraiment pas du tout été tendre avec elles, la candeur d'Ava face à tout ça est touchante, on comprend pourquoi Astra veut la préserver et qu'elle la voit comme son soleil 🥺

Carazachiel

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Il y a 3 ans

Elle a un passé chargé, la pauvre

Lady Caféine

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Il y a 3 ans

Ah mais Ava est sa petite soeur !!! Je m'attendais à ce que ce soit sa fille. En tous cas elles n'ont pas été gâtées avec des parents pareils, ça rajoute une touche de réalisme et c'est touchant.

Camille Jobert

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Il y a 3 ans

Son beau père c'est vraiment une pourriture

Samara Alves

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Il y a 3 ans

Je confirme!!

Nicka

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Il y a 3 ans

Mais quelle belle famille 🙄

Samara Alves

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Il y a 3 ans

Pas top! En effet! 😞

Lulu_K

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Il y a 3 ans

Je pensais que c'était sa fille 🤦 on en parle de son beau père 😳 répugnant ce genre de type. J'apprécie d'autant plus Astra

Samara Alves

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Il y a 3 ans

Oui, Astra est une femme forte en fait! ❤️

Sombre Violette

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Il y a 3 ans

Je suis la seule qui pensait que c'était sa fille au début ?
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