Chris LEVOYAGEUR MUSE DU REGARD ÉTERNEL. TOME 1 Le sacré imparfait 1

Le sacré imparfait 1

Les cristallins, maintenant réunis, brillaient faiblement dans l’obscurité d’une nouvelle nuit. Le groupe, épuisé mais étrangement apaisé, s’était rassemblé autour d’un feu crépitant dans une grotte proche. L’écho de la lumière sacrée semblait s’atténuer, comme si le cristal, désormais complet, se repliait sur lui-même. Pourtant, son poids symbolique pesait lourd dans l’esprit de chacun.


Léandre, les yeux fixés sur le reflet vacillant du cristal, murmura presque pour lui-même :


— « Nous avons cherché l’infini dans la perfection, mais et si c’était l’imperfection qui portait le véritable sacré ? »


Carthos Jo, assis en silence, releva son regard fatigué et sage vers lui.


— « C’est une vérité que peu osent regarder en face. La perfection est une illusion, un concept créé pour masquer ce qui fait réellement vibrer l’âme humaine : nos erreurs, nos doutes, nos failles. »


Jenny prit une longue inspiration, les larmes aux yeux.


— « Mais comment trouver le sacré dans ce que nous considérons comme brisé ? Nos failles ne sont-elles pas ce que nous cherchons à cacher, à réparer ? »


Christopher, toujours pragmatique mais visiblement marqué par leur dernière quête, répondit avec une gravité inhabituelle :


— « Peut-être que nous avons cherché trop loin, dans des choses intangibles, alors que la réponse est devant nous. Si le divin existe, il se manifeste dans nos imperfections. Chaque échec, chaque souffrance, chaque imperfection raconte une histoire unique. »


Cette nuit-là, alors que le groupe s’endormait, Léandre fut une fois de plus visité par une vision. Dans son rêve, il se tenait dans une vaste plaine infinie, jonchée de miroirs brisés. Chaque fragment reflétait une partie de lui-même : ses triomphes, ses échecs, ses peurs. Au loin, une silhouette indistincte semblait l’appeler, non pas avec des mots, mais avec une mélodie douce et envoûtante.


La voix qu’il avait entendue près des cristallins résonna à nouveau, plus proche, plus intime :


— « Cherche ce qui est brisé, car c’est là que le divin s’abrite. Chaque éclat porte une vérité, mais ce n’est qu’en acceptant l’ensemble, imparfait et incomplet, que tu découvriras ce que tu cherches. »


Il se réveilla en sursaut, le souffle court. Le cristal brillait faiblement à ses côtés, et une étrange gravure était apparue sur sa surface : un symbole fractal, semblant s’étendre à l’infini tout en restant enfermé dans sa propre forme.


Au petit matin, Léandre partagea sa vision avec le groupe. Carthos Jo, après un long silence, expliqua :


— « Ce que tu as vu, ce sont les Ombres Fragmentées. Des échos d’humanité laissés par ceux qui, comme nous, ont cherché à comprendre l’essence du divin. Il est dit que ces fragments renferment des vérités cachées, mais qu’ils ne se révèlent qu’à ceux capables d’embrasser l’imperfection. »


Jenny fronça les sourcils, inquiète :


— « Et où trouve-t-on ces ombres ? »


Camille, feuilletant ses carnets anciens, s’arrêta sur une page décrivant une ancienne légende :


— « Les Ombres Fragmentées sont censées se manifester dans des lieux où l’humanité a laissé ses marques les plus vulnérables. Des lieux de douleur, de création, et de rédemption. »


Christopher, sceptique mais intrigué, demanda :


— « Et où commence-t-on ? »


Camille pointa une carte ancienne, où un symbole ressemblant à celui sur le cristal était gravé.


— « Le premier lieu est appelé la Cathédrale Inachevée. Elle se trouve au cœur d’un désert où les vents chantent les regrets des âmes perdues. »


Le chemin vers le désert était ardu. Les jours étaient brûlants, les nuits glaciales, et chaque membre du groupe semblait peu à peu confronté à ses propres limites. Le désert semblait murmurer des secrets dans le vent, évoquant des souvenirs enfouis, des regrets et des rêves abandonnés.


Lorsqu’ils atteignirent finalement la Cathédrale Inachevée, ils furent frappés par son étrange beauté. Les murs, faits de pierres brutes, semblaient s’élever vers le ciel mais s’arrêtaient brusquement, comme si l’édifice avait été abandonné avant d’être achevé. À l’intérieur, des peintures incomplètes, des sculptures brisées, et des écritures effacées racontaient l’histoire d’une quête interrompue.


Sur l’autel principal, un éclat lumineux attira leur attention : un fragment cristallin, différent des sept qu’ils avaient rassemblés.


— « C’est un éclat d’ombre, » murmura Camille, fascinée. « Une trace laissée par ceux qui ont cherché le sacré dans l’imperfection. »


Alors que Léandre s’approchait du fragment, une ombre immense se matérialisa devant eux. Elle ne ressemblait pas à un être physique, mais à une manifestation de ténèbres, changeant constamment de forme, comme une mosaïque d’âmes brisées.


— « Pourquoi cherchez-vous ce qui ne peut être réparé ? » tonna l’ombre, sa voix résonnant comme mille échos. « L’imperfection est une malédiction, non un don. »


Le groupe, pris de peur, recula. Mais Léandre, le regard ferme, s’avança.


— « L’imperfection est ce qui nous rend vivants, » répondit-il. « Sans elle, il n’y a pas de quête, pas de beauté, pas d’âme. »


L’ombre sembla vaciller un instant, comme touchée par ses paroles. Mais elle ne recula pas. Au contraire, elle s’éleva, projetant des visions dans l’esprit de chacun, les confrontant à leurs propres failles.


Les membres du groupe furent plongés dans des mondes intérieurs, forcés d’affronter leurs plus grandes peurs, leurs regrets, et leurs erreurs. Léandre, quant à lui, se retrouva face à un miroir brisé, chaque éclat reflétant un fragment de son être.


— « Accepte ce que tu vois, » murmura une voix intérieure. « Car c’est en embrassant tes failles que tu trouveras la véritable force. »


Lorsqu’il tendit la main pour toucher un éclat du miroir, le monde autour de lui sembla s’effondrer. Mais au lieu de sombrer dans l’ombre, une lumière douce émana de lui, éclairant la Cathédrale Inachevée.


L’ombre, vaincue, se dissipa, laissant derrière elle une étrange sérénité.


Le groupe, sorti indemne mais changé, observa le fragment laissé sur l’autel. Il ne ressemblait pas aux autres cristallins. Il était imparfait, légèrement fissuré, mais il brillait d’une lumière unique, comme une étoile fragile mais inextinguible.

Léandre le prit dans ses mains, sentant une chaleur familière mais différente.


— « Ce n’est pas la perfection qui nous guide, » murmura-t-il. « Mais l’imperfection, et ce qu’elle révèle en nous. »


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