Fyctia
Chandelier de l'âme 11
L’entité leur présenta deux objets : une plume noire et une flamme enfermée dans un globe de verre.
— « Choisissez, » dit-elle. « Une seule vérité peut guider votre lumière. »
Le silence pesant emplissait l’espace entre Léandre et Camille. La plume noire semblait absorber toute lumière qui l’effleurait, tandis que la flamme pulsait doucement dans son globe, émettant une chaleur rassurante mais terriblement fragile.
— « Pourquoi ce choix ? » murmura Camille, fixant la silhouette divine.
— « Parce que ce que vous cherchez ne peut se trouver qu’à travers un renoncement, » répondit la voix éthérée. « La plume est le poids des ténèbres, la mémoire de ce qui est imparfait et brisé. La flamme est l’éveil lumineux, mais éphémère, car toute lumière finit par se consumer. L’un des deux vous guidera, mais l’autre devra être abandonné. »
Léandre sentit son esprit vaciller. Le poids des années passées à rechercher la perfection, à transcender l’imperfection humaine à travers son art, le tirait vers la flamme. Mais il savait, au fond de lui, que la vérité de leur quête résidait dans l’imperfection même qu’il avait toujours rejetée.
Camille, quant à elle, ressentait l’appel oppressant de la plume, comme si elle portait en elle une vérité qu’elle redoutait d’affronter.
— « Si nous choisissons mal ? » demanda-t-elle.
— « Aucun choix n’est mauvais, » répondit la silhouette. « Mais chaque choix a un prix. »
Léandre avança le premier. Il tendit la main vers la plume, sentant une vague de froid glacial envahir son être. Lorsqu’il l’effleura, des visions éclatèrent dans son esprit : son père, déchu et brisé, son propre reflet déformé par des regrets et des échecs qu’il avait toujours évités.
Il voulut retirer sa main, mais quelque chose le retenait. La plume n’était pas seulement un objet, elle était un fragment de lui-même, une part qu’il avait oubliée ou enterrée.
— « L’imperfection divine… » murmura-t-il, réalisant enfin. « Elle n’est pas à redouter, mais à embrasser. »
La plume disparut dans un éclat de lumière sombre, et une marque subtile apparut sur son poignet : un symbole complexe, semblant fusionner des courbes douces et des lignes fracturées.
Camille, quant à elle, choisit la flamme. Lorsque sa main effleura le globe de verre, une chaleur intense l’enveloppa, lui montrant des visions d’une beauté indescriptible : des champs infinis de lumière, des créations parfaites, des visages emplis de joie et de compréhension.
Mais au cœur de cette perfection, elle ressentit un vide. Une lumière sans ombre, une existence sans lutte. Elle comprit alors que la flamme, bien qu’éblouissante, n’était qu’un fragment de la vérité.
La flamme s’éteignit dans un dernier souffle, et un second symbole apparut sur son front, brillant brièvement avant de s’estomper.
La silhouette divine recula, et le sol cristallin sous leurs pieds se mit à vibrer. Les deux symboles apparus sur Léandre et Camille s’entrelacèrent dans les airs, formant une porte d’énergie pure.
— « Vous avez embrassé ce que vous étiez destinés à devenir, » déclara la voix. « L’un porteur de la mémoire imparfaite, l’autre gardienne de l’éveil éphémère. Ensemble, vous êtes le Témoin et le Guide. »
La porte s’ouvrit lentement, dévoilant un passage vers un lieu où la lumière et l’ombre dansaient en harmonie.
— « Et maintenant ? » demanda Camille, la voix tremblante mais résolue.
— « Vous affronterez l’ultime vérité. »
Alors qu’ils traversaient la porte, Léandre et Camille se retrouvèrent dans un paysage hors du temps. Tout était à la fois infini et contenu, comme si l’univers entier se tenait dans un unique battement de cœur.
Au centre de cet espace, un trône d’étoiles les attendait, gardé par une figure indistincte, dont la présence seule faisait trembler leur âme.
— « Vous êtes venus chercher l’infini, » dit la figure, sa voix résonnant comme mille échos. « Mais êtes-vous prêts à accepter que l’infini est aussi fragile que l’imperfection humaine ? »
Lorsque la lumière s’éteignit, Léandre et Camille se retrouvèrent au centre d’un vaste sanctuaire. Les murs, faits d’un matériau brillant et vivant, semblaient respirer doucement, comme une entité consciente. Sur le sol scintillant, les sept cristallins étaient disposés en cercle parfait. Ils pulsaient faiblement, synchronisés avec les battements de leurs cœurs.
Un silence lourd régnait, interrompu seulement par un murmure lointain, comme si les cristallins eux-mêmes chuchotaient des secrets que nul ne pouvait comprendre.
— « Qu’est-ce que cet endroit ? » demanda Camille, sa voix brisant la tension oppressante.
— « Le cœur de l’énigme, » répondit Léandre, ses yeux fixant intensément les cristallins. « C’est ici que tout converge… et peut-être où tout finit. »
Une inscription apparut soudain sur le sol, gravée par une lumière dorée. Les mots, dans une langue ancienne qu’aucun d’eux ne connaissait, résonnaient directement dans leur esprit, comme une mélodie familière et inquiétante :
« L’âme divine ne se révèle qu’à ceux qui embrassent la totalité de leur être. Mais pour ouvrir la voie, un sacrifice est exigé. »
Les cristallins se mirent à vibrer, émettant des éclats de lumière. Chaque fragment projetait une scène dans l’air, des fragments de vie, des souvenirs épars. Camille vit une version d’elle-même, seule dans une bibliothèque infinie, cherchant désespérément une vérité qu’elle ne trouvait jamais.
Léandre, quant à lui, aperçut son père, plus jeune, debout devant une toile inachevée. Ses mains tremblaient, hésitant à poser le dernier coup de pinceau.
— « Ce sont… des visions de ce que nous sommes, ou de ce que nous pourrions être, » murmura Camille, fascinée et terrifiée à la fois.
— « Ou peut-être des échos de ce que nous avons déjà été, » ajouta Léandre.
Un cri soudain brisa le silence. Les cristallins projetaient maintenant une image unique : un labyrinthe sombre, où des ombres hurlantes se déchiraient et se reconstituaient sans cesse.
Le sol sous leurs pieds commença à trembler. Une voix, grave et autoritaire, résonna dans tout le sanctuaire :
« Si vous cherchez à comprendre l’infini, entrez dans le labyrinthe des âmes. Mais sachez ceci : tout ce que vous croyez savoir sera mis à l’épreuve, et tout ce que vous craignez perdre pourrait vous être arraché. »
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