Fyctia

Mon cœur bat frénétiquement, je ne suis pas prête à en parler, du moins pas ici, pas comme ça. C’est trop dur à dire tout haut. Je ne veux pas étaler ma vie au milieu de ce bar non plus.

En quelques secondes, je passe mon regard de Logan aux autres et lui fais comprendre de changer de sujet.

— Je disais simplement que je comprends que ça fait pas longtemps, enfin c’est encore récent quoi… tente mon meilleur ami.

J’acquiesce et nous sommes sauvés par le serveur qui vient prendre nos commandes. Jade et Arthur me fusillent du regard, je sais qu’ils reviendront à la charge plus tard. Mais pour l’instant, je peux respirer.

La conversation reprend sur le nouveau job de Jade et je remercie silencieusement ma meilleure amie de changer de sujet. Je sais qu’elle a commencé cette semaine, après avoir cherché pendant trois mois, Jade a enfin trouvé un emploi en tant que commerciale dans une concession de voiture.

La soirée continue, sans que personne ne prononce à nouveau le prénom de mon ex. Je bois plusieurs cocktails, si bien que je ne sais plus au combientième j’en suis.

— Maddie, c’est le dernier, m’annonce Logan alors que nous écoutons la discussion mouvementée entre nos amis.

Logan semble avoir compté pour moi. Il me retire mon verre et me fait un clin d’œil.

— Je peux boire autant que je veux, répliqué-je.

— Mouais, enfin c’est au moins le sixième là. On va se calmer…

Mon ami est autant éméché que moi puisqu’il prend mon verre et le pose à moitié sur la table et à moitié dans le vide. Le contenu se verse peu à peu sur son pantalon et nous éclatons de rire.

Complètement pris dans notre fou rire, je ne remarque pas qu’Alexa tente de nous faire entendre raison.

— Les gars ! Vous êtes pas sortables ! Vous finissez toujours bourrés.

— Oh ça va ! dis-je d’une voix un peu trainante, c’est vrai.

— Maddie ! me sermonne-t-elle en levant les yeux au ciel.

Elle secoue la tête et ajoute :

— Vous m’exaspérez vous deux ! C’est toujours pareil.

Jade se moque de nous à son tour, mais ne dit rien. Elle a l’habitude de nos petites maladresses en soirée.

— Allez les gars, on y va ! lance Arthur.

Nous acquiesçons tous et nous levons pour rejoindre le centre-ville de Strasbourg.

— Ah cette ville ! Qu’est-ce que je l’aime !

— T’es sûre que c’est cette ville que t’aimes ? me demande Logan, une main sur mon épaule.

Je lève les yeux vers lui et en essayant de mettre un pied devant l’autre, je rassemble mes esprits pour lui répondre :

— Ouaip ! Cent pour cent sûre ! Tu vois ce paysage, là ?

Je fais signe devant moi pour montrer les maisons à colombages et il se rapproche encore de moi.

— Des maisons, quoi de plus original ? ajoute-t-il comme pour décrédibiliser le fait que j’adore ma ville.

— Roh Logan ! Il faut toujours que tu sois rationnel, essaie de voir un peu au-dessus, lève la tête ! Tu verras comme c’est beau…

Je trébuche sur un pavé et me rattrape difficilement au bras de mon ami. Ma main agrippe ses tatouages et il me soutient pour que je puisse marcher droit.

— Tu vois, t’arrives même pas à marcher dans ta ville « préférée ».

Il mime le dernier mot avec ses doigts.

— Mais non, c’est juste qu’avec ces talons…

— C’est vrai, d’habitude tu ne mets pas de talons ! s’étonne Alexa en s’intégrant dans notre conversation.

— Eh ouais, j’avais envie ce soir, qu’est-ce que tu veux…

Ma voix est fluette et je sens bien que je dis n’importe quoi, mais je suis bien trop alcoolisée pour contrôler le flot de paroles qui sortent de ma bouche.

Nous regagnons le parking sur lequel nous Jade et moi sommes garées, en riant aux blagues de chacun, en jugeant les passants et en refaisant le monde… Comme on a l’habitude de le faire.

Cette soirée m’a fait du bien, j’ai évité la catastrophe de justesse, mais je suis heureuse d’être sortie pour la première fois depuis ma rupture. Ça fait du bien de les revoir. Je sais qu’ils sont toujours là pour moi, Logan et Alexa m’ont bombardé de messages dès que je leur ai dit. Même si je n’étais pas forcément d’humeur à parler, ce sont eux qui se sont souciés de moi. Ils m’appelaient pour être certains que je me lève le matin et que je continue d’honorer mes contrats.

Je l’avoue, sans eux, je n’aurais pas forcément trouvé le courage de me lever chaque matin. Ils sont mes piliers.

— Bonne nuit les gars !

— Maddie, t’es sûre que tu veux pas que je te raccompagne ? me demande Logan.

— T’inquiètes pas pour elle, je la ramène entière ta Maddie ! répond Jade à ma place.

Je me tourne vers Logan, une moue désolée sur le visage.

— Je suis pas sa Maddie !

Je crois que ça a toujours été comme ça dans notre groupe, Maddie et Logan, les deux inséparables… Et pourtant, il ne s’est jamais rien passé entre nous. Je l’avoue, au lycée j’avais un faible pour lui. Mais notre amitié s’est vite transformée en fraternité et il est véritablement comme un frère pour moi.

Nous nous saluons et je rentre dans la voiture de Jade.

— Ah, qu’est-ce que j’aimerais habiter le centre-ville, se plaint mon amie.

— Qu’est-ce que tu veux, une belle maison ou un appartement de vingt mètres carrés ?

Nous rigolons et elle ajoute avant de démarrer :

— Va pour ma belle maison… Mais ne vomis pas dans ma voiture avant d’arriver dans ton appartement !

— Promis, juré…

— Ne continue pas, je t’en supplie !

Elle secoue la tête, tourne la clé et met le contact. Je ne peux pas m’empêcher de rire et la musique retentit d’un coup dans l’habitacle. Nous chantons fort et faux jusqu’à arriver à mon appartement.

J’habite un peu en périphérie du centre de Strasbourg, mais je suis très bien installée dans mon petit appartement. Je n’ai aucun vis-à-vis et mes voisins sont… discrets. Il faut dire qu’à un certain âge, ils ne supportent pas le bruit eux-mêmes, donc ils n’en font pas. Clairement, on peut dire que j’habite dans un immeuble de retraités. Et cela me convient très bien. Il est grand, entièrement refait à neuf dans un style contemporain et scandinave.

***

Jeudi 27 octobre

Le réveil est fastidieux. Je m’étire et appuie sur le bouton pour ouvrir mes volets électriques. La lumière du jour pénètre dans la pièce et j’ai du mal à ouvrir mes yeux en entier. Un petit mal de tête pointe le bout de son nez, mais je prends un médicament pour qu’il ne me gâche pas la journée.

Un rapide coup d’œil à mon téléphone, j’ai un message de ma sœur. Luna m’invite à son spectacle de danse en novembre. Je ne peux bien entendu pas louper ça. Je lui réponds que je serai là. Elle et moi, nous avons toujours été proche et je sais qu’elle se fait beaucoup de soucis pour moi en ce moment. Je la rassure et passe en revue mes mails pour commencer la journée.

Puis je vois que j’ai un appel en absence. Qui a bien pu déjà m’appeler à huit heures du matin ?