Fyctia
Chandelier de l'âme 10
Avec une précision presque rituelle, Léandre et Camille commencèrent à déposer les flammes dans leurs emplacements respectifs. À chaque flamme ajoutée, une lumière intense jaillissait, illuminant le sanctuaire d’une clarté divine.
Mais alors qu’ils plaçaient la dernière flamme, une ombre massive surgit, enveloppant le chandelier et projetant la salle dans une obscurité glaciale.
L’ombre semblait vivante, une entité née des doutes et des peurs qu’ils avaient combattus dans les sanctuaires. Elle murmura des vérités cruelles, des failles enfouies, cherchant à briser leur volonté.
— « Vous croyez pouvoir allumer la lumière éternelle ? Vous êtes faibles, fragiles, humains. Votre imperfection vous condamne. »
Mais Camille, serrant le médaillon contre son cœur, répondit :
— « C’est dans nos failles que réside notre force. L’humanité n’est pas parfaite, mais c’est cette imperfection qui donne naissance à l’art, à l’amour, et à la lumière. »
Léandre, à ses côtés, leva la main. Les flammes du chandelier, bien qu’éteintes par l’ombre, semblaient répondre à sa volonté. Une chaleur divine émanait de lui, projetant une lumière si intense que l’ombre recula.
— « Tu n’es rien face à ce que nous portons en nous, » déclara Léandre. « L’inspiration divine ne peut être éteinte. »
Dans un dernier éclat, les sept flammes s’embrasèrent, fusionnant en une lumière si pure qu’elle sembla effacer l’ombre de l’existence elle-même. Le chandelier s’éleva du sol, flottant dans l’air, tandis que la salle entière vibrait d’une énergie transcendante.
Les Gardiens s’inclinèrent, leurs visages illuminés par une révélation qu’eux seuls comprenaient.
— « Le Témoin et le Guide ont accompli la prophétie, » annonça la gardienne. « Vous avez ravivé la lumière de l’âme, un éclat qui brillera à travers les âges. »
Alors que le Chandelier de l’Âme illuminait la salle d’une lumière divine, une étrange quiétude envahit les lieux. Les Gardiens, habituellement si sereins, semblaient troublés. L’un d’eux s’avança, son visage caché derrière un voile d’or brodé, et murmura :
— « La lumière est là, mais elle n’est pas complète. Une ombre persiste au-delà de ce que nous voyons. »
Léandre et Camille échangèrent un regard inquiet. Ils avaient accompli ce qu’ils croyaient être la prophétie, mais une nouvelle tension s’insinuait dans l’air, un pressentiment que leur quête n’était pas véritablement achevée.
Cette nuit-là, alors qu’ils tentaient de trouver un semblant de repos dans une chambre austère du temple, Léandre fut réveillé par un murmure. Ce n’était pas une voix humaine, mais un souffle profond, presque organique, comme si le monde lui-même respirait dans son esprit.
— « Pourquoi crois-tu que tout est accompli, Léandre ? Pourquoi te contentes-tu de ce qui n’est qu’un fragment de la vérité ? »
Il se redressa, le souffle court, et trouva Camille déjà éveillée, les yeux fixes et hantés.
— « Tu l’as entendu, toi aussi ? » demanda-t-elle.
Léandre hocha la tête. Une froideur inexplicable envahissait la pièce. Le médaillon que Camille portait semblait vibrer faiblement, émettant une lueur intermittente, comme une respiration.
Le lendemain, alors qu’ils se réunissaient avec les Gardiens, une anomalie dans la lumière du Chandelier devint visible. Au centre de sa clarté parfaite, une fissure fine et sinistre s’étendait, comme une entaille dans la réalité. La lumière autour vacilla brièvement, projetant des ombres mouvantes sur les murs du sanctuaire.
— « Cela ne devrait pas être, » déclara la Gardienne en chef, ses yeux fixant la fissure avec une intensité presque désespérée. « Une faille existe, une vérité oubliée. Vous devez retourner là où tout a commencé. »
— « Où tout a commencé ? » répéta Camille.
— « À la source de la lumière et des ténèbres. Le Chandelier n’est pas qu’un artefact, c’est un passage. Vous n’avez pas ravivé une flamme, vous avez ouvert une porte. »
Guidés par les Gardiens, Léandre et Camille furent conduits à une salle cachée sous le sanctuaire principal. Une fresque ancienne couvrait les murs, montrant des figures voilées portant des cristallins dans un monde fracturé par la lumière et l’ombre. Au centre de la pièce se trouvait un miroir noirci, dont la surface semblait absorber toute lumière.
— « Ce miroir est la clé, » dit un Gardien. « Il reflète non pas ce que vous êtes, mais ce que vous refusez de voir. Seuls ceux qui embrassent l’imperfection de leur âme pourront le traverser. »
Léandre fut le premier à se tenir devant le miroir. Au début, il ne vit qu’un vide sombre, mais bientôt des images commencèrent à se former. Il vit son père, tel qu’il l’avait toujours connu, mais entouré d’une lumière surnaturelle, portant un sourire empreint de sagesse infinie.
— « Tu m’as toujours cherché, Léandre, » murmura l’image. « Mais je ne suis pas la réponse. Ce que tu cherches est en toi, dans l’obscurité que tu redoutes. »
L’image se brisa en une multitude de fragments, laissant Léandre seul face à son propre reflet, déformé et indistinct. Une peur viscérale monta en lui, mais il prit une profonde inspiration et tendit la main vers le miroir.
La surface noire sembla s’ouvrir comme une porte liquide, et Léandre disparut à l’intérieur.
Camille suivit rapidement, son médaillon rayonnant d’une lumière éblouissante qui éclairait le chemin à travers le miroir. De l’autre côté, ils se retrouvèrent dans un paysage irréel : une plaine infinie où le sol était constitué d’un cristal réfléchissant, et où le ciel était une mer tourbillonnante d’étoiles et de ténèbres.
Au loin, une immense silhouette se dessinait, une entité faite de lumière et d’ombre entrelacées.
— « Vous êtes les porteurs de l’éclat, » dit une voix venant de la silhouette. « Mais pour véritablement achever la prophétie, vous devez affronter l’origine de tout : l’imperfection divine. »
Léandre sentit une chaleur monter en lui, comme si chaque fibre de son être était scrutée et jugée. Camille, quant à elle, ressentit une immense pression sur son esprit, comme si son existence entière était mise à l’épreuve.
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